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Perspectives - Précarité de l’emploi : un véritable enjeu

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Le chiffre des 100 000 chômeurs dans une économie mauricienne souffrant du coronavirus n’a été qu’une illusion. La nouvelle année est entachée d’une nouvelle variante de la Covid-19, prolongeant l’absence de visibilité, surtout pour un secteur-clé comme le tourisme. L’emploi est, certes, préservé mais à un coût élevé. Des risques demeurent, même si les vaccins semblent les atténuer. Le point avec les principaux employeurs...

Pour le coronavirus, tous les pays – puissances mondiales ou petites économies – sont logés à la même enseigne : la précarité de l’emploi est un dénominateur commun. Et les chiffres sont parlants. Fin 2020 : États-Unis, taux de chômage de 6,8 %. Les licenciés sont dans l’attente d’une assistance. Novembre : Union européenne, 8,3 % de la population active est sans emploi. Septembre : 31 Sud-Africains sur  100 n’ont pas de travail.

À Maurice, la pandémie du coronavirus a donné des ailes à un indicateur jusqu’ici contenu sous la barre des 7 %. à fin septembre, le pays a compté 62 200 chômeurs, soit 10,9 %. Selon une étude effectuée par Statistics Mauritius en date du 23 décembre, le nombre a crû de 4 900 en deux mois.
L’embellie tarde encore. Les murs du confinement se sont consolidés autour de nos partenaires-clés que sont la Grande-Bretagne et l’Afrique du Sud, pour contrer la propagation d’une nouvelle variante du coronavirus. Dans un tel environnement, la vaccination à l’échelle mondiale s’étendra au-delà de 2021, selon l’Organisation mondiale de la santé. Et Maurice, petite économie ouverte sur le reste du monde, pourra-t-il tenir le coup d’une normalisation rapide des échanges ? Le pire est-il devant nous en termes d’emploi ?

« Selon une étude réalisée par Business Mauritius, conjointement avec Statistics Mauritius et avec l’appui des Nations-Unies, pour la période avril – septembre 2020, plus de la moitié des sociétés sondées n’anticipent pas de réductions d’emploi en 2021 », affirme Kevin Ramkaloan, Chief Executive Officer de Business Mauritius. « Cependant, 27 % des entreprises sondées s’attendent à une réduction de leurs effectifs, et 17 % sont dans l’incertitude. »

Et d’ajouter : « Toutefois, avec l’arrivée du vaccin contre le Covid-19, les analyses des certaines institutions internationales reflètent un léger optimisme de cette année dans plusieurs marchés principaux. »

La sauvegarde de l’emploi a été et sera toujours la priorité tant du ministère des Finances que de la Banque de Maurice. Grâce au Wage Assistance Scheme, (paiement des salaires à 100 % jusqu’à Rs 25 000 et 50 % dans la fourchette de Rs 25 000 à Rs 50 000), le licenciement massif n’a pas eu lieu. Les prêts de la Mauritius Investment Corporation (MIC), subsidiaire de la Banque centrale, aux entreprises d’importance systémique permettent de garder les employés.

« Pour aider le marché du travail à faire face aux effets économiques de la pandémie, il faudrait offrir aux entreprises un soutien durable, tout en tenant compte des contraintes liées aux amendements apportés aux lois du travail. Soulignons que la sauvegarde des emplois passe par la survie des entreprises. L’aide de l’État aux entreprises a pris plusieurs formes dont la MIC et les prêts sans garantie de la Banque de développement aux Petites et moyennes entreprises. Cela va dans la bonne direction », a souligné Kevin Ramkaloan. « Par contre, les entreprises doivent pouvoir préserver leur agilité et leur flexibilité, particulièrement en vue des pressions résultant de la crise du Covid-19. Pour ce faire, il leur est nécessaire d’avoir une vue d’ensemble sur la compétitivité des entreprises et arrêter d’alourdir leurs charges opérationnelles. »

D’un point de vue sectoriel, c’est le tourisme qui est le plus à risque, les opérateurs s’étant retrouvés avec 1,1 million de visiteurs en moins l’année dernière. à travers le Wage Assistance Scheme, l’État continue à soutenir l’emploi, au coût moyen de Rs 500 millions par mois. La mesure de soutien serait étendue aussi longtemps qu’il le faudra, selon Renganaden Padayachy, ministre des Finances.

