
À peine une semaine après avoir quitté sa cellule, à l’issue de vingt jours de détention, le surintendant de police (SP) Ashik Jagai se retrouve de nouveau derrière les barreaux pour non-respect des conditions de sa remise en liberté sous caution. De nouveau inculpé devant le tribunal de Port-Louis, il a sollicité une remise en liberté, une requête qui sera examinée le 15 septembre 2025 après l’objection formulée par la Financial Crimes Commission (FCC).
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Déjà sous le coup de trois accusations provisoires de « public official using his office for gratification » depuis le 21 août 2025 dans le cadre de l’affaire Reward Money, le SP Ashik Jagai, âgé de 57 ans, a une fois de plus été provisoirement inculpé le mercredi 10 septembre 2025, devant le tribunal de Port-Louis. Cela pour non-respect des conditions de sa remise en liberté sous caution et pour ingérence auprès d’un témoin potentiel. Par ailleurs, il lui est désormais interdit de quitter le pays.
Appelé à la barre, l’Acting Chief Investigator, Saleem Abdool Raman, a informé la Cour que la FCC s’oppose à la remise en liberté du SP Ashik Jagai pour ingérence auprès de témoins. Il en a également profité pour informer l’instance de l’état d’avancement de l’enquête qui, selon lui, est toujours en cours.
Concernant la première accusation, l’enquêteur a souligné que le SP Ashik Jagai aurait interféré avec un comptable. La deuxième accusation concerne d’autres directeurs de compagnie, avec qui son fils, Ashik Allysaheb Ameersaheb Jagai, lui aussi sous le coup de trois accusations provisoires de blanchiment d’argent devant le tribunal de Port-Louis, serait impliqué.
Par ailleurs, l’Acting Chief Investigator a précisé qu’il ne peut dire combien de temps l’enquête prendra. Il a confirmé que jusqu’à présent, le SP Ashik Jagai a répondu à toutes les questions de la FCC, tout en ajoutant qu’il doit encore recueillir les versions des témoins dans cette affaire.
Suite à ces déclarations, Me Axel Ritchy Bucktowar, avocat du haut gradé, a sollicité la Cour pour que des dispositions soient prises pour assurer la sécurité de son client. Il a formulé une requête pour que ce dernier soit détenu en cellule policière sous surveillance caméra, et qu’il soit autorisé à recevoir ses médicaments ainsi que de la nourriture provenant uniquement de son domicile. La magistrate Shaheen Inshirah Daureeawoo a accédé à cette demande et a sommé la FCC d’effectuer le nécessaire.
L’avocat a également réclamé que son client soit remis en liberté sous caution, motion qui sera examinée le 15 septembre 2025.
Les conditions de sa remise en liberté sous caution dans l’affaire Reward Money
Inculpé à titre provisoire dans le cadre de l’affaire Reward Money, le SP Ashik Jagai avait retrouvé la liberté sous caution le 2 septembre 2025, devant le tribunal de Port-Louis. Les conditions imposées par le magistrat Prashant Bissoon sont les suivantes :
- S’acquitter de trois cautions de Rs 500 000 chacune.
- Signer un engagement de dette d’un montant de Rs 2,5 millions.
- Interdiction d’interférer avec des témoins ou des suspects liés à l’affaire.
- Fournir son nouveau numéro de téléphone et rester joignable à tout moment si la FCC a besoin de lui.
- Résider à un lieu fixe.
Pour sa deuxième inculpation, le SP Ashik Jagai arrive en cour menotté
C’est vers 15h05 que le SP Ashik Jagai est arrivé à la New Court House, menotté et sous forte escorte des officiers de la FCC. Des policiers, affectés dans d’autres unités de la force policière, étaient aussi présents. Vêtu d’une chemise bleue et d’un pantalon beige, le SP Ashik Jagai affichait un visage impassible. Un blouson gris était posé sur ses mains afin de dissimuler les menottes à ses poignets. Portant une casquette noire, son regard scrutait la foule présente.
Un peu plus tard, des limiers de la Special Supporting Unit (SSU) ont été dépêchés sur les lieux pour éviter tout dérapage. Un barrage de sécurité avait également été installé à l’entrée de la New Court House, située rue Pope Hennessy à Port-Louis.
On pouvait aussi noter plusieurs curieux qui s’étaient attroupés afin d’assister à l’arrivée du SP Ashik Jagai en cour pour sa deuxième inculpation provisoire.
La salle d’audience du tribunal de Port-Louis était pleine à craquer pour suivre l’inculpation de l’ex-patron de la défunte SST. C’est finalement vers 15h50 que le SP Ashik Jagai est ressorti, toujours escorté par des officiers de la FCC et de la SSU. Ses proches l’ont accompagné jusqu’à la sortie. Il s’est ensuite engouffré dans un véhicule de la FCC qui l’a conduit à sa cellule pour sa détention préventive.
