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Pluies torrentielles et inondations : le traumatisme des victimes

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Après le passage du cyclone Berguitta et les pluies torrentielles, le taux de pluviométrie bat tous les records. Et les pluies diluviennes ne font pas le bonheur des personnes dont les maisons ont été inondées. L’impact financier et psychologique est important.

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La Cure - Jessica C. : « J’ai eu la peur au ventre »

Jessica C., âgée de 27 ans, n’est pas au bout de ses peines. À chaque grosse averse, cette habitante de Résidences La-Cure craint le pire. Bien que la situation retourne à la normale, elle a en mémoire des images de sa maison durant les pluies diluviennes qui la hantent.

Cette mère de quatre enfants, âgés de 6 mois à 14 ans, se remémore avec effroi la nuit de la semaine dernière quand ses effets personnels et des denrées alimentaires ont été emportés par l’eau boueuse.

« Bien que ce ne soit pas la première fois que ma maison est inondée, cette fois-ci, j’ai eu la peur au ventre. Je n’arrive toujours pas à fermer l’œil quand il pleut dans la région. Pour moi, cette fois-ci, cela a été une scène traumatisante. À cause de l’infiltration des eaux, j’ai dû quitter ma maison pour trouver refuge au centre communautaire de la région. Je craignais pour la sécurité de mes enfants », relate-t-elle.

« J’ai tout perdu. Les couches pour mon bébé qui n’a que six mois ainsi que d’autres effets personnels. C’est trop dur pour moi à supporter. Mes enfants en souffrent également », ajoute-t-elle.

Jessica C. confie qu’une simple prévision des fortes pluies lui donne des frissons. « J’attends impatiemment le beau temps. J’en ai marre des pluies qui ne cessent de tomber depuis le début de l’année. C’est comme ci c’est une année maudite. Je dois désormais reconstruire tout afin d’abriter mes enfants », confie-t-elle.

La jeune mère meurtrie dit n’avoir plus rien pour vivre. Elle n’a pas de matelas, de vêtements et pas de nourriture. Dans le quartier où elle habitait, d’autres personnes ont vécu le même calvaire.


La Marie - Devanand Caumal : « Désolation et désarroi sont des mots qui décrivent ce que je ressens »

« J’habite cette maison depuis 1989 et c’est la première fois qu’on vit ce calvaire. J’espère que c’est la dernière fois ». Cet habitant de La-Marie dit ne pas être prêt à revivre l'inondation de sa demeure par les pluies torrentielles.

Ce père de famille ne vit plus depuis cet événement. Il raconte qu’il a dû attendre plus de trois jours après cette nuit fatidique pour dormir dans sa maison. « Mon épouse déprime. Elle est stressée et reste pensive. J’ai dû l’emmener chez le médecin, car l’état déplorable de notre maison l’a choquée », dit ce sexagénaire.

L’état de sa maison indique clairement que les dégâts ont causé des pertes financières et un traumatisme. Il nous raconte qu’il y avait plus de deux pieds d’eau dans sa demeure.

« Avec un avertissement de cyclone de classe 3, on n’imaginait pas qu’on allait vivre cela. On dormait et c’est quand ma fille aînée m’a appelée que j’ai compris qu’il y avait un problème.

Je ne savais pas si je devais sauver mes équipements et les produits pour la culture, les meubles, les appareils électroménagers ou les denrées alimentaires. Au milieu de tout ça, il y avait ma femme qui s’affolait.

J’ai appelé les sapeurs-pompiers, mais ils ne sont pas venus. Les constables de la police et la Special Mobile Force qui faisaient leur patrouille n’ont rien pu faire pour nous. Mes voisins m’ont aidé et on a pompé de l’eau pendant plusieurs heures. J’ai fait quatre chutes cette nuit-là », raconte-t-il.

Aujourd’hui, il dit être rongé par la colère, mais en même temps être accablé par le stress. Selon lui, c'est parce que les autorités ont fait la sourde oreille qu'il a vécu cette situation.
Sa femme suit un traitement médical depuis cet incident. Les notes de sa fille qui étudie à l’université ont été abîmées. Il a dû jeter beaucoup de légumes qui étaient dans le garage.

