Un comité technique travaille en ce moment sur la réforme de la pension. Il doit remettre son rapport à la fin du mois au ministère de la Sécurité sociale. Noor Hotee décortique les enjeux de cette étude.
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Un comité technique se penche actuellement sur la réforme de la pension. Estimez-vous que c’est nécessaire ?
D’abord, ce n’est pas normal de proposer d’augmenter la pension la veille des élections et de venir avec des réformes par la suite. Pourquoi ne pas l’avoir dit dès le départ ? Ce qui est important surtout, c’est de situer le problème : la population vieillit. Le support ratio, c’est-à-dire le nombre de personnes qui sont en âge de travailler par rapport à ceux qui bénéficient de la pension, penche de plus en plus vers ces derniers.
La Basic State Pension est un système de Pay As You Go, à savoir que le gouvernement la paie aux personnes qui ont plus de 60 ans de ses propres revenus et elle n’est pas contributive. Et il y a le National Pensions Fund (NPF), qui est contributif. Donc, il y a un fonds qui est cumulé. Le vieillissement de la population n’affecte pas les plans financés, contrairement à la pension nationale.
Il n’y a que deux grands axes de solutions : le premier est d’augmenter la taxe, le second c’est de couper les bénéfices. Là, on parle de ciblage, d’augmentation de l’âge de la retraite, etc. Mais quand on s’attarde sur les solutions, il faut prendre aussi en considération la réalité mauricienne.
Qu’attendez-vous de ce comité ?
J’espère qu’il y a au moins un actuaire qui y siège car lui va prendre en considération les mesures phares que le Fonds monétaire international (FMI) préconise dans les pays en voie de développement : l’augmentation de l’âge de la retraite, le fair means testing qui consiste à vérifier si les revenus d’une personne à la retraite dépassent un certain seuil, et la réduction du montant de la pension.
Cette dernière éventualité est quelque chose qui fait peur. Je connais des gens qui dépendent de cet argent pour subsister. Je ne crois pas que ce soit la seule solution. On peut commencer par s’attaquer au problème à sa source : le vieillissement. Une des solutions est d’encourager les gens à avoir plus d’enfants. Ce ne sera pas une solution immédiate, mais elle a déjà été testée dans des pays développés qui ont offert des child benefits.
En fonction de vos revenus, vous pouvez être éligible à ces avantages. Si vous rétablissez l’équilibre entre ceux qui travaillent et ceux qui touchent la pension, il n’y a plus de problème.
Pour avoir plus de gens qui travaillent, il faut qu’il y ait une plus grande offre d’emplois. Donc cela dépend aussi du développement de l’économie...
C’est toute une réflexion sur le très long terme. Il faut réfléchir sur les moyens de développer notre économie suffisamment rapidement pour apporter du capital, attirer des entrepreneurs pour créer de l’emploi. Cela apportera plus de revenus à travers les taxes qui soutiendront la pension. Il faut sans doute un débat pour se mettre d’accord sur une somme minimale dont un couple à la retraite a besoin pour vivre. Si un couple touche plus que cette somme minimale, alors il n’a pas à toucher la totalité de la pension. Il peut toucher la moitié, un quart... Il ne faut pas une coupure nette et dire que passé un certain seuil, on n’obtient rien.
«La santé, l’éducation et tout ce que nous obtenons gratuitement dans notre État providence, en souffriront.»
Mais vous pensez qu’il faut impérativement changer le système ?
Il est clair que si l’on ne fait rien, une proportion plus importante des revenus du gouvernement devra être utilisée pour payer la pension. En conséquence, il y aura moins d’argent pour financer les autres services. La santé, l’éducation et tout ce que nous obtenons gratuitement dans notre État providence, en souffriront. Ou alors nous aurons moins d’argent pour le développement du pays.
Vous dites qu’il y a deux grands axes de solutions, dont l’augmentation des contributions. Si le scénario d’une plus importante création d’emploi ne se concrétise pas, la seule solution est-elle d’augmenter les taxes ?