Tout en reconnaissant que l’assistance de l’État et les conditions y attachées sont acceptables, l’industrie du tourisme (voir tableau et évolution de l’emploi) souligne que rien n’est gratuit quand il s’agit du financement de la MIC, qui est une prise de participation, donc nullement similaire aux annonces d’antan.

Avec cet ensemble de mesures, l’industrie peut-elle continuer à maintenir les emplois ? « Oui pour les opérateurs qui peuvent encore tenir, et non pour les autres. Et sur ce point précis, il m’est difficile de commenter davantage, car de nombreux facteurs entrent en jeu. Ce n’est pas simplement une question d’être solide financièrement ou pas. Toujours est-il que, lorsque des employeurs jettent l’éponge, la situation de leurs employés devient pire et atteint un autre extrême », explique Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM). « C’est cela qu’il nous faut éviter à tout prix à l’avenir. Et la meilleure façon d’appréhender cette problématique serait de redonner de la voix aux employeurs sérieux et de rester à l’écoute des employés forcés au chômage technique. Et aussi pour les autorités, de tirer les leçons de ces neuf mois et demi du Wage Assistance Scheme et de la préservation des emplois. »

Le pays n’a accueilli qu’un millier de visiteurs en décembre (mois de référence dans la haute saison). Qui plus est, il y a 33 hôtels qui servent de centres de quarantaine. La clientèle locale dans des établissements représente un taux d’occupation de 14 % en octobre, 12 % en novembre et 20 % en décembre, selon l’Ahrim. Certes, c’est un intéressant taux d’occupation, mais il demeure faible. Donc, le confinement, le déconfinement, la fermeture et réouverture contrôlée des frontières afin de protéger le pays du coronavirus et de ses variantes a justement poussé le personnel au chômage technique prolongé.

« Le dialogue avec les autorités sur cette question de chômage technique remonte aux semaines précédant le début de la crise de mars 2020. L’État et l’industrie sont alignés sur la compréhension des enjeux et la volonté de rechercher les meilleures solutions pour le pays. Les discussions continuent et les décisions prises jusqu’ici ne peuvent plaire à tout le monde, bien évidemment, mais c’est plus une question de degré et de responsabilité des parties, et non pas de divergences sur l’orientation économique et sociale », a précisé Jocelyn Kwok. « Les propositions (des opérateurs) tournent autour d’actions permettant de conserver leurs responsabilités d’employeurs, de les alléger du fardeau du chômage technique temporaire et de maintenir une main-d’œuvre excellente pour l’industrie et pour le pays dans son ensemble. »

Une industrie qui a emprunté une route contraire aux risques de licenciement est la manufacture axée vers l’exportation. Les recettes au troisième trimestre sont en progression par rapport à la période similaire en 2019. Grâce à une réadaptation aux exigences du marché, le secteur s’est repris et serait même en quête de main-d’œuvre.

Ceci étant dit, comme le fait ressortir Kevin Ramkaloan, la pandémie a accéléré les innovations technologiques et structurelles. Et les employés devront être mieux préparés pour des professions et des compétences qui seront nécessaires post-coronavirus, à travers des formations, notamment pour le travail à distance. Tout cet exercice devrait être accompagné d’un nouvel état d’esprit afin de rechercher les compétences de demain, mettre en place des programmes d’aide à l’entrepreneuriat et encourager des nouvelles formes de collaboration offrant de la flexibilité aux entreprises telles que la sous-traitance et le freelance.

