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Profession légale : les motifs du faible taux de réussite aux examens de droit

Moins de 10 % des candidats aux examens du barreau mauricien ont réussi. Comment expliquer cette situation ? Quelles sont les lacunes du système de formation ? Quelles sont les solutions pour y remédier ? Le point avec des acteurs de la profession légale.

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Les résultats des examens du CVLE (Council for Vocational Legal Education) ont été publiés le 11 octobre 2023. Ces examens, qui se sont déroulés de juillet à août 2023, concernaient les candidats aux professions d’avocat, d’avoué et de notaire. Les résultats sont très décevants : sur 218 candidats, seuls 20 ont réussi, soit un taux de réussite global de moins de 10 %. Plus en détail, on observe que :

  • 6 candidats sur 67 ont réussi aux examens d’avocat, soit un taux de réussite de 8,96 %.
  • 12 candidats sur 121 ont réussi aux examens d’avoué, soit un taux de réussite de 9,92 %.
  • 2 candidats sur 30 ont réussi aux examens de notaire, soit un taux de réussite de 6,67 %.

Me Selva Murday, avoué : «Nous avons toujours plaidé pour une élévation du niveau»

Photo 2-Me Selva Murday« Les examens d’avoué ont toujours été difficiles, car ils requièrent une connaissance pratique et théorique approfondie. » C’est ce que fait d’emblée ressortir Me Selva Murday, avoué. Face aux résultats des derniers examens, « nous ne considérons pas cela comme un faible taux de réussite, mais plutôt comme un gage de qualité ». « Les avoués qui prêtent serment après ces examens sont compétents et prêts à défendre les clients. Nous avons toujours plaidé pour une élévation du niveau plutôt qu’un nivellement par le bas », argue-t-il. 

La mauvaise maîtrise de la langue est-elle la cause principale du taux d’échec élevé ? « Oui et non », répond l’avoué. Il explique que le travail de l’avoué consiste essentiellement à rédiger des plaintes ou d’autres documents juridiques, et que par conséquent, il est indispensable d’avoir une excellente expression écrite. « Il est certain qu’une bonne maîtrise de la langue est primordiale », dit-il. 

Toutefois, il faut aussi avoir une parfaite connaissance du droit et une certaine éloquence. « L’avoué est aujourd’hui le premier interlocuteur entre la cour et le client dans les affaires civiles. Nous ne pouvons tolérer aucune faille. Toute erreur de l’avoué a une incidence directe sur les chances de succès d’une affaire », souligne l’avoué.

Quelles solutions à ce problème ? La seule solution, selon lui, est de s’assurer que l’aspirant avoué maîtrise parfaitement les lois en théorie et en pratique. « Pour cela, on encourage ceux qui ont terminé leur diplôme en droit à faire des stages chez des avoués. On a souvent tendance à oublier que ces examens du barreau mauricien ont toujours produit les meilleurs éléments », dit-il.

Or, l’avoué constate que certains ont « cette fâcheuse habitude de comparer le taux de réussite aux examens du barreau en Angleterre et ceux de Maurice ». Il est important, selon lui, de faire la distinction. « Sur les 90 % des élèves qui réussissent en Angleterre, seuls 10 % ou moins auront la chance de faire leur pupillage et par conséquent, pratiquer en Angleterre. Or, à Maurice, sur les 10 % qui réussissent, 100 % seront admis au barreau et pourront pratiquer », précise-t-il. 

Les examens d’avoué sont des examens professionnels, ajoute-t-il. « Le strict minimum est une très bonne maîtrise de la langue. » Il estime que les mini-pupillages peuvent aider, ainsi que le suivi du programme d’étude et la mise à jour sur les récents cas de droit.

 

Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul, présidente du Bar Council : «Il est impératif de corriger les lacunes»

Photo 1- Me priscilla-balgobin-bhoyrul« Le faible taux de réussite aux examens du barreau du CVLE est regrettable depuis de nombreuses années », déclare la présidente de l’Ordre des avocats, Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul. Elle explique que le rapport des examinateurs de 2022 révèle que de nombreux candidats échouent à cause d’une maîtrise insuffisante de l’anglais et du français, à l’écrit comme à l’oral. « Pour ceux qui aspirent à une carrière au barreau, il est impératif de corriger cette lacune. Une solide compétence dans ces deux langues est essentielle dans le domaine juridique », recommande-t-elle. 

Elle ajoute que le rapport souligne un problème fondamental : les étudiants abordent les questions de manière théorique plutôt que pratique. Cela se reflète également dans les compétences en plaidoirie, le comportement lors des examens de plaidoirie et la connaissance des règles de base de l’étiquette judiciaire. Pour résoudre ces problèmes, elle suggère que les candidats effectuent davantage de mini-stages pour se confronter à des situations réelles et acquérir une expérience pratique. 

La présidente du Bar Council appelle à une analyse approfondie des lacunes et à une réflexion sur les moyens de les combler. Elle souligne que les autorités compétentes travaillent sur ce sujet, mais il est crucial de comprendre pourquoi certains étudiants ne possèdent pas les compétences requises et comment les garantir. Cette situation représente un défi majeur pour les étudiants et leurs parents, qui ont investi tant d’efforts et de sacrifices. Une analyse minutieuse des lacunes et des mesures concrètes sont nécessaires pour améliorer le taux de réussite aux examens de droit et préparer efficacement les futurs avocats, plaide-t-elle.

 

Rajen Narsinghen, Senior Lecturer en droit à l’université de Maurice : «Un problème systémique»

Photo 3-Rajen Narshinghen

Selon Rajen Narsinghen, chargé de cours en droit à l’université de Maurice, le problème est d’ordre systémique. Il déplore que les recommandations du rapport de Lord Philips sur les examens du barreau n’aient pas été mises en œuvre correctement. « Ces examens devraient avoir une dimension plus pratique, comme en Nouvelle-Zélande. Il ne s’agit pas seulement d’évaluer la connaissance académique », affirme-t-il. 

Il montre du doigt plusieurs facteurs, dont la compétence des chargés de cours. « Certains n’ont pas les compétences pédagogiques nécessaires », dit-il. Il remet également en question le niveau de certaines institutions autorisées à enseigner le droit. Et dénonce, dans la foulée, « cette perception que la guillotine est appliquée en raison du grand nombre d’avocats sur le marché à Maurice. Cela afin de ne garder que les meilleurs ».
 
Pour Rajen Narsinghen, il est essentiel de combler les lacunes et d’augmenter le taux de réussite. « Certes, certains candidats n’ont pas le niveau. Mais ailleurs, le pourcentage de réussite se situe entre 40 et 50 %. Avoir un taux de réussite de 7 % à 10 % sur le plan local est dramatique. Cela va saper la confiance des étudiants en droit. » Il propose de revoir l’accès aux ressources, livres et manuels de droit pour mieux les encadrer.

 

 

 

Pas de commentaire des notaires

Le CVLE est l’instance chargée de la tenue des examens d’avocats, avoués et notaires. Il a pour président le juge Nicholas Oh San Bellepeau. Sollicité, le président de la Chambre des notaires de Maurice, Me Bernard D’Hotman de Villiers, n’a pas souhaité commenter les résultats pour les examens de notaire. Il explique qu’en sa qualité de président de la Chambre des notaires, il siège aussi au CVLE. « Il ne serait donc pas approprié pour moi de faire un commentaire quelconque », déclare-t-il. Me Dya Ghose-Radhakeesoon, la présidente de la Mauritius Law Society (MLS), s’est, elle aussi, abstenue de tout commentaire, vu qu’elle siège également au CVLE.

 

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