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Rajesh Bhagwan, de l’Alliance du Changement : «Aucune élection n’est gagnée d’avance»

Les citadins ont été privés d’urnes pendant dix ans. À la veille du scrutin municipal du 4 mai, le ministre de l’Environnement, Rajesh Bhagwan, l’un des coordonnateurs de l’Alliance du Changement pour les municipales, défend le retour de la démocratie locale. Il revient sur les enjeux urbains, les dérives passées et la volonté de l’Alliance du changement de tourner la page d’une décennie de paralysie municipale.

Comment s’organise la tenue des élections municipales du 4 mai dans les cinq villes du pays et quelles garanties sont données sur leur bon déroulement ?
Les citadins des cinq villes sont impatients de pouvoir participer à cet exercice démocratique que constituent les élections municipales, après dix ans marqués par le renvoi à trois reprises de ces élections par le Mouvement socialiste militant (MSM). Au niveau de l’Alliance du changement, nous avons constitué cinq équipes et nous avons privilégié des candidats de proximité qui connaissent leur arrondissement et sont actifs sur le terrain. Nous avons mené une campagne très courte, mais bien huilée. C’était un plaisir de retrouver la base après la victoire aux élections générales. Nous avons fait un maximum d’efforts pour aller à la rencontre des citadins et nos activistes sont motivés à bloc. Notre campagne devrait culminer par notre grand meeting à la rue Edward VII à Rose Hill, le 1er mai. Le fait que le dépouillement se fera le même jour de la tenue des élections, après la clôture des bureaux de vote, contribuera certainement à faire que cet exercice se passe dans les meilleures conditions possible.

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Quel rôle les élections municipales jouent-elles dans l’équilibre global des pouvoirs à Maurice, au-delà de la seule gestion locale ?
Maurice a une longue tradition de démocratie régionale de plus de 200 ans. Elle a pris naissance à Port-Louis, avec la première mairie de l’île et comme premier maire, Thomas Enouf, en 1790. C’est bien avant la création de l’Assemblée législative. Les élections municipales permettent d’abord aux citoyens d’une ville de s’intéresser et de participer à la gestion quotidienne de leur ville. Une collectivité locale offre un éventail de services efficaces et efficients et crée un environnement dans lequel il fait bon vivre. Les élections municipales sont également un bon tremplin, un stepping stone pour ceux qui s’intéressent aux affaires publiques, à leur ville et à leur pays. Ce qui est essentiel, c’est un dialogue permanent et constructif entre les citoyens, les forces vives et les conseillers municipaux. Mais, il est clair que des élections régionales régulières contribuent à assainir la démocratie.

Comment l’urbanisation croissante des cinq grandes villes influence-t-elle les attentes et les comportements électoraux des citoyens ?
Les nouveaux morcellements et la migration vers la zone urbaine ont impacté les villes, notamment en termes de congestion routière et de capacité d’aires de stationnement, accentuées par davantage d’utilisation individuelle de la voiture. Ce qui fait qu’aujourd’hui, c’est parfois un véritable parcours du combattant pour stationner et pour circuler. Par contre, de l’autre côté, il y a des centres commerciaux dotés de facilités de stationnement. Les citadins attendent un sursaut et de nouvelles politiques de leurs conseillers une fois élus. Ils réclament les services essentiels, veulent circuler en toute sécurité, vaquer à leurs occupations et faire du shopping. Ils ont faim et soif d’un meilleur cadre de vie, d’une vie culturelle et sportive ravivée. Il y a aussi une grande attente au niveau de la salubrité. Les autorités ont certainement leur part à jouer en matière de propreté et d’hygiène publique dont dépend notre santé. Mais tous les citoyens doivent aussi contribuer à préserver leur environnement. Il est aussi évident que nos villes ont grand besoin d’un profond toilettage pour se débarrasser des bâtiments délabrés et des terrains en friche qui continuent à défigurer le paysage urbain. Il ne faut pas oublier nos aînés, qui ont contribué au développement du pays à la sueur de leur front. Ils ont aussi une place prépondérante dans notre programme et il faut pouvoir leur faciliter l’accès aux services essentiels, aux loisirs et aux activités sportives adaptées.

Le système électoral municipal, tel qu’il est conçu, favorise-t-il la représentativité des citadins ou renforce-t-il la logique du parti unique ?
À Maurice, nous avons une série de partis politiques et on a été témoin de leur participation lors des dernières élections générales. Nous savons tous que dans l’histoire politique de Maurice, les grands partis ont joué un grand rôle dans l’émancipation des travailleurs. Ce gouvernement veut consolider la démocratie, comme mentionné dans notre programme gouvernemental 2025-2029. Il veut réformer le système électoral afin qu’il reflète davantage ce que veut le peuple. Il souhaite garantir une représentation parlementaire équitable, notamment avec l’introduction d’une dose de proportionnelle et une présence accrue de femmes à l’Assemblée nationale. 