Année 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Arrivées touristiques 934,827 964,642 965,441 993,106 1,038,334 1,151,252  1,275,227  1,341,860  1,399,408   1,383,488  308,980
Emplois directs 53,096 55,076 59,691 62,584 64,565 66,955 70,519 73,244 75,934 77,444  
dont hébergement 23,213 21,813 22,633 21,759 21,546 21,382 22,374  22,855   23,342  22,893  
dont restauration 9,054 10,515 12,496  14,364  15,333 16,243  17,135  17,855  18,814   19,747   
Emplois directs par touriste 0.057 0.057 0.062 0.063 0.062 0.058 0.055 0.055 0.054 0.056  
dont hébergement 0.025 0.023 0.023 0.022 0.021 0.019 0.018 0.017 0.017 0.017  
dont restauration 0.01 0.011 0.013 0.014 0.015 0.014 0.013 0.013 0.013 0.014  

 

Manière de voir à quand un réel débat sur l’emploi ?

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Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim).

Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim), aborde un volet du monde du travail dont on connaît la pertinence, mais qu’on évite d’aborder.

Mise à jour : « Les grandes questions autour de l’emploi, du chômage et du marché du travail ne sont pas débattues en toute connaissance de cause à Maurice. Depuis trop longtemps, les concepts de travail et de revenu, les chiffres officiels du pays, et la montée de l’informel appellent à une véritable mise à jour de cette information si cruciale pour le pays qu’est l’emploi national et le chômage national. De manière empirique, nous savons tous que le marché du travail est très tendu et tous les employeurs, tous secteurs confondus, peinent à recruter et à garder leurs employés. De manière officielle, il y a du chômage et de la misère grandissante, dont des situations de détresse auxquelles nous sommes tous très sensibles. »

Quelle réussite ? « Et puis, de manière pratique, et je parle ici en mon propre nom, tous les programmes d’envergure (préparer à l’employabilité, employer les chômeurs, donner de la formation gratuitement tout en payant les bénéficiaires, etc.) ne connaissent pas un succès fou. Ma curiosité me donne envie de savoir, par exemple, si Landscope a pu trouver les 2 000 chômeurs nécessaires à son programme de nettoyage et d’embellissement, ou encore combien de temps et d’efforts il faudra à la National Training and Reskilling Scheme pour effectivement recruter 9 000 chômeurs pour être formés gratuitement et, dans ces deux cas, avec une allocation mensuelle de Rs 10 200 à chaque bénéficiaire. à partir de là, on pourra avoir un débat national plus éclairé sur la question du chômage et des stratégies durables de redressement de l’emploi et du revenu individuel. »

Soodesh Callichurn, ministre du Travail : «2021 sera axée sur la formation et sur la création de nouveaux pôles d’activités»

soodeshInterrogé quant à l’incertitude qui plane sur le marché du travail, le ministre Soodesh Callichurn affirme que le gouvernement travaille à créer de nouveaux emplois. Cela afin d’atténuer l’impact de la récession.

L’année 2020 a été marquée par la fermeture de certaines entreprises à cause des répercussions de la Covid-19. Plusieurs personnes se sont ainsi retrouvées au chômage. La pandémie étant toujours d’actualité, la crainte de la perte d’emploi perdure. Quel est votre regard sur l’incertitude au niveau du marché du travail ?
Effectivement, la Covid-19 a eu un impact important non seulement sur l’économie de Maurice, mais aussi au niveau mondial. Il ne faut pas oublier que notre pays a une économie tournée vers l’extérieur, avec des échanges avec l’Asie, l’Europe et l’Afrique.