« Nous ne pouvons pas nous bagarrer entre voisins en ce qui concerne les infrastructures. Pourtant il suffit de faire quelques travaux et notre maison ne sera plus inondée. On ne peut pas casser le mur du voisin pour régler le problème. Cette semaine, je suis allé à la mairie pour enclencher des démarches encore une fois. Auparavant, un ministre était venu nous voir et nous avait promis de régler ce problème, mais on attend toujours », dit-il.

C’est une frayeur qui ne dissipera pas d’aussitôt chez la famille Caumal. « À chaque fois qu’il pleut, il semble qu’on va se noyer dans la maison. Je ne peux pas quitter ma maison, je n’ai nulle part où aller. Je ne demande pas un autre terrain ou une autre maison, car j’ai travaillé dur pour avoir celle-là, mais je veux y vivre en sécurité avec ma famille », dit-il.


 Risques sanitaires

Alors que les autorités sont à pied d’œuvre pour évacuer l’eau dans plusieurs régions, il y a toujours des risques sanitaires liés au manque d’eau potable et à la contamination des maisons inondées. Les inondations peuvent aussi avoir des effets néfastes sur la santé humaine.

Dr Aukhojee Yasheel fait le point sur la situation. La population peut développer des maladies gastro-intestinales, comme la diarrhée, par transmission oro fécale due à un système d’assainissement défectueux.

Dans certains cas, les gens utilisent des infrastructures sanitaires peu sûres. Celles-ci sont très vulnérables en cas d’inondation et peuvent déborder dans l’environnement. Les réserves d’eau sont aussi souvent contaminées pendant un certain temps.

Après une inondation, les rongeurs ont plus de liberté pour rôder et être près de la population. Ces deux vecteurs transmettent des maladies.

Il est important aussi de parler de la contamination par des produits chimiques. Il peut y avoir des entreprises avec des réservoirs de produits chimiques qui, en cas d’inondation, polluent l’environnement.

On s’inquiète aussi de la hausse prévue des températures, qui pourrait favoriser la reproduction des moustiques. Quand le niveau d’eau baisse, il y a des zones d’eau stagnante qui, avec la chaleur, permettent aux moustiques de se reproduire.

La transmission de maladies par des vecteurs pathogènes ou parasitaires tels que les insectes ou les rongeurs est aussi un risque sérieux. Après une inondation, les rongeurs ont plus de liberté pour rôder et être près de la population. Ces deux vecteurs transmettent des maladies.

Il est important que les gens se protègent pour limiter l’exposition aux insectes autant que possible, en posant des moustiquaires, en portant des vêtements couvrants et en évitant de sortir pendant les périodes d’activité des moustiques.

La cuisson à ébullition pendant une à trois minutes permet de limiter les problèmes de maladies oro fécales en tuant les bactéries et les virus »

La nourriture peut aussi représenter un danger. Les champs sont immergés et les plantations sont souillées. Consommer de l’eau et des aliments après une inondation représente un risque réel, à moins que des actions précises soient mises en place rapidement pour purifier l’eau et pour s’assurer que la nourriture soit propre.

Une des actions les plus simples est de la faire bouillir. La cuisson à ébullition pendant une à trois minutes permet de limiter les problèmes de maladies oro fécales en tuant les bactéries et les virus.

La désinfection au chlore est une autre stratégie simple. Les systèmes de filtration sont quant à eux très utilisés, après ce type de désastre, car ils peuvent être aisément distribués et sont simples d’utilisation.

Le sol des maisons et les autres surfaces peuvent être contaminés par les bactéries provenant de l’eau. Après que le niveau de l’eau ait baissé, on est parfois exposé par le simple fait de toucher les choses et de marcher.

C’est pourquoi les interventions qui permettent d’améliorer l’assainissement de l’eau, mais aussi l’hygiène, en se lavant les mains par exemple, sont essentielles pour stopper la contamination.


