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Premchand Fakun : de Surinam à Bruxelles

Premchand Fakun

Premchand Fakun est un des premiers syndicalistes mauriciens à faire carrière au sein d’une organisation syndicale internationale. De 1974 à 2005, il a été actif au sein de la puissante Confédération internationale des syndicats libres et a servi, pendant des années, la région africaine. Il est établi à Bruxelles depuis 1980.

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À 71 ans, Premchand Fakun se remémore avec fierté son riche parcours de syndicaliste, tant sur le plan national qu’international. Un combat qu’il a démarré au sein de la Fonction publique mauricienne, pour finir comme responsable du bureau de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) pour la région africaine (Head of Africa Desk). Un parcours long et difficile.

Cet amour pour se mettre au service des autres est héréditaire dans sa famille. « Mon père que j’ai malheureusement peu connu, car il est décédé en 1956, alors que je n’avais que huit ans, était très actif sur le social à Surinam, petit village du Sud où je suis né », dit-il.

Activités sociales

Il est aussi inspiré par son défunt frère, Dwarika Prasad, enseignant, qui organisait des activités sportives pour les jeunes de la région. « Vu son dévouement pour la cause des jeunes, on lui a offert le poste de Youth Officer au niveau national », raconte Premchand Fakun. Il évoque le souvenir de ce frère tant admiré avec émotion. Ce dernier a péri dans un accident de la route au Kenya, en 1972, alors qu’il exerçait comme Deputy General de la World Assembly of Youth.

Inspiré par son père et son frère, il s’est lancé dans le social dans sa jeunesse. « J’organisais des tournois de football dans le village et je participais aussi à des activités organisées par des cercles de jeunesse et des clubs littéraires. » Ce qui lui a été déterminant dans sa future carrière syndicale.

Combat syndical

Après ses études secondaires, il a travaillé comme enseignant au Presidency College, avant d’intégrer la fonction publique, en 1967, comme Valuation Assistant au ministère des Administrations locales.

Grande a été sa surprise de constater que la majorité des employés étaient sur une base temporaire, malgré leurs longues années de service. De plus, ils n’étaient pas syndiqués. « Les relations industrielles n’étaient pas au beau fixe. Je ne pouvais rester insensible au sort de ces employés. Je décidais de créer un syndicat pour améliorer les conditions de service. C’est ainsi que j’ai aidé à la création de la Valuation Office Staff Association en 1968 et j’assumais la fonction de secrétaire », dit-il. Ce sera le début d’une longue et riche carrière dans le monde syndical.

Ses débuts comme syndicaliste ont été difficiles. D’autres auraient peut-être abandonné face à un management des plus réactionnaires. « Les membres du comité syndical furent victimes de mesures de rétorsion, qui rendaient leurs tâches quotidiennes difficiles. De plus, toutes nos demandes étaient rejetées invariablement », relate-t-il.

Mais c’était sans compter son courage, sa persévérance et sa détermination. Face à la répression du management, il répliqua en joignant son syndicat à la Government Servants Association (GSA). Quelque temps après, il est élu au comité exécutif de la GSA et sert comme assistant-secrétaire sous le leadership de France Domingo. Ce syndicat était lié à l’époque au Mauritius Labour Congress (MLC), lui-même affilié à la CISL.
Parallèlement, il renforça ses relations avec le syndicat du Valuation Office de la Grande-Bretagne et se fait remarquer par l’Inland Revenue Staff Federation pour son combat pour l’amélioration des conditions de vie des salariés.

Un des dirigeants de cette fédération syndicale a été James Gallaghan, qui est devenu par la suite Premier ministre de Grande-Bretagne.

Il est invité par cette puissante fédération syndicale à sa conférence annuelle et passe trois mois en Angleterre pour étudier leurs actions syndicales.

De retour à Maurice, il accentua sa lutte sur plusieurs fronts pour que les employés du Valuation Office deviennent des permanents. Combat qui trouva son apogée avec le Rapport Fenwick en 1973.

