Chaque année à Maurice, environ 19 % des bébés naissent avant terme. À l’échelle mondiale, un bébé sur dix naît prématurément. Depuis 2009, la Journée mondiale de la prématurité est observée chaque 17 novembre afin de recueillir des fonds pour améliorer la prévention, entre autres. C’est une épreuve difficile pour les parents tenaillés entre l’espoir d’un miracle et l’angoisse de perdre leur enfant. Témoignages.
Neha Khamajeet-Seedeen : «Il ne pesait que 970 g à sa naissance»
Le 26 novembre dernier, le petit Yuvaansh Maanveer a eu 9 mois. Il est « comme un bébé normal », dit sa mère, Neha Khamajeet-Seedeen, 28 ans, dont c’est le premier enfant. Et pourtant, les premiers mois de sa vie, c’est à l’hôpital qu’il les a passés. Il est né prématurément alors qu’elle en était à sa 29e semaine de grossesse. Il ne pesait que 970 g.
« Le jour où j’ai pu ramener mon fils à la maison, j’étais vraiment émue. J’aurais pu le perdre… » confie l’enseignante de français, domiciliée à Brisée-Verdière. Cet accouchement prématuré, dit-elle, a été provoqué à cause d’un problème de tension.
Elle donne naissance à son fils le 26 février mais ce n’est que trois jours après qu’elle pourra le voir à la Neonatal Intensive Care Unit (NICU). « Quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai beaucoup pleuré. Il était tellement petit et avait la santé fragile. » Les médecins et le personnel soignant lui ont été d’un grand soutien, affirme la jeune mère.
Si elle est autorisée à rentrer, son fils, lui, doit rester à la NICU. « Je devais pomper mon lait maternel pour le lui emmener à l’hôpital le matin et l’après-midi. Il en avait besoin. Avec la Covid-19, on devait prendre beaucoup de précautions. Des fois, je ne pouvais même pas voir mon fils », raconte Neha Khamajeet-Seedeen.
Deux mois après, le petit est transféré à la nurserie. La jeune mère y est également admise pour pouvoir s’occuper de lui. Sur place, on lui montre comment prendre soin d’un enfant prématuré. « J’avais vraiment peur. Quand il a eu sa décharge, il pesait 1,9 kg… »
Aujourd’hui, se réjouit-elle, c’est un grand gaillard. « Je lui accorde beaucoup d’attention. » Avec la pandémie, elle travaille en ligne avec ses élèves. Elle peut néanmoins compter sur le soutien indéfectible de sa mère et de son époux Yogesh, un policier. Après autant d’épreuves, elle est confiante et sereine quant au développement de son fils.
Purnima Ramdany : «Yohaan a beaucoup lutté»
Il s’appelle Yohaan et est la prunelle des yeux de ses parents. Cet enfant, Purnima et Kapil Ramdany l’ont ardemment désiré. Mais tout a failli basculer.
C’est après neuf ans de mariage que Purnima Ramdany a pu devenir mère. « J’ai fait quatre fausses couches avant que je ne tombe enceinte de mon fils. Afin de maximiser mes chances d’être maman, j’ai suivi des traitements à l’hôpital et aussi dans le privé », raconte cette ancienne employée d’usine.
Elle connaîtra toutefois une grossesse difficile. Le 5 octobre, elle apprend, lors de son rendez-vous à l’hôpital, qu’elle souffre de tension forte. « J’ai dû être admise. Le 21 octobre, alors que j’en étais à ma 28e semaine de grossesse, on a dû faire une césarienne d’urgence. »
Son bébé de 785 g sera immédiatement transféré à la NICU. « C’est après quatre jours que j’ai pu voir Yohaan. » Purnima Ramdany révèle que cela a été très dur. D’autant qu’elle n’avait pas de lait et que son nouveau-né en avait besoin. « J’ai dû chercher du lait maternel pour sauver mon enfant. Je remercie une voisine qui venait aussi d’accoucher et qui me donnait deux biberons de lait chaque jour, que j’allais déposer à l’hôpital. »
Le 31 décembre 2020, le couple est autorisé à ramener son enfant à la maison. « On a pris beaucoup de précautions. C’était un grand moment pour nous de pouvoir enfin rentrer à la maison avec notre fils. C’était notre cadeau de fin d’année. »
Elle se réjouit que depuis, Yohaan se porte à merveille, bien qu’en mai dernier il ait dû être opéré d’une hernie. « Il va bien et jouit d’une bonne santé. C’est un battant. Il est notre bébé miracle que Dieu nous a envoyé. Il a beaucoup souffert et a beaucoup lutté », dit Purnima Ramdany avec émotion.
Malika Moideen : «Ses chances de survie étaient minimes»
À 25 ans, Malika Moideen savoure les joies de la maternité auprès de sa fillette, Shahzayat Alzira. Ce dimanche 5 décembre, la petite soufflera sa deuxième bougie. Encore une victoire pour celle qui, dès sa naissance, a dû lutter pour sa survie.
Malika Moideen, qui travaille comme make-up artist, a accouché à 26 semaines de grossesse. « Vu que j’ai perdu mon premier bébé, j’avais mis toutes les chances de mon côté avec le soutien et l’aide de mon époux Shahad. »
Pourtant, un jour, en rentrant du travail, elle commence à ressentir des douleurs anormales. Lorsqu’elle se rend chez le gynécologue, elle apprend que son col est ouvert de deux centimètres. « Les médecins ont tout essayé mais le lendemain les douleurs sont reparties de plus belle. Le col continuait de s’ouvrir. J’ai accouché par voie basse de ma fille qui pesait 900 g. » C’était le 5 décembre 2019.
