Mgr Jean Michaël Durhône sera le douzième évêque du diocèse de Port-Louis et le troisième Mauricien à succéder aux apôtres en terre mauricienne. Ses prédécesseurs mauriciens ont été Mgrs Jean Margéot et Maurice Piat, faits cardinaux par la suite. Le père Philippe Goupille revient sur leurs parcours et épiscopats respectifs.
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Le style de leadership d’un évêque
« Avant de parler du style de leadership d’un évêque, il faut d’abord remettre son action pastorale dans l’histoire de son pays, de son diocèse. Nous devons nous rappeler que l’Église n’existe pas pour elle-même. Elle existe pour le service de l’Homme. Elle annonce l’Évangile. L’Évangile propose que chaque homme puisse vivre trois valeurs essentielles : qu’il puisse être libre, responsable et fraternel. Ces trois dimensions sont essentielles pour le bonheur de l’Homme. Ce sont des valeurs qui sont au cœur même de l’Évangile.
Cette mission d’annoncer l’Évangile, chaque évêque l’accomplit avec ses talents particuliers et ses qualités personnelles. Mais son action pastorale doit toujours être le fruit du discernement qu’il doit opérer dans le contexte social où il se trouve. »
L’épiscopat du cardinal Jean Margéot
« Le cardinal Margéot a été le premier évêque mauricien. Il a été ordonné au moment où le pays devenait indépendant. Il s’agissait pour lui de positionner l’Église dans la nouvelle dimension d’une île Maurice indépendante. Comment ?
Tout d’abord, il a pris soin d’inviter les fidèles catholiques à respecter le choix démocratique du peuple qui avait voté pour l’indépendance. À partir de là, il a choisi de collaborer avec les forces vives du pays et avec l’État pour consolider l’indépendance du pays. Une priorité dans son enseignement, sa première lettre pastorale a été consacrée au développement du pays. Il est souvent revenu sur le thème de la responsabilité du citoyen. Il a aussi écrit d’autres lettres pastorales, comme celle où il invite à ‘Relancer l’esprit d’entreprise’.
À un moment où les religieux se méfiaient de l’impact négatif du tourisme sur la moralité, il a eu le courage d’écrire une lettre pastorale intitulée ‘Le tourisme, une chance à ne pas perdre’.
Dans les rapports de l’Église avec l’État, il y a eu souvent des conflits, par exemple par rapport à la politique familiale, la corruption, le communalisme ou encore dans le domaine de l’éducation. Le cardinal Margéot a même engagé une action devant la Cour suprême pour déterminer si l’Église catholique avait le droit de choisir ses professeurs, même s’ils étaient payés par l’État dans le cadre de l’éducation gratuite. Le cardinal Margéot ne prétendait pas que la seule manière d’éduquer était celle de l’enseignement catholique mais il voulait que l’État respecte le projet d’éducation catholique. La Cour suprême lui a donné raison.
Dans les multiples conflits qu’il a eus avec l’État, il faut souligner que c’était toujours dans le dialogue et le respect mutuel. J’ai raconté ces conflits dans le livre Le conflit désarmé pour bien faire comprendre que dans un conflit, il ne s’agit pas d’avoir recours à la violence ou même aux armes. Mais il est important, dans un conflit, de tenir à ses convictions. »
L’épiscopat du cardinal Maurice Piat
« L’épiscopat du cardinal Piat a été marqué au départ par le problème soulevé par le père Roger Cerveau et qu’il avait appelé ‘le malaise créole’. C’était un plaidoyer pour que l’Église se mette plus à l’écoute des aspirations et de la souffrance de la communauté créole. C’est ainsi que Mgr Piat a écrit sa première lettre pastorale sur ce sujet. Dans le sillage de cette lettre pastorale, il a pris des initiatives pour la traduction de la Bible en kreol morisien. Il a aussi encouragé les paroisses à utiliser la langue créole dans les célébrations de la messe et des sacrements.
Parmi d’autres initiatives pastorales du cardinal Piat, il y a un changement qu’il a apporté dans l’orientation des collèges catholiques. Les collèges catholiques dans leur ensemble avaient le souci d’une éducation qui aboutissait à des succès académiques. Le cardinal Piat a changé les critères d’admission dans les collèges catholiques pour que les élèves moins doués intellectuellement puissent être admis et exposés au projet d’éducation catholique. C’est ainsi que les collèges St Esprit et St Mary’s ont créé des branches dans des régions du pays où les élèves venaient de milieux défavorisés. Ce fut un geste très courageux, qui n’a pas toujours fait l’unanimité.
Le cardinal Piat a beaucoup encouragé la formation biblique et théologique en créant l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM). Il a donné beaucoup d’importance à la formation des prêtres, des laïcs, des religieux pour leur permettre de mieux servir l’Église et le pays. Au cours de ses 32 ans d’épiscopat, le cardinal Piat a aussi pris position par rapport aux fléaux sociaux, principalement la prolifération de la drogue. Il s’est engagé personnellement à rencontrer les parents des drogués pour les accompagner et entendre leur souffrance. Il est souvent revenu aussi sur les carences d’un système éducatif qui laisse près de 25 % des élèves au bord du chemin, incapables de s’intégrer au programme académique national. Il s’est investi aussi dans la modernisation du collège technique St Gabriel afin d’envoyer un signal fort à la société sur l’importance de la formation technique. Le cardinal Piat a également eu le souci de revoir totalement le projet catéchétique du diocèse à travers le projet Kleopas, qui a demandé beaucoup d’énergie et d’investissement pour les responsables de catéchèse dans les paroisses. »
Conclusion
« Comme je le disais au début, le style de leadership d’un évêque doit lui permettre de s’adresser aux problèmes concrets de la société dans laquelle son diocèse est implanté et de conduire le peuple qui lui est confié vers la destination voulue par Jésus-Christ. Il s’agit surtout de discerner dans quelle direction il est important que l’Église s’investisse en priorité pour contribuer, avec les moyens qui lui sont propres, au progrès de l’homme et de la société. »
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