Après cinq, dix ou 15 ans, ils ont perdu leur emploi. Du jour au lendemain, ils se sont retrouvés au chômage. Sans revenus avec des dettes et des obligations financières à honorer. Comment s’en sortir ?
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«J’ai des dettes, un emprunt à la banque que je dois absolument rembourser. Je ne sais plus quoi faire. Si je ne trouve pas un autre emploi, je ne pourrai plus payer les leçons particulières de mes enfants et je vais devoir compter sur mes proches pour nourrir ma famille… », explique cette mère qui souhaite garder l’anonymat. Elle a perdu son emploi quand l’entreprise, où elle travaillait, a subitement fermé ses portes. Elle n’est pas certaine d’obtenir son salaire à la fin de ce mois. Elle se demande comment faire pour honorer ses engagements.
Le sociologue, Jay Ramsaha, explique qu’en général, la perte d’emploi égale à perte d’argent. « Une absence d’entrée d’argent bouscule les besoins essentiels de la famille. La perte d’emploi engendre un effet domino sur la vie sociale de la famille. À commencer par la frustration de la personne de ne plus pouvoir satisfaire ses habitudes. Notre société étant basée sur des transactions monétaires, la personne au chômage voit ses pouvoirs d’achat diminuer. C’est une situation préoccupante car notre société tend à évoluer dans un sens où sans argent on ne peut rien entamer. »
Au niveau du ministère du Travail, l’attaché de presse indique que l’impact de la perte d’emploi sur les concernés est considérable. « Nous nous assurons que leurs droits soient respectés, nous les assistons et nous leur proposons des alternatives (Voir hors texte - Le Workfare Programme). De plus, le ministère étudie actuellement comment rendre justice aux personnes qui ont perdu leur emploi sans que tous les cas aillent nécessairement en cour. »
De son côté, Rashid Imrith, syndicaliste, explique : « Pour comprendre l’origine du travail, il faut retourner à la source. D’antan, les villageois travaillaient pour le roi ou le chef de tribu. Les richesses étaient redistribuées à la communauté entière. Également pour les hommes des cavernes qui partaient à la chasse pour tout le village. Aujourd’hui, les gens contribuent avec leur courage et leurs connaissances pour la réussite de l’entreprise. Mais, en retour les richesses ne sont pas redistribuées équitablement. Dans la relation entrepreneur-employé, il y a beaucoup de facteurs à considérer. Pour rendre cette relation viable, il faut impérativement que l’État apporte des lois pour rendre la relation plus juste. Car sans lois appropriées, il y a l’exploitation. Donc, les employés subissent parfois une répression de leurs employeurs. Et cela a un impact direct sur la famille. »
Jay Ramsaha, sociologue : « Nous devons travailler à un rythme effréné au quotidien »
Vous avez évoqué les problèmes personnels des chômeurs. Qu’en est-il de l’impact sur la famille ?
Dans les pays où le chômage prime, nous avons pu constater qu’il y a beaucoup de familles brisées, de suicides et de violences. Nous voyons comment une perte d’emploi peut générer bon nombre de problèmes familiaux et sociaux. Les habitudes de la famille changent. Les enfants et les autres membres, habitués à un certain niveau de vie, sont affectés psychologiquement. Souvent, les parents essayent de cacher cette situation aux enfants et tentent, à travers d’autres moyens, de faire rentrer de l’argent dans le porte-monnaie familial.
Cependant, en essayant de maintenir cette même condition économique qu’auparavant, le bread winner s’expose à des dettes et d’autres dangers. De plus, la personne doit faire face à un changement émotionnel, notamment au niveau du caractère. Au final, les enfants en souffrent énormément.
Comment le pays peut-il leur venir en aide ?
La solution serait que l’État-providence propose un soutien suffisant afin que ces personnes puissent continuer à vivre convenablement à travers un système de redistribution du capital à partir des caisses de l’État à un niveau social.
Auparavant, nous avions des familles larges où il y avait plusieurs bread winners sous le même toit. Aujourd’hui, chacun vit séparément et on ne peut pas compter sur les proches (frères/sœurs) pour avoir le minimum vital car chacun a des engagements financiers, comme des prêts bancaires, ou d’autres dépenses.
Pour conclure quel est donc l’impact sur la société ?
Notre système fait que nous devons travailler à un rythme effréné quotidiennement pour subvenir aux besoins de sa famille et pour répondre à ceux de l’entreprise où nous travaillons. Notre cas est le parfait exemple d’un requin qui doit rester en mouvement pour que l’eau passe à travers ses branchies et qu’il puisse, donc, respirer. Si l’animal arrête de bouger, il peut mourir.