Il y a depuis quelques semaines une résurgence de l’épidémie sur ces continents. Les pays d’Europe, dont la France et l’Angleterre sont plus particulièrement concernés. Ces deux nations ont dénombré des pics de contamination de plus de 50 000 cas par jour. En conséquence, la France et l’Angleterre sont de nouveau confinées. Leurs activités économiques sont soit au ralenti ou carrément à l’arrêt. Sur le plan local, nous observons qu’en raison de la fermeture des frontières, le nombre de touristes d’affaires a chuté. Cela peut expliquer le fait que Maurice, comme d’autres pays à travers le monde, est en mode « wait and see ».

Le gouvernement a mis en place des « schemes » dans le but d’éviter les licenciements. Y aura-t-il d’autres mesures similaires cette année ? Quelles sont-elles ?
Lors d’une conférence de presse aux côtés du ministre des Finances, j’avais annoncé la création de plusieurs milliers d’emplois, soit un total de 22 000 pour être plus précis. Le gouvernement s’appuie sur une politique de prévoyance. Nous savons que des milliers de personnes ont perdu ou vont perdre leur emploi et c’est pour cela que nous travaillons à créer de nouveaux emplois en vue de mitiger l’impact de la contraction économique. Le ministère du Travail, à travers le Human Resource Development Council (HRDC), a la responsabilité de former des personnes pour occuper ces postes. L’année 2021 sera tournée vers la formation, la création de nouveaux pôles d’activités et la consolidation de nos acquis, c’est-à-dire ces entreprises qui continuent à bien faire malgré la crise. Il faut faire ressortir que le secteur du textile a par exemple, engrangé plus de revenus l’année dernière qu’en 2019. Les chiffres disponibles à travers la Mauritius Export Association (MEXA) le confirment.

Il est un fait indéniable que Maurice ne peut se permettre un deuxième confinement, car l’économie serait à genoux»

Il faudra privilégier l’investissement local, rebooster l’économie en aidant l’entrepreneuriat et aussi inciter la population à acheter du Made in Moris.

Le moratoire qui a été étendu jusqu’en juin prochain vise à sauvegarder les emplois. À quoi doit-on s’attendre pour la suite ? Cela ne va-t-il pas uniquement retarder certains licenciements ?
Imaginez ce qu’aurait été la vie de centaines de milliers de Mauriciens si le gouvernement n’avait pas mis en place tous ces « schemes » ! L’amendement de la Workers’ Rights Act était nécessaire pour décourager les entreprises à licencier, mais il faut ajouter que cette loi a été accompagnée de mesures exceptionnelles. Le Wage Assistance Scheme et le Self Employed Assistance Scheme ont permis aux employeurs de continuer à payer les salaires des employés et aux entrepreneurs de recevoir un revenu décent. Ces aides et le Workfare Programme agissent comme des filets de protection pour garantir que les Mauriciens continuent à vivre décemment. 

Les économistes et analystes prévoient un premier semestre difficile sur le plan économique. Selon-vous, comment évoluera le taux d’activité sur le marché de l’emploi et par ricochet la productivité ?
Nous ne pouvons faire de projections, car nous n’avons aucune visibilité sur les mois à venir. Cependant, la santé de la population demeure la priorité du gouvernement. Mon collègue, le ministre de la Santé, le Dr Kailesh Jagutpal, a annoncé récemment le protocole de vaccination contre la Covid-19. C’est encore une fois la preuve que nous faisons tout ce qui est possible pour protéger les Mauriciens. Il est un fait indéniable que Maurice ne peut se permettre un deuxième confinement, car l’économie serait à genoux.


6 047 personnes licenciées entre septembre 2020 et le 1er janvier 2021

Depuis décembre dernier, le Registrar of Companies a rayé 3 693 entreprises de son registre. La grande majorité de ces compagnies a été rayée, car elles ne respectaient pas leurs obligations. Il nous revient que c’est le cas pour 3 547 entreprises. « Si une compagnie ne dépose pas ses comptes dans les temps ou si elle ne paie pas ses frais d’enregistrement, nous la rayons du registre. Libre à elle de faire par la suite une demande pour se remettre en activité. Nous examinerons alors sa demande et agirons en fonction », explique-t-on au Corporate and Business Registration Department.

