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Niveau de vie : nette progression en 55 ans, mais attention à la perte du pouvoir d’achat

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Sonny Wong.

En cinq décennies, la vie du Mauricien sur le plan matériel s’est considérablement améliorée. Cependant, depuis la pandémie et la guerre en Ukraine, le pouvoir d’achat du consommateur a pris un sérieux coup. Pour inverser la situation, la croissance est essentielle. 

« Il n’y a aucun doute qu’en termes matériel, le Mauricien moyen a vu sa vie être considérablement améliorée. Il n’y a qu’à voir le nombre de propriétaires de maisons et de voitures. Tous les critères de revenus et de richesse sont là pour nous démontrer que sur le plan matériel, il y a eu une progression considérable », indique l’économiste Georges Chung. 

Eric Ng, économiste, abonde dans le même sens. Il fait ressortir que le produit intérieur brut par tête d’habitant est passé autour de 200 dollars pendant les années d’Indépendance à 11 000 dollars actuellement. 

Plusieurs facteurs ont permis cette amélioration du niveau de vie : le développement du pays à travers la création de nouveaux piliers économiques ou encore l’éducation gratuite, donnant ainsi la chance à tous de progresser au sein de la société.

Baisse du pouvoir d’achat 

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Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs.

Néanmoins, depuis la pandémie et la guerre en Ukraine, le Mauricien souffre d’une perte de pouvoir d’achat. Ce n’est pas Sonny Wong, Chief Operating Officer d’Innodis, qui dira le contraire. Le pouvoir d’achat des consommateurs a connu en général une baisse importante, comparé à la période prépandémie. 

« Même aujourd’hui, les prix des produits alimentaires et non alimentaires continuent d’augmenter. Cela, pour diverses raisons, principalement suite à la dépréciation de notre monnaie locale vis-à-vis des devises étrangères principales ainsi que la hausse des prix venant des fournisseurs internationaux pour des raisons liées aux problèmes internes de leurs pays tels que le prix de l’énergie et une demande grandissante pour certaines catégories de produits », fait ressortir Sonny Wong. 

Dans le contexte actuel, souligne d’ailleurs Eric Ng, la hausse des prix est en train d’augmenter plus vite que les revenus. Ce qui pousse le COO d’Innodis à dire que l’inflation restera sans doute une des préoccupations les plus importantes pour cette année 2023. « Il y a aussi la confiance des consommateurs. Nous avons constaté une baisse de ce ´feel good factor’ depuis le début de cette année », ajoute Sonny Wong. 

Niveau de vie vs qualité de vie 

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Eric Ng, économiste.

Pour l’économiste Pramode Jaddoo, cette contradiction entre le niveau de vie et la qualité de vie est flagrante. « De nos jours, les gens touchent des salaires plus élevés, mais les dépenses ont fortement augmenté », souligne-t-il. Il donne son propre exemple. Dans les années 80, il a pu acheter un terrain à Rs 75 000 et y faire la construction pour Rs 140 000. Aujourd’hui, un de ses proches a acheté un terrain à Rs 2 millions et a dû débourser Rs 2 millions additionnelles pour construire une maison. 

« De même, bon nombre de Mauriciens n’ont pas suffisamment d’argent pour épargner. On note aussi que la classe moyenne est en train de s’appauvrir », indique Pramode Jaddoo. Il faut dire aussi, ajoute le sociologue Suren Nowbuth, que depuis l’émergence des centres commerciaux, les Mauriciens ont adopté une culture de consommation encouragée par les publicités. « C’est aussi un fait que les Mauriciens préfèrent dépenser plutôt que d’épargner, car cet argent n’aura pas la même valeur dans cinq/six ans avec la hausse de l’inflation », indique Suren Nowbuth. 

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Georges Chung.

Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs, y va aussi de son commentaire. « Le pouvoir d’achat dégringole d’année en année. On n’a qu’à voir le nombre de poches de pauvreté, la hausse du niveau d’endettement des ménages ou encore la baisse du niveau de l’épargne. À travers le monde, il y a une érosion du pouvoir d’achat. Maurice ne fait pas exception », fait-il comprendre. Il est aussi important de constater que pour certaines catégories de produits de base, les prix commencent à baisser sur le marché mondial, ajoute Sonny Wong. « Mais, c’est encore trop tôt pour voir l’effet sur nos rayons, car cela dépendra largement de la tenue de notre monnaie locale face aux devises étrangères », fait-il ressortir.

Le travail et la motivation

Comment donc améliorer le niveau de vie du Mauricien ? Pour les observateurs, il n’y a pas trente-six solutions. Pour contrer la hausse des prix, il faut qu’il y ait la croissance économique, avance Eric Ng. Il faut que la création de la richesse soit plus élevée que le taux d’inflation, résume, pour sa part, Georges Chung. 

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Pramode Jaddoo.

« Il faut qu’on ait une population qui « bosse », qui a de l’ambition pour améliorer son sort et son niveau de vie et aspirer à devenir plus confortable dans son quotidien. Sans le travail et la motivation, nous sommes condamnés à rester dans une société qui ne progresse pas », affirme Georges Chung. 

C’est pourquoi il recommande que, dans le moyen terme, soit d’ici deux à quatre ans, on trouve de nouveaux piliers économiques et de nouvelles activités afin de concurrencer d’autres pays qui, tout comme nous, aspirent à se développer davantage.

Quant à Sonny Wong, il estime qu’il est important de relancer l’investissement et la consommation dans le pays afin de maintenir une croissance soutenue pour cette année 2023. 

IL A DIT 

Suren Nowbuth, sociologue : 

« Avant l’Indépendance, les salaires étaient très bas et une bonne partie allait dans l’achat de produits de base. Dans les années 70, avec le fort taux de chômage, la vie du Mauricien était difficile. Mais elle s’est améliorée avec le boom économique, lui permettant ainsi d’augmenter son ‘disposable income’. Toutefois, la situation s’est dégradée dans les années 79-80, avec une inflation très élevée. Puis, il y a eu le miracle économique dans les années 82-83, augmentant considérablement le niveau de vie du Mauricien. 
Cela a aussi apporté un changement structurel dans la société. La famille élargie a laissé la place aux familles de deux générations (parents-enfants). Les Mauriciens sont devenus plus individualistes et le rôle communautaire a peu à peu disparu. De même, dans les années 2000, face à l’érosion du pouvoir d’achat, le mari et la femme étaient tous deux à travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Tout récemment, la pandémie et la guerre en Ukraine ont affecté notre économie. Nous faisons aussi parallèlement face au problème du vieillissement de la population et de la disponibilité de la main-d’œuvre. »  

 

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