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Nando Bodha : «Quand la situation devient incontrôlable, on utilise la répression»

Nando Bodha, ancien ministre des Infrastructures publiques et coleader du parti ‘Linion Moris’, déplore avec force la hausse du montant des contraventions. Il estime que la sécurité routière est « une urgence permanente » et qu’il est « normal » que les conducteurs réagissent à la suite de l’implémentation de ces mesures. 

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Les chiffres montrent une hausse continue des accidents de la route. Quelle est votre analyse de la situation actuelle de la sécurité routière à Maurice ?

Ce qui se passe sur nos routes aujourd’hui est très grave. Malheureusement, personne au gouvernement ne réagit. Je me demande où sont la National Road Safety Commission et le National Road Safety Council que j’avais mis sur pied quand j’étais ministre. Nous avions fait de la sécurité routière une priorité nationale, et la commission était sous la responsabilité du Premier ministre sir Anerood Jugnauth. Aujourd’hui, tout le monde se lave les mains.

La récente augmentation d’une trentaine de ‘fixed penalties’ a suscité de vives réactions. Comment justifiez-vous ces nouvelles mesures ?

Il est normal que les gens réagissent. Au lieu de privilégier l’éducation, les autorités utilisent la répression en augmentant les pénalités de 11 à une trentaine et, plus grave encore, elles augmentent les amendes.

Pour de nombreux conducteurs, cette augmentation est « disproportionnée :. Partagez-vous cette opinion ?

Bien sûr, c’est disproportionné. Où sont les campagnes sur la sécurité routière ? À mon époque, nous avions organisé une campagne d’un mois sur la sécurité routière avec 52 événements à travers le pays et à Rodrigues. J’ai organisé un atelier de travail avec la participation de Jean Todt, ancien pilote de course et conseiller sur la sécurité routière auprès des Nations Unies, et tous les acteurs concernés par la sécurité routière. Nous avions réuni tout ce beau monde, public et privé, pour réduire le nombre d’accidents sur nos routes. Au ministère, nous avions mis sur pied un comité dédié à la sécurité routière et lancé des campagnes à travers des brochures, à la télé, à la radio et dans la presse écrite et parlée, avec pour résultat une baisse considérable du nombre de décès sur nos routes.

Pensez-vous que l’introduction de ces sanctions répressives est la méthode la plus efficace pour encourager le respect du Code de la route ?

La répression, c’est l’arme des dictateurs. Quand la situation devient incontrôlable, on utilise la répression, un exemple parmi tant d’autres de la véritable nature de ce gouvernement. Où est passée l’éducation routière dans nos écoles, les pistes cyclables que j’avais installées dans certaines écoles ? Tout a disparu. Voilà le résultat aujourd’hui, et je vous garantis que si nous avions continué sur ce bon chemin, nous n’en serions pas là avec ce nombre de morts sur nos routes.

En toute transparence, croyez-vous que les nouveaux montants des contraventions vont réellement inciter les conducteurs à adopter une conduite plus responsable ?

Et vous, y croyez-vous ? Encore une fois, je me demande où sont passés les motards, une cinquantaine, que la police avait mis sur la route pour surveiller nos conducteurs. Rien. Nous étions tellement stricts sur la sécurité routière que nous avions dû retirer une campagne que certaines personnes trouvaient trop sensible.

Avec des amendes passant de Rs 500 à Rs 1 000 pour l’absence d’un certificat de ‘fitness’, et de Rs 1 000 à Rs 25 000 pour des plaques d’immatriculation non conformes, estimez-vous que ces montants soient justes et proportionnés ?

Cela équivaut à de l’argent facile. Alors que nos routes et conducteurs sont laissés à eux-mêmes, c’est encore une fois la répression qui entre en jeu. Et la police, quel est son rôle dans l’éducation à la sécurité routière ? Il faut qu’il y ait une proportionnalité. Il faut faire un travail rationnel qui donnera confiance aux conducteurs. Il faut aussi regarder ce qui se passe dans les autres pays.

L’amende pour participation à des rallyes illégaux peut atteindre jusqu’à Rs 100 000 pour une 3e infraction. Pensez-vous que ce montant est dissuasif et justifié ?

Encore une fois, tout le monde sait où sont tenus ces rallyes illégaux, sauf la police. Je constate une présence inadéquate de nos policiers sur nos routes, surtout le soir.

La question des amendes pour excès de vitesse est également au cœur des débats. Quelle est votre position à ce sujet ?

Les moto-écoles devraient être gratuites. S’il y a quelque chose qu’on devrait offrir aux jeunes, ce sont les moto-écoles payées par l’État. C’est le Premier ministre qui devrait être le garant de la sécurité routière dans le pays.

Seriez-vous favorable à une harmonisation des limites de vitesse pour une meilleure cohérence sur les routes ?

Le problème serait résolu par le National Traffic Control System, visant à synchroniser les feux de signalisation sur l’ensemble du pays pour améliorer la fluidité du trafic et la circulation.

