Pèlerinage de Maha Shivaratri : un devoir sacré dans le respect des restrictions sanitaires

Depuis le 21 janvier dernier, les dévots effectuent le pèlerinage vers le lac sacré à Grand-Bassin, dans le cadre de la fête Maha Shivaratri qui sera célébrée le 1er mars. Prenant en considération les restrictions sanitaires, les pèlerins ont choisi de sortir en groupe de dix ou en solo. La taille et la forme des « kanwars » ont été revues. Même si le « jal » sera disponible dans les temples, les « shiv bhakts » ont préféré récupérer eux-mêmes l’eau sacrée. Ils indiquent que le pèlerinage est le symbole de pénitence et de leur dévotion envers la divinité, Shiv. 

Une des consignes de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation (MSDTF) est de ne pas tenir des processions, soit des attroupements dans le cadre de Maha Shivaratri célébrée le mardi 1er mars. Exceptionnellement le pèlerinage a débuté 40 jours au préalable. Dans ses conférences de presse, la MSDTF a fait appel à la discipline ainsi qu’au sens de responsabilité individuelle et collective des fidèles cette année. L’objectif est de protéger la santé publique durant la pandémie de Covid-19 et de respecter les restrictions sanitaires en vigueur jusqu’à fin mars. 

L’Ecroignard Socio Cultural Group (ESCG) a vécu un pèlerinage différent des années précédentes. Au lieu de 40 à 60 pèlerins, le groupe était constitué de 18 personnes. Ils ont quitté Écroignard le 18 février dernier. « Les dames et les enfants ne nous ont pas accompagnés cette année. Puis, nous avons choisi des pèlerins en bonne santé et entièrement vaccinés », explique Vikram Hurloll, 39 ans et vice-trésorier de ESCG. Comme veut la tradition, ils ont marché en file indienne avec 15 petits « kanwars » en forme de « Om ». Chaque pèlerin a changé son masque toutes les trois heures. « Comme il n’y avait pas de tentes ou de volontaires sur la route, nous avons pris nos dispositions pour les fruits et l’eau », dit-il. 

Depuis 27 ans, Avin Jagarnath effectue le pèlerinage avec les membres de Goodlands Vishwanath Janata Mandir. Aujourd’hui, âgé de 37 ans, il a décidé de marcher seul. « En raison de la situation sanitaire, j’ai effectué le pèlerinage tôt afin d’éviter d’être en contact avec d’autres dévots. Comme on dit, mieux vaut prévenir que guérir », dit-il. Cet habitant de Petit-Raffray fait toutefois ressortir qu’il s’est fait véhiculer jusqu’à Grand-Bassin le samedi 5 février. Il a offert ses prières au lac sacré et aux divinités du temple Kashi Vishwananth. Ensuite, il a décidé de retourner à pied. 

Par la suite, il a placé l’eau sacrée dans son « kanwar » particulier qui faisait aussi office de sac à dos. D’ailleurs, son « kanwar » a suscité l’admiration des internautes sur les réseaux sociaux. Il indique que sa taille de 1m94 ne lui permet pas de porter les « kanwars » traditionnels. De ce fait, il en a érigé un à partir d’une structure en métal. « Cette structure est petite, simple et durable. Elle est facile à porter et n’encombre pas les autres usagers de la route. Je l’ai porté comme un sac à dos et j’ai marché confortablement », dit-il. Sur le chemin du retour, il s’est arrêté chez son oncle à Beau-Bassin et il a passé la nuit. Le lendemain, il a continué à marcher vers Goodlands. 

En route, il a reçu des bouteilles d’eau et des fruits. Certains passants ont même pris des photos avec lui. « La partie la plus importante de ce pèlerinage est de chercher l’eau sacrée pour l’offrir au Shiva pendant le rituel de Shiv Abhishek pour la grande nuit de Shiva. Dans les temples, Shiva est représenté par la structure Shivling », dit-il. 

Devoir accompli

Avish Teeluck, 31 ans, abonde dans le même sens. Cet habitant de Morcellement Saint-André fait le pèlerinage depuis qu’il a 12 ans. Il a entamé un premier pèlerinage le 29 janvier pour coïncider avec la célébration de « Massik Shivaratri », jour de bon augure consacré au dieu Shiva. 

« Généralement, nous commençons notre yatra  (pèlerinage) sept à dix jours avant la Grande nuit de Shiva. Nous sortons en groupe de 20 à 50 fidèles. Mais cette année, nous avons tout repensé. Chacun est allé en groupe de 10 personnes », explique-t-il. Les groupes se sont assurés que personne ne présente de symptômes de la Covid-19 avant de prendre la route. Ils ont marché en récitant le mantra « Om Namah Shivaya ». 

« Tous les « bhai » (frères) ont coopéré pour marcher dans le respect des restrictions sanitaires et des gestes barrières. Nous sommes des shiv bhakts et il était de notre devoir d’effectuer ce pèlerinage. Ce, en guise de dévotion et de sacrifice, puisque l’objectif est de récupérer le jal pour la Grande nuit », indique Avish Teeluck. Il ajoute que ce pèlerinage perpétue aussi la tradition léguée par le pandit Jhummun Giri Gossagne, le premier à avoir marché jusqu’au lac sacré. Le groupe a pris moins de temps que d’habitude pour aller à Grand-Bassin et retourner, car il n’y avait pas d’embouteillage. Jusqu’à présent, il a fait huit pèlerinages pour motiver les différents groupes. 

Kunal Jugasing, 32 ans, s'est rendu au Ganga Talao avec deux amis. Comme chaque année, il a décoré son « trishul » (trident), l’arme de Shiva et il l’a porté comme « kanwar ». « D’habitude, nous effectuons le pèlerinage en groupe de 15 personnes. En tant que citoyens responsables, nous sommes allés au Ganga Talao en nombre réduit cette fois-ci. Cela nous permet à la fois de respecter les restrictions sanitaires et d’accomplir notre devoir envers Shiva. En route, nous ne nous sommes pas arrêtés, mais nous avons ralenti quand il le fallait », dit-il. Ils ont gardé leur masque et désinfecté leurs mains régulièrement.