Le versement de la prime du 14ᵉ mois est attendu comme une bouffée d’oxygène par des milliers de salariés mauriciens. Pourtant, une partie de la population active reste sur le carreau : les salariés percevant Rs 50 000 ou plus. Un plafond fixé par le gouvernement qui divise l’opinion et alimente un débat crucial : cette exclusion est-elle une mesure équitable ou une forme de discrimination sociale ?
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Instauré sous l’égide de politiques en faveur des bas salaires, le paiement du 14ᵉ mois obéit à des règles simples : seuls les employés touchant moins de Rs 50 000 mensuelles sont éligibles à ce bonus. Officiellement, ce plafond vise à canaliser les ressources publiques vers les ménages considérés comme les plus vulnérables face à l’inflation et à la hausse du coût de la vie. Cependant, pour ceux qui gagnent juste au-dessus de cette limite, cette règle est perçue comme un couperet injuste.
« C’est une affaire de principe et non numérique. La parole donnée durant la campagne est sacrée. On comprend qu’il y a un problème économique. Mais on ne peut pas pénaliser ceux qui touchent plus de Rs 50 000. Quelle est la faute commise ? » avance l’observateur Olivier Précieux. Il est d’avis que le problème économique « peut être résolu par une taxation des grosses entreprises ».
« Une personne touchant un salaire de Rs 49 900 bénéficie de la prime, mais quelqu’un qui perçoit Rs 50 100 n’a droit à rien. Où est l’équité dans ce système ? » s’interroge l’avocat Dev Ramano. Il met le doigt sur une question brûlante qui alimente la désillusion de nombreux salariés mauriciens. Derrière la promesse électorale d’un 14ᵉ mois pour tous les employés, martelée avec enthousiasme durant la campagne, poursuit Dev Ramano, se cache une réalité beaucoup moins universelle. « Lors des discours électoraux, la promesse était claire : offrir un 14ᵉ mois à tous les salariés du pays, sans distinction. Mais une fois le scrutin passé, cette vision s’est heurtée à des conditions d’éligibilité strictes. Le plafond fixé à Rs 50 000 mensuelles a exclu d’emblée une partie des employés, notamment ceux appartenant à la classe moyenne supérieure », insiste-t-il.
Dev Ramano n’hésite pas à qualifier cette situation de « brèche dans l’universalité de la mesure ». Selon lui, « le 14ᵉ mois aurait dû être conçu comme une gratification véritablement universelle, respectant les attentes suscitées pendant la campagne. Ce qui aurait évité frustrations et mécontentements. Si le gouvernement voulait vraiment maintenir l’esprit d’équité, il aurait pu opter pour une somme fixe pour ceux au-delà du seuil, par exemple Rs 50 000, tout en gardant la promesse d’un 14ᵉ mois universel », dit-il.
Pour l’observateur Faizal Jeerooburkhan, « la solution aurait pu résider dans un ajustement du quantum de la prime en fonction du revenu ». « C’est clair que le plafond de Rs 50 000 est une injustice. Mais à mesure que les salaires augmentent, le montant de la prime aurait pu diminuer. Cela aurait permis de maintenir un certain équilibre et d’éviter l’exclusion brutale de ceux qui gagnent juste au-delà du seuil », explique-t-il.
Il souligne également que même à Rs 50 000 par mois, de nombreux salariés font face à des contraintes financières importantes, notamment en raison de l’inflation et des charges élevées liées au mode de vie moderne. « Cet effort pour plaire aux employés gagnant jusqu’à Rs 50 000 est louable, mais il ne tient pas compte de ceux qui se situent juste au-dessus de cette limite et qui doivent eux aussi composer avec les mêmes pressions économiques », ajoute-t-il.
Selon Faizal Jeerooburkhan, le contexte économique instable a joué un rôle clé dans la fixation de ce plafond. « Si l’économie avait été plus stable, il aurait été possible de relever ce seuil au-delà de Rs 50 000. Mais aujourd’hui, nous faisons face à des contraintes budgétaires importantes qui limitent les marges de manœuvre », analyse l’observateur.
Pourtant, il estime que les sacrifices demandés aux citoyens doivent s’appliquer à tous, y compris aux décideurs. « Ceux qui sont au pouvoir devraient montrer l’exemple en réduisant leurs propres salaires et en renonçant à certains privilèges. Cela enverrait un signal fort et démontrerait que les sacrifices nécessaires à la progression du pays sont partagés équitablement », insiste-t-il.
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