Quels garde-fous institutionnels existent-ils pour éviter que les mairies ne deviennent de simples relais du pouvoir central ?
Les conseils municipaux ont certainement la responsabilité de mettre en pratique les politiques du gouvernement central. Il y a une logique de collaboration pour la mise en œuvre de la politique de l’État. Cette collaboration doit être permanente et bénéfique pour le pays. Le conseil municipal reste le centre du pouvoir décisionnel des villes. À cet effet, les conseillers ont la responsabilité et le devoir de consulter en permanence leurs citadins sur tout ce qui est susceptible d’affecter leur ville. D’ailleurs, dans son programme pour les municipales, l’Alliance du changement s’engage à tenir des séances du conseil dédiées aux débats dans l’intérêt du bien public. Nos candidats entendent bien rétablir un dialogue permanent et moderniser la communication entre les conseils et les citadins pour développer une culture de gouvernance transparente à travers des réunions régulières au niveau des arrondissements et des quartiers. Ce dont les citadins ne veulent plus, ce sont des conseils décrédibilisés, ayant perdu de leur légitimité démocratique. 

Comment comprendre le parallèle historique entre les municipales de 2015, marquées par la déroute du Parti travailliste, et celles de 2025, marquées par la chute du MSM ?
Le Mouvement militant mauricien (MMM) a affronté l’électorat aux élections municipales de 2015 malgré la contre-performance de l’Alliance Parti travailliste/MMM aux élections générales de 2014. Et, nous savons tous comment cette campagne pour les législatives de 2014 a été marquée par la désinformation et le communalisme. Une fois élu, le gouvernement d’alors avait écourté le mandat des conseillers municipaux qui avaient été élus en 2012. Avec des élections anticipées dans le sillage de sa victoire aux élections générales, il avait coupé le mandat des élus de presque trois ans, car les prochaines élections régionales étaient initialement prévues en 2018.

Dans un scrutin annoncé comme plié d’avance, quel sens reste-t-il à l’acte de voter pour les électeurs des cinq villes ? 
Aucune élection n’est gagnée d’avance. La victoire est le fruit d’un travail acharné effectué jusqu’au jour des élections. Nous sommes persuadés que les électeurs des cinq villes feront confiance à l’Alliance du changement. Ce gouvernement s’est rapidement mis au travail, avec certains changements déjà visibles et d’autres en cours, pour apporter ce renouveau pour nos villes et pour le pays. Nous invitons la population urbaine à venir propulser le rythme du changement.

La quête affichée d’un 120-0 par l’Alliance du changement révèle-t-elle une ambition démocratique ou une dangereuse tentation hégémonique ?
Il est tout à fait normal qu’un parti vise à remporter un maximum de sièges. Nous, nous visons la majorité, afin de pouvoir relancer les villes après dix années d’immobilisme et de « municipal capture » par des ministres et des Parliamentary private secretaries, avec une mainmise de lakwizinn sur tout, allant des nominations aux promotions. Bien entendu, c’est aux électeurs de faire le choix final au niveau des différents arrondissements des cinq villes en fonction de leur choix et de leur préférence politique.

Le pragmatisme supposé des citadins, votant « pour ne pas être négligés », traduit-il une adhésion politique ou une résignation face au rouleau compresseur gouvernemental ?
Les électeurs de nos villes sont bien éclairés et conscients quelles équipes ont fait leurs preuves et qui sont capables de rénover et d’innover pour des villes nouvelles. Les gens votent en tenant compte de l’équipe, de l’expérience et des projets proposés pour la ville.

Quelle vitalité démocratique peut-il rester pour des municipales alors que les principaux partis d’opposition - le Mouvement socialiste militant et le Parti mauricien social-démocrate - sont absents ?
C’est à eux d’assumer leur responsabilité s’ils ont décidé de ne pas participer à cet exercice démocratique après dix ans. Les absents ont toujours tort et la démocratie s’exerce quand les citoyens vont aux urnes déposer leur bulletin, lors des élections libres et transparentes et non quand l’opposition est présente ou pas. La démocratie régionale reprend ses droits avec la tenue des élections municipales libres et transparentes que ce nouveau gouvernement va garantir chaque six ans. Plus jamais encore de renvois injustifiés à la convenance du gouvernement du jour !  

* L’interview a été réalisée avant le meeting du 1er mai.
 

 

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