Les infrastructures routières jouent-elles un rôle dans l’augmentation des accidents ? Si oui, quelles améliorations seraient nécessaires ?

Les ‘dark spots’ doivent être identifiés. À Batimarais et Rivière-des-Anguilles, les routes sont étroites. Il faut éclairer certaines routes et créer un observatoire de la sécurité routière afin de permettre un monitoring constant. Maurice a tout pour bien faire.

Comment évaluez-vous l’efficacité des campagnes de prévention routière menées jusqu’à présent à Maurice ?

De quelle campagne parlez-vous ? Ces quelques rares campagnes inefficaces que nous voyons sur les Billboards. J’avais un plan pour installer une centaine de Billboards afin de conscientiser les gens et aujourd’hui, on en voit une douzaine qui appartiennent à la Traffic Management and Road Safety Unit (TMRSU).

Selon vous, quelles stratégies de sensibilisation devraient être mises en place pour éduquer durablement les conducteurs et améliorer la sécurité routière ?

L’éducation, l’éducation et l’éducation. Il faut sensibiliser tout le monde, non seulement les conducteurs ou les piétons, mais tout le monde : les parents, les élèves, les motocyclistes, les piétons et les jeunes. Et cela se fera avec des campagnes tout au long de l’année pour que les gens comprennent que la sécurité routière est une priorité nationale et que la participation de toute la population est vitale pour que nos routes deviennent plus sûres et que le nombre d’accidents soit réduit au strict minimum.

Parlons politique. Pouvez-vous nous parler du congrès national qu’organise ‘Linion Moris’ et de ses objectifs principaux ?

L’objectif est que ‘Linion Moris’ soit présent dans les 20 circonscriptions et les ‘polling stations’. En même temps, il s’agit de motiver nos gens afin qu’ils soient actifs sur le terrain. Le terrain est très propice. Il faudra être présents sur le terrain. La population a besoin d’être écoutée. Elle veut un changement radical et il faut qu’on puisse amener cette révolution démocratique à travers les élections. Par contre, une rencontre, qui réunira les délégués, est prévue au centre municipal de Belle-Rose, ce dimanche 23 juin, à partir de 9 h 30.

Pouvez-vous nous éclairer sur les discussions actuelles avec le leader du PMSD, Xavier-Luc Duval, concernant une éventuelle alliance ?

J’ai un bon rapport avec XLD. On le fait aussi avec les autres formations. Des gens de chez moi ont rencontré Georges Ah-Yan, Madun Dulloo et Patrick Belcourt. Le changement fondamental dont le pays a besoin est patriotique. Beaucoup de gens pensent que ce sera un combat de l’argent. C’est vrai. Mais je fais un appel à l’intelligence et au patriotisme des Mauriciens. Le PMSD a ses priorités, son calendrier et ses stratégies.

Nous sommes un pays d’alliances. Qui dit alliance, dit cassure. Souvent, il n’y a pas de programme commun. La seule alliance qui a tenu était de 2000 à 2005

En cas de formation d’une alliance, quelles seraient les principales stratégies communes de ‘Linion Moris’ et du PMSD pour les prochaines élections ?

Nous voulons rassembler tous les patriotes qui souhaitent que Maurice ait un nouveau cycle de développement. Nous sommes ouverts à tous les patriotes qui veulent se joindre à nous. Il faut qu’on ait un programme. Un programme est vital. Ce qui est intéressant, c’est que le programme sera comme un pacte avec la population. Tout doit être fait dans le respect et le partage. Partage de tickets et avenir commun.

Les moto-écoles devraient être gratuites. S’il y a quelque chose qu’on devrait offrir aux jeunes, ce sont les moto-écoles payées par l’État

Comment évaluez-vous la situation politique dans le pays, et quel rôle ‘Linion Moris’ aspire-t-il à jouer dans ce contexte ?

C’est par rapport à mon combat. On peut aimer un parti politique, mais il faut aimer son pays plus que tout. Depuis février 2021, soit plus de trois ans, on voit la détérioration concernant la fraude, la corruption et la bonne gouvernance. Il y a un calme. Mais sous ce calme, il y a quelque chose qui est en train de bouillir. Une fois la machinerie électorale enclenchée, il y aura une vague. La population cherche quelque chose de nouveau. C’est notre devoir de présenter une nouvelle force.

Comment réagissez-vous aux critiques selon lesquelles les alliances politiques à Maurice sont souvent basées sur un calcul électoral plutôt que sur des idéologies ou programmes communs ?

Nous sommes un pays d’alliances. Qui dit alliance, dit cassure. Souvent, il n’y a pas de programme commun.La seule alliance qui a tenu était de 2000 à 2005. Je dis qu’il faut redonner confiance à la population. Il faut réinventer les conditions d’une alliance. C’est pour cela que je dis qu’une alliance doit se faire dans le respect et le partage. Avec une bataille à trois, et ‘Linion Moris’ comme la nouvelle force, je veux donner à la population un autre choix d’équipe et de programme. J’ai dit que si on aime l’argent, on ne devrait pas être Premier ministre.

 

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