Pas seulement. Peut-être qu’il faut repenser fondamentalement le système Pay As You Go. Nous avons vu que le vieillissement de la population n’est pas un problème s’il y a des fonds. Il faut penser à long terme et mettre suffisamment de fonds de côté pour que cela soit soutenable.
Vous suggérez de rendre la pension contributive ?
Oui, mais pas de façon immédiate. Ceux qui touchent déjà la pension et n’ont jamais contribué, il faut les laisser tels quels. Ceux qui travaillent déjà, on ne peut pas leur faire payer une contribution trop importante. Il faut un barème pour eux. Par contre, pour ceux qui n’ont pas commencé à travailler, il faut qu’ils intègrent le plan contributif. Pour qu’ils n’aient pas l’impression de financer la pension d’un autre, il faut leur dire qu’ils financent leur propre retraite. Notre système de NPF, qui est contributif, a les moyens de faire cette gestion. Administrativement, il est possible de fusionner la Basic State Pension et le NPF pour en faire une seule pension d’état, ce qui simplifie tout.
Comment se fait-il que ces deux pensions aient été amenées à coexister ?
C’est historique. La Basic State Pension a été instaurée par les Anglais pour les pauvres. En 1978, le NPF est créé pour top-up la pension qui ne suffisait pas. La formule, dès le départ, est une contribution de 3 % pour l’employé et 6 % pour l’employeur. 9 %, c’est déjà trop faible. En moyenne, cela doit être au moins 15 %. Maintenant qu’on a un peu plus de moyens, on peut peut-être augmenter cette contribution légèrement, mais certainement pas la doubler comme le suggère le comité technique, d’après ce que j’ai pu en lire dans la presse. Il faut bien plus de débats là-dessus.
L’Angleterre a emprunté cette direction en unifiant un système qui était à deux niveaux. Mais avant, il est important de le souligner, il y a eu un green paper qui a exposé le problème, dressé la liste des solutions, avec tous les chiffres à l’appui. Il faut donner à tout le monde l’occasion de contribuer durant une période minimum de trois mois. Le comité technique doit lire toutes les suggestions de la population et voir ce qui est faisable. Ce n’est qu’ensuite qu’on peut prendre une décision ferme.
Ce que j’aimerais souligner aussi, c’est qu’aucun parti politique ne devrait être autorisé à inclure l’augmentation de la pension dans son manifeste électoral. Si on arrive à un consensus national, c’est dangereux qu’un parti puisse tout gâcher avec une promesse électorale irréfléchie quelque temps après.
Est-ce qu’une taxe sur les riches ne serait pas un bon moyen de financer la pension ?
Toute taxe est redistributive. Je ne crois pas qu’inventer une nouvelle taxe soit la solution. Toute personne doit avoir une juste contribution à la société. Mais là on touche à l’évasion fiscale. Il y a des moyens tout à fait légaux de réduire le paiement de la taxe. Toutefois, augmenter la taxe peut dissuader les investisseurs. C’est ce qui s’est passé en France par exemple.
À propose de la France, le débat y fait rage sur le revenu universel d’existence. Vous parlez de révision de toutes les formules de prestation sociale à Maurice. Une proposition de ce genre est-elle envisageable à Maurice ?
Il faut prendre en considération toute la panoplie de soutien social que reçoit une personne à la retraite. Il faut faire une évaluation de toutes les prestations sociales pour que tout fonctionne en diapason. Puis, au niveau de la pension, chaque individu dans un couple de retraités touche autour Rs 5 250. Mais il y des coûts fixes, comme le loyer ou l’électricité qu’on ne paie pas pour deux. Donc, ce n’est peut-être pas nécessaire de payer la même somme aux deux.
Vous avez parlé de l’identification des problèmes et solutions avant de voir si celles-ci sont applicables. Quels sont les obstacles potentiels à l’application de ces solutions ?
L’un des obstacles potentiels, c’est que nous n’avons pas les ressources au niveau du gouvernement pour administrer un système centralisé pour les bénéfices. Il faut renforcer les compétences, notamment pour traquer les fraudeurs.
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