Du 1er septembre à ce jour, il y a 146 compagnies qui ont fait une demande officielle pour être rayées du registre, car elles ne comptent plus poursuivre leurs activités.

Il nous revient aussi que le nombre d’entreprises en liquidation, que ce soit de manière volontaire ou non, est de moins de 50 pour les quatre derniers mois.

Concernant les pertes d’emploi, 6 047 personnes se sont retrouvées sur le pavé entre le 1er septembre dernier et le 1er janvier 2021. Le mois de décembre a été de loin le mois où le plus grand nombre d’employés ont perdu leur emploi. 2 256 salariés ont perdu leur job durant ce mois-là contre 1 062 en novembre, 1 277 en octobre et 1 452 en septembre. C’est ce qu’indiquent les chiffres officiels du ministère du Travail. Une bonne partie de ces pertes d’emploi concerne le secteur touristique et le secteur de l’exportation. Toutefois, la plus grosse part des compagnies rayées durant cette période concerne des compagnies du secteur offshore.


En cas de perte d’emploi : ces employés qui ont déjà trouvé une porte de sortie

Inquiets sur la sécurité de leur emploi, certains employés ont déjà pris les dispositions pour assurer leur survie. Même s’ils sont toujours employés dans des compagnies qui sont dans le rouge, ils ont commencé un ‘side business’ qui a le potentiel d’être leur principale source de revenu à l’avenir. Témoignage de trois employés.

Kevin (35 ans) : «Je me suis lancé dans la préparation de snacks»

snacks

Avant la pandémie de Covid-19, Kevin* (prénom modifié), travaillait comme représentant à l’aéroport pour un tour-opérateur depuis une dizaine d’années. Désormais, avec la fermeture des frontières, son bel uniforme a été relégué au fond du placard. « Comme on le sait déjà, le secteur touristique a été durement impacté par la Covid-19 et mon employeur a dû réduire ses opérations. Nous n’avons aucune indication quant à la reprise des activités », explique-t-il.

Certes, il touche toujours son salaire de base, mais ce n’est pas suffisant pour payer les factures mensuelles. Cependant, Kevin n’est pas du genre à baisser les bras. « Je ne me laisse pas décourager et je me suis lancé dans la préparation de snacks. J’ai tout appris avec ma mère », dit-il. Avec le soutien de son épouse, il confectionne divers snacks, notamment croquettes, samoussas et mini pizzas, entre autres. « Je travaille uniquement sur commande et je suis heureux de constater que ma femme et moi, nous travaillons tout le temps. La demande a été surtout très élevée durant la période festive », explique Kevin. Celui-ci  est convaincu que dans chaque difficulté, se trouve une opportunité et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.


Pooja Ramratan, une employée d’hôtel de 26 ans : elle se tourne vers le nail art pour rebondir avec succès 

poojaAssistante dans une boutique à l’hôtel Four Seasons Resorts, Pooja Ramratan, 26 ans, n’a toujours pas repris son poste depuis le confinement. « Je suis à la maison depuis plus de sept mois. L’hôtel n’a pas encore repris ses activités, car des travaux de rénovation sont en cours. Je n’ai aucune visibilité quant à la reprise », dit-elle. Même si elle reçoit toujours son salaire chaque mois, elle s’inquiète pour son avenir. « Je ne suis pas restée les bras croisés. J’ai suivi un cours sur le nail art, étant passionnée par cet art », explique-t-elle. La jeune femme indique qu’elle a déjà acheté tous les équipements nécessaires et travaille à domicile. « Je dois dire qu’en peu de temps, je me suis bâti une bonne clientèle. Pendant les périodes festives, j’ai eu beaucoup de clientes », se réjouit-elle. Pour elle, une chose est sûre, dans l’éventualité où son poste à l’hôtel n’est pas préservé, elle compte poursuivre dans cette voie. Elle ajoute :« D’ailleurs, je vais bientôt commencer d’autres cours de formation pour me perfectionner davantage dans ce domaine ».