Le Workfare programme : une aide aux licenciés
Le Workfare programme, mis sur pied sous l’Employment Rights Act 2008, est opérationnel depuis le 2 février 2009. Son objectif est d’aider toute personne qui perd son travail, à condition d’avoir été employée à temps plein par le même employeur pendant une période minimale de six mois. Lorsqu’un travailleur rejoint le Workfare Programme, il peut (i) avoir un autre emploi grâce au Bureau de l’Emploi, (ii) obtenir une formation avec l’aide du HRDC ou (iii) avoir la possibilité de fonder sa propre entreprise avec l’aide de la SMEDA.
Rashid Imrith, syndicaliste : «Le travailleur n’est pas un objet»
« Il faut fouiller dans l’histoire pour trouver des solutions, déjà existantes, dans d’autres États pour aider les personnes qui perdent leur emploi. Je fais référence à l’État- providence ou l’État-social qui doit posséder une panoplie d’outils pour venir en aide aux concernés », explique le syndicaliste.
Rashid Imrith avance que l’État devrait faire en sorte à ce que les nécessités de base soient accessibles à tous, et que l’employeur protège ses employés au travail ou en dehors. « Ce n’est pas rare de voir des travailleurs licenciés car ils n’ont plus de courage à donner. C’est inacceptable d’encourager de telle pratique. Le rôle de l’État est de veiller à ce que ces employés ne soient pas mis de côté après leur service. Le gouvernement doit mettre en place un plan pour les personnes licenciées, qui se retrouvent sans revenus. Il est important d’adopter une politique d’équité pour nos citoyens. »
Le syndicaliste ajoute que les subsides proposés ne sont pas adéquats dans certains cas. « Même les pensionnaires ont du mal à vivre avec leur maigre pension, alors qu’on pourrait revoir la redistribution des richesses. »
Le débat reste entier car il faudrait adresser le problème tel qu’il est. Ceux qui ne se sentent pas concernés ont tort car, dit-il, tôt ou tard les effets d’un échec social se feront sentir à tous les niveaux. Que vous soyez sur le pont ou dans la cale du bateau, quand ce dernier coule, c’est tout l’équipage qui sombre. Le travailleur n’est pas un objet que l’on peut mettre de côté après usage ou quand il n’est plus apte physiquement.
Témoignage
Thakur Jacques Eddie, 65 ans :
« J’ai 65 ans et j’ai travaillé pendant plus de 29 dans une compagnie textile. J’ai été remercié parce qu’il y avait des travailleurs bangladais moins chers sur le marché. La compagnie m’a refusé une compensation. J’ai frappé à plusieurs portes mais en vain. Depuis que j’ai perdu mon travail, l’atmosphère a changé à la maison. Ma femme vit cette situation mal. Elle disait toujours qu’après ma retraite, on aurait du temps pour se reposer et profiter de la vie qui s’est écoulée à une vitesse inimaginable.
Depuis mon licenciement, je fais des petits boulots ici et là pour avoir un peu d’argent que j’ajoute à ma pension afin de subvenir à nos besoins. Franchement, c’est un coup de massue après toutes ces années de dur labeur. Cette situation m’affecte psychologiquement et j’ai commencé à avoir des complications de santé depuis peu. »
L’impact sur la santé
Le plus gros impact sur ceux qui perdent leur travail, c’est le stress, explique Dr Yasheel Aukhojee. « Le problème de l’argent, omniprésent dans presque toutes les familles, est souvent source de conflits. Les effets sur la santé sont souvent cachés jusqu’à un stade élevé ou jusqu’aux maladies. Ce sont des silent killers tels que le diabète et les problèmes cardio-vasculaires. Le stress peut causer des inflammations de la peau comme le psoriasis. Les autre effets sont des complications psychologiques et psychiatriques. Le cerveau, fatigué de subir cette tension, cherche une zone de réconfort et souvent les personnes se tournent vers des drogues ou tombent dans l’alcool. Imaginez les dégâts causés dans la famille. Dans certains cas, on voit des patients qui souffrent de malnutrition ou de malbouffe. Il y a aussi des familles brisées voire des divorces. Comme on peut le constater, c’est une longue chaîne de problèmes. Il faudrait trouver des solutions de longue durée et adéquates pour éviter tout cela », explique-t-il.
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