Surmonter le traumatisme - Karuna Rajiah, psychologue : « L’imprévisibilité de la nature a un effet sur l’émotion des gens »

Selon Karuna Rajiah, psychologue, la peur est présente au fond de chaque individu. « Des évènements que nous avons vus à la télé et entendus à la radio, des extraits montrant la terreur que la nature peut semer font peur. Cela a des conséquences sur la vie des gens », explique-t-elle.

L’incertitude et l’imprévisibilité sont les deux aspects de la nature qui a un effet sur l’émotion des gens. Pour la psychologue, les inondations meurtrières en 2008 et 2013 ont créé une psychose.

« Ce scénario a choqué plus d’un. Une bonne partie de la population se souvient encore de ces inondations meurtrières comme si c’était hier. Surtout, les proches des victimes et les gens qui les côtoyaient », avance-t-elle.

La psychologue estime que les personnes qui ont tendance à vivre dans la négativité, qui se font du mal et pense tout le temps à des choses qui font peur sont les plus vulnérables. Il y a aussi ceux qui ont vécu de mauvaises expériences à cause de la nature.

« Peu importe l’état d’esprit, lorsqu’on pense à l’imprévisibilité de la nature, on ne se sent pas en sécurité. Les parents ont toujours une pensée pour leurs enfants. Ils veulent les protéger », indique-t-elle. On doit être paré moralement et physiquement à toute éventualité.

Comment arrive-t-on à surmonter un traumatisme ? Le seul moyen est d’avoir des pensées positives, dit Karuna Rajiah. « Vivez votre vie aussi bien que vous pouvez. Ne perdez pas votre temps à penser que la fin du monde est au seuil de votre porte.

Priez pour vous réconforter et demandez à Dieu de vous protéger des caprices de la nature si c’est cela qui vous fait peur. Bref, restez zen », conseille la psychologue.


 Anishta Gunesee, psychologue : « Certains sinistrés peuvent développer un trouble de stress post-traumatique »

Les inondations, comme d’autres calamités, sont indéniablement traumatisantes et déstabilisantes pour les sinistrés. Comme l’explique la psychologue Anishta Gunesee : « Les sinistrés ont le sentiment d’avoir été confrontés à la mort et à la peur de mourir ou que leur intégrité physique ou celle d’une autre personne proche d’eux a été menacée. Cet événement génère en eux une peur intense, un sentiment d’impuissance ou un sentiment d’horreur. »

Certaines victimes peuvent, selon la psychologue, développer un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Les symptômes peuvent surgir immédiatement après l’événement perturbateur ou après quelque temps. La personne peut, par exemple, revivre continuellement la scène traumatisante dans ses pensées ou cauchemars.

Ou encore elle cherche à éviter, volontairement ou pas, tout ce qui pourrait lui rappeler de près ou de loin le traumatisme. Autre symptôme : la personne est fréquemment aux aguets et en état d’hyper vigilance, malgré l’absence d’un danger imminent.

Les réactions varient d’une personne à l’autre. Les gens de nature sensibles ou pessimistes sont toutefois les plus susceptibles d’en souffrir. Le TSPT se manifeste tant sur le plan psychologique que physiologique.

« Une personne ayant vécue une situation traumatisante peut ne pas avoir la réaction appropriée à une situation jugée normale. Une victime d’inondations pourrait, par exemple, se mettre à paniquer au simple son de la pluie et devenir nerveuse », avance Anishta Gunesee. Cette dernière souligne que l’intensité et la durée du TSPT sont très variables, allant de quelques semaines à plusieurs années : « Environ la moitié des personnes qui en présentent les symptômes se remettent spontanément en un an voire deux. Chez d’autres, le TSPT peut perdurer. »

La psychologue recommande à ceux qui en ressentent les symptômes de se faire aider en consultant un professionnel, car il est souhaitable de parler de l’événement et de ne pas en forcer l’oubli.

« Vouloir redevenir comme avant et effacer le traumatisme est un souhait universel rarement réalisable. Cependant, trouver un nouvel équilibre en apprenant à vivre avec le traumatisme est possible. Consulter un psychologue, un psychiatre ou un autre professionnel est une décision personnelle, mais cela peut aider la personne à se sentir mieux le plus rapidement possible. »

 

 

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