Ce qui est reproché au SP Ashik Jagai
Deux accusations provisoires ont été retenues contre le SP Ashik Jagai, âgé de 57 ans et résidant à Vallée des Prêtres, devant le tribunal de Port-Louis le mercredi 10 septembre 2025. Notamment « interfering with a potential witness » en vertu de l’article 141(2) de la Financial Crimes Commission Act 2023, ainsi que « breach of condition whilst being a person released on bail », en vertu de l’article 22(a)(iii) de la Bail Act.
Dans la première accusation, la FCC reproche au SP Ashik Jagai d’avoir, entre le 3 et le 5 septembre 2025 à Port-Louis, pris contact avec une personne témoin dans une affaire de blanchiment d’argent sur laquelle la FCC enquête.
Le haut gradé, selon l’accusation, aurait intimidé le témoin et lui aurait fait comprendre que les informations qu’il donnerait à la FCC dans le cadre de ladite affaire devraient être en faveur de son fils, Ashik Allysaheb Ameersaheb Jagai, également impliqué dans cette enquête menée par la FCC. Il ressort que le haut gradé aurait pris contact avec le témoin à deux reprises.
S’agissant de la deuxième accusation, l’ancien patron de la défunte Special Striking Team (SST) aurait, entre le 3 et le 5 septembre 2025 à Port-Louis, enfreint une des conditions de sa remise en liberté sous caution. Notamment l’interdiction d’interférer avec des témoins directement ou indirectement, condition que le tribunal de Port-Louis lui avait imposée le 2 septembre 2025 après sa remise en liberté.
Selon la FCC, le fait qu’il aurait intimidé un témoin dans une affaire faisant l’objet d’une enquête constitue une violation de cette condition de sa remise en liberté sous caution.
Ce que disent nos lois : La Bail Act et la Financial Crimes Commission Act
Me Yuvir Bandhu nous éclaire sur les implications du non-respect des conditions entourant la liberté sous caution ainsi que sur l’article 141(2) de la Financial Crimes Commission Act.
Selon l’avocat, en vertu de l’article 22 de la Bail Act, toute personne qui, après avoir été libérée sous caution :
- Ne se présente pas devant un tribunal,
- Fait pression sur un témoin,
- Altère des preuves,
- Ou entrave de toute autre manière le cours de la justice, commet une infraction pénale.
En cas de condamnation, cette personne est passible d’une amende n’excédant pas Rs 50 000 ou d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à cinq ans.
Toujours selon Me Yuvir Bandhu, les conséquences sont claires : la personne concernée peut être arrêtée par la police et faire face à de nouvelles inculpations. Toutefois, elle peut, selon les circonstances, être de nouveau remise en liberté sous caution ou maintenue en détention.
Qu’en est-il des cautions déjà fournies et de l’engagement de dette ?
D’après l’article 10 de la Bail Act, si la personne ne respecte pas les conditions de sa remise en liberté, la caution fournie est confisquée. Le montant peut alors être recouvré comme s’il s’agissait d’une amende imposée légalement par le tribunal.
Ce que prévoit l’Article 141(2) de la Financial Crimes Commission Act
Selon Me Yuvir Bandhu, l’article 141(2) de la FCC Act stipule qu’une personne commet une infraction si elle :
- interfère avec un témoin potentiel dans le cadre d’une enquête ou de poursuites en vertu de la FCC Act ou de la loi sur la déclaration des avoirs ;
- détruit ou tente de détruire des preuves pertinentes à une enquête ou à des poursuites en vertu de la FCC Act ;
- refuse de remettre des documents en sa possession susceptibles d’aider à une enquête ou à des poursuites ;
- emploie des tactiques dilatoires ou fait obstruction à une enquête menée sous la FCC Act ou la loi sur la déclaration de patrimoine ;
- ne se conforme pas à une ordonnance d’un juge ou d’un tribunal rendue en vertu de la FCC Act.
Les sanctions prévues
La loi stipule que toute personne reconnue coupable de telles infractions encourt une amende comprise entre Rs 100 000 et Rs 500 000, ainsi qu’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans.
Me Axel Ritchy Bucktowar : « Mon client est présumé innocent jusqu’à présent »
Interrogé à sa sortie du tribunal de Port-Louis, Me Axel Ritchy Bucktowar, avocat du SP Ashik Jagai, a souligné qu’à ce stade, seules des accusations provisoires sont retenues contre son client. Concernant la gravité des faits reprochés, il a déclaré ne pas pouvoir commenter cet aspect, conformément à la déontologie des avocats. Il a tenu à rappeler le principe de la présomption d’innocence.
« Mo kliyan inn kolabore plennman avek bann anketer. Li bien konfian. Mo kliyan prezime inosan ziska prezan », a-t-il déclaré.

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