Christelle (42 ans) :  «Je sais que je peux compter sur la pâtisserie pour joindre les deux bouts»

christelle

Employée dans la compagnie d’aviation nationale depuis 18 ans, Christelle* (nom fictif) a fait de sa passion pour la pâtisserie une deuxième source de revenus bien avant la pandémie de Covid-19. « Air Mauritius rencontrait pas mal de problèmes. Les allocations ont été supprimées et mon salaire mensuel a subi une baisse conséquente et c’est la raison pour laquelle j’ai trouvé un plan B. Quand la compagnie a été mise sous administration volontaire, la situation s’est empirée. Je me suis alors jetée à corps perdu dans la pâtisserie », relate-t-elle. Sa passion pour les gâteaux remonte à son enfance. « Je sais que je peux compter sur la pâtisserie pour joindre les deux bouts. Ce sera mon emploi principal si je suis licenciée », ajoute Christelle.


Covid-19 : ces Mauriciens qui se réinventent pour survivre suite à la fermeture des frontières

L’année 2021 commence sur des sables mouvants. En effet, l’année 2020 est derrière nous et pourtant, ils sont nombreux les Mauriciens à subir encore les conséquences de la pandémie de Covid-19. Au chômage depuis la fermeture des frontières, ils ont dû prendre une décision pour survivre et recommencer à zéro dans un secteur qui ne leur est pas familier. Le Dimanche/L’Hebdo a recueilli le témoignage de deux pères de famille qui se sont reconvertis après avoir perdu leur emploi.

Reconverti dans la restauration - Rooven Moothoosamy : «Je n’ai pas le choix»

roovenRooven Moothoosamy est un père de famille âgé de 40 ans qui habite à Baie-du-Tombeau. Pendant 18 ans, il a tenu une échoppe au marché central de Port-Louis, très fréquenté par les touristes. Grâce à ce métier, il nourrissait sa famille, puis et venu la pandémie de Covid-19.  Son calvaire a débuté au mois de mars avec la fermeture des frontières et le confinement. « Le secteur touristique était notre seule source de revenus. Grâce à mon échoppe, nous vivions confortablement, mais avec la fermeture des frontières, il n’y avait plus de touristes et sans eux, le marché est plus ou moins désert. J’avais uniquement la somme de Rs 5 100 versée par l’État pour nourrir ma famille. Des proches qui nous ont aidés, mais en septembre 2020, notre situation a empirée. J’ai donc décidé qu’il me fallait trouver un autre travail pour subvenir aux besoins de ma famille et payer les dépenses courantes, notamment les frais de l’école de mon fils de 6 ans », indique-t-il.

C’est alors que Rooven prend la décision de se reconvertir dans la restauration  en cuisinant des plats faits maison pour les événements, les tabagies et les restaurants. En attendant la réouverture des frontières, il tente de s’en sortir, même s’il ne s’y connaît pas vraiment dans la restauration. « Je prépare des snacks mauriciens, comme les piments farcis, wantan, œufs rôtis et poulets croustillants... Je les vends pour joindre les deux bouts, mais c’est difficile de se reconvertir dans un secteur complètement différent. De plus, financièrement, ce travail ne m’apporte pas vraiment de stabilité, mais je n’ai pas le choix. Je suis inquiet pour l’avenir, suite à la résurgence de la pandémie avec les nouvelles variantes du virus. Entre-temps, mes économies sont épuisées. J’espère pouvoirreprendre mon travail au marché vers juin, juillet. »


Opérateur touristique devenu commerçant - Eshan Bolaky : «L’aide de l’État ne suffit pas»

eshanEshan Boloky a aussi éprouvé des difficultés à se reconvertir. Cet homme de 44 ans, qui a exercé comme opérateur touristique  à Port-Louis depuis plus d’une vingtaine d’années, a vu son chiffre d’affaires chuter drastiquement suite à l’absence des touristes. Bien malgré lui, il s’est efforcé de sortir de sa zone de confort afin de subvenir aux besoins de ses trois enfants. « Je n’ai pas pu travailler pendant 10 mois. La somme de Rs 5 100 que je recevais de l’État n’était pas suffisante. Il fallait prendre une décision », explique-t-il.