Cette année-là, Premchand Fakun faisait partie des quatre syndicalistes choisis par le MLC pour suivre un cours d’éducateur d’une durée de trois mois de la CISL. La partie théorique a eu lieu à Monrovia, au Libéria, et il y a eu deux mois de travaux pratiques à Maurice, sous la supervision d’un représentant de la CISL.

« Le préposé de la CISL fut fortement impressionné de ma performance en transmission de connaissances aux adultes », dit-il.

Il a aussi à son actif la création d’un fonds dédié à la formation au sein de la GSA. « Une somme de Rs 80 000 fut ensuite votée pour financer les activités. À ma connaissance, ce fut le premier fonds créé par un syndicat du pays dédié à la formation des travailleurs membres d’un syndicat », indique-t-il. Il devait aussi redynamiser le comité de l’éducation au sein du MLC.

Son parcours syndical n’est pas passé inaperçu auprès des responsables de la CISL pour l’Afrique. Ils lui accordèrent un contrat de trois mois en 1973, pour agir comme formateur en Afrique francophone.
Satisfait de sa performance, cette instance syndicale internationale lui propose alors un contrat de deux ans, pour agir comme son représentant et formateur en Afrique francophone. Pour lui, c’est la consécration. « Cette association avec la CISL fut le début de mon engagement au niveau du syndicalisme international et je mis fin à mes activités syndicales au sein du GSA et du MLC », dit-il.

Combat en Afrique

Premchand Fakun n’a pas eu la partie facile durant les cinq ans qu’il a passés en Afrique continentale, soit de 1974 à 1978. « Mon travail subissait l’antipathie du système du parti unique et des régimes militaires. La nécessité de visas dans beaucoup des pays de l’Afrique de l’Ouest faisait obstacle à mes déplacements », dit-il.

De plus, il souffrait de la forte chaleur estivale. Il devait beaucoup voyager soit en avion ou en voiture sur des routes non goudronnées hors des villes.

Tous ces facteurs aidant, il songeait retourner à Maurice, quand il réussit à décrocher une bourse de la centrale syndicale des Pays-Bas, ce qui lui permit de suivre des cours d’une durée de deux ans au Ruskin College, à Oxford, d’où il sortit avec un diplôme en études du travail. Il soumit alors sa démission comme formateur de la CISL.

Après ses études universitaires, il obtint deux propositions de travail, d’abord du ministère du Travail de Maurice et de la CISL, qui voulait l’intégrer au département de l’éducation à Bruxelles. « Au départ, j’étais réticent par rapport à l’offre de la CISL, car je ne voulais pas trop voyager, mais ils m’ont convaincu de diriger un projet pour lequel je devais voyager moins de deux mois par an. Je devais couvrir seulement l’Inde et la Barbade », explique-t-il. Il accepta l’offre de la CISL.

Après une quinzaine d’années dans l’éducation, il rejoint, quelques années plus tard, le bureau de la CISL en Afrique. « Outre les affiliées, les syndicats amis du continent et les bailleurs de fonds pour des projets de développement, on devait gérer les multiples violations des droits syndicaux, ainsi qu’aider les syndicats noirs de l’Afrique du Sud dans leur lutte contre l’apartheid », ajoute-t-il.

Premchand Fakun a pris sa retraite en 2005 et vit paisiblement auprès de son épouse Hemawtee à Bruxelles. Il est père de deux enfants, Prakash et Veekash.


Témoignage

Dev Luchmun : « Un homme très respecté en Afrique »

« Premchand Fakun est quelqu’un de très respecté et apprécié par tous les dirigeants syndicaux africains. En tant que Desk Officer, il a énormément contribué à consolider le mouvement syndical en Afrique. Je l’ai rencontré pour la première fois en 1983, à Lusaka en Zambie, lors d’un atelier de travail des responsables de l’éducation ouvrière organisée par la CISL et depuis, nous avons maintenu un contact régulier. Nous nous rencontrons à chaque fois qu’il est à Maurice. Ses conseils m’ont beaucoup aidé dans ma carrière, qui a culminé jusqu’à ma nomination comme conseiller en relations industrielles au ministère du Travail, des Relations industrielles et de l’Emploi. »

 

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