Mais avec la crise financière qui affecte le monde du travail, le choix est limité. Au final, il a décidé de vendre des vêtements à la foire de Cité Martial, à Port-Louis. « Le travail est complètement différent de ce à ce quoi j’étais habitué. Les revenus sont insuffisants. Au marché central, je gagnais bien ma vie et je n’avais aucun problème financier, mais à la foire de Cité Martial, c’est difficile de gagner sa vie correctement avec la crise financière et la compétition parmi les commerçants.  Aujourd’hui, les Mauriciens préfèrent acheter les produits de première nécessité et  quand ils achètent autre chose,  ils cherchent les prix les plus abordables. Il est donc difficile de joindre les deux bouts. Je garde espoir de reprendre mon travail en tant qu’opérateur touristique, même si je suis conscient que ce ne sera pas de sitôt », conclut-il.


Sébastien Marday (40 ans) : «Trase zordi pou demin»

sebastien
Sébastien Marday cumule les petits boulots.

Assis dans sa pirogue baptisée Blue Pearl et ancrée sur le sable, Sébastien Marday contemple le lagon de Pointe-d’Esny qui retrouve peu à peu sa beauté de carte postale, même si le mât du naufragé MV Wakashio fait tache. 

Originaire de Pointe-d’Esny, Sébastien Marday a 40 ans. Il fait du jardinage depuis 15 ans, mais sa vraie passion, c’est la mer. En tant que skipper, il gagnait bien sa vie avant que la pandémie de Covid-19 ne vienne tout bouleverser. Dans le passé, il emmenait les touristes dans le lagon de Pointe-d’Esny, ainsi qu’à l’île de la Passe ou encore à l’île-aux-Cerfs pour des parties de pêche. Sébastien a marché dans les pas de son père décédé lors d’un accident en mer. « Zame inn kone kinn ariv li. Apre form 3, monn kit lekol ek monn repran so metie », relate-t-il. 

Entre pandémie, confinement, fermeture des frontières, absence des touristes, sans oublier le naufrage du Wakashio et la catastrophe écologique, difficile de gagner sa vie en mer. Il a eu l’occasion de travailler pour la société Polyeco, responsable du nettoyage des lagons et des sites touchés par la marée noire dans cette partie de l’île. « Ainsi, j’ai touché un peu d’argent, ce qui m’a permis de subvenir aux besoins de ma famille durant ces derniers mois. L’exercice de nettoyage étant déjà complété, je me retrouve une nouvelle fois en difficulté », indique le skipper, qui n’a pas d’autre choix que celui d’attendre le retour des touristes. « Pa kone kan », soupire Sébastien. En attendant, il fait de petits boulots ici et là pour arrondir ses fins de mois. Ainsi, chaque jour, il sillonne le village à la recherche d’un travail, allant de la tonte de la pelouse, à des travaux de peinture ou encore de jardinage, et ce pour une poignée de roupies pour l’aider à nourrir sa famille. « Mo osi kass ross. Me pa fasil pou gagn mo lavi ar sa. Parski dimounn pas trop rod peye », indique-t-il. Travaillant au jour le jour, Sébastien Marday avoue que ses finances sont dans le rouge, mais en tant que père de famille, il doit « trase zordi pou demin. » Selon lui, ce n’est pas avant deux ans que sa situation s’améliorera. Toutefois, il indique qu’il ne baisse pas les bras en attendant des jours meilleurs.

 

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