La petite est immédiatement transférée à la NICU. Une heure après, elle voit enfin son enfant. « On m’a dit que son état était critique et que tout pouvait arriver. » Si elle garde espoir jusqu’au bout, Malika Moideen dit être passée par de véritables montagnes russes émotionnelles. « Son ventre commençait à gonfler et les médecins disaient qu’il faudrait l’opérer mais qu’il y avait un risque qu’elle succombe sur la table d’opération… » La jeune femme et son époux Shahad ne donnent pas leur accord à l’opération.
Petit à petit, Shahzayat Alzira prend des forces. « Elle a commencé à boire, de 1-2 ml à 12 ml. C’était rassurant. Elle n’avait plus besoin de support pour respirer. Après deux mois passés à la NICU, elle a été transférée à la nurserie. »
Le 11 mars 2020, la jeune femme et son époux sont autorisés à ramener leur enfant à la maison. Mais ils ont eu une belle frayeur avant. « Juste au moment où on allait avoir l’autorisation de partir, on a décelé des bulles d’air dans sa tête. Je craignais le pire… » Un scan démontra toutefois que tout va bien.
Malika Moideen avoue qu’elle avait peur qu’au fil des mois sa fille développe des soucis de santé. Cela n’a heureusement pas été le cas. « Elle grandit chaque jour qui passe. On voit la différence de sa naissance à ce jour. Des fois je peine à croire que c’est la même enfant. Elle est pleine de vie. »
Dr Mansoor Takun, responsable du département de pédiatrie à l’hôpital Bruno Cheong et consultant : «Le taux de prématurité varie entre 7 % et 20 %»
Combien d’enfants naissent prématurément annuellement ?
Il y a environ 12 000 accouchements par an. Le taux d’accouchements prématurés varie entre 7 % et 20 %. Rien qu’à l’hôpital Bruno Cheong, le taux est de 10 %. Au niveau national, le chiffre est d’environ 19 % chaque année. À travers le monde, il y a quelque 15 millions de prémas annuellement, soit 1 bébé prématuré sur 10 naissances.
Quelles sont les causes d’un accouchement avant terme ?
Il y a des causes directes, comme les grossesses multiples / gémellaires. Les infections urinaires ou encore le HIV sont aussi montrés du doigt. Il y a également des causes indirectes, notamment l’hypertension artérielle et le diabète.
Il ne faut pas oublier les facteurs de risque, par exemple l’âge, précoce pour celles qui ont moins de 18 ans et avancée pour celles âgées de plus de 40 ans. Une mauvaise alimentation, l’obésité sont aussi à citer. Sans oublier le mode de vie avec le tabagisme, l’alcool et le travail physique intense qui favorisent un accouchement précoce.
Quels sont les effets de la prématurité sur l’enfant ?
Il y a des effets immédiats : détresse respiratoire liée à l’immaturité des poumons, les infections néonatales, la jaunisse et les saignements cérébraux. Il y a aussi des effets tardifs. De nombreux prémas qui réussissent à survivre sont confrontés à un handicap à vie, à savoir des troubles d’apprentissage, des problèmes visuels et auditifs. Il y a aussi des troubles cognitifs et psychomoteurs à long terme et un risque accru de maladies non-transmissibles.
Qu’est-ce qui est fait pour sensibiliser sur la prématurité ?
La semaine dernière, on a célébré le World Prematurity Day à l’hôpital Bruno Cheong. On veut médiatiser ce sujet pour une prise de conscience chez le public. Nous tentons de mettre en place une association des mères d’enfants nés prématurément et aspirons à être un forum d’entraide pour les autres mères dans le besoin. Ce projet est en cours.
Quel est votre constat sur la prise en charge des prématurés à Maurice ?
Si je regarde derrière moi, je peux dire fièrement que nous avons fait un pas de géant dans la prise en charge des prématurés à Maurice. Les chiffres sont parlants. À titre d’exemple, cinq unités de réanimation néonatale sont opérationnelles dans le secteur public. Aujourd’hui un bébé prématuré né à Flacq n’a pas besoin de se déplacer jusqu’à Port-Louis pour être pris en charge, ce sera exactement la même prestation de service ici ou là-bas.
Il y a aussi les compétences ; nous avons de plus en plus de médecins qui se « spécialisent » dans cette discipline et c’est un vrai plus. Cependant, le challenge est énorme et nous avons encore beaucoup de choses à accomplir.
S’inspire-t-on de ce qui est fait à l’étranger ?
En 2018, les pédiatres ont collaboré pour créer un protocole national de nutrition des prématurés. C’est une bonne pratique pour deux raisons. Ce protocole s’inspire des recommandations internationales, donc en phase avec ce qui se fait un peu partout dans le monde, mais en étant pragmatique, car il faut prendre en considération la réalité de tout un chacun.
Maurice participe à une étude panafricaine
Le pays a pris part à une étude panafricaine sur l’état de la prématurité actuellement. Les résultats de cette enquête sont attendus en 2022. C’est une première pour Maurice. L’objectif est de proposer un « benchmark » pour les pays d’Afrique dans un premier temps. Aussi, de chercher des pistes rapides d’amélioration de la qualité de la prise en charge des prématurés pour les activer dans les plus brefs délais. Une feuille de route devra être élaborée pour les pistes d’améliorations nécessitant plus de temps et de moyens.
Qui sont les bébés prématurés ?
Normalement, il faut 40 semaines à un fœtus pour grandir et se développer dans l’utérus avant de naître. Il s’agit alors d’un enfant né à terme. Selon l’Organisation mondiale de la santé, un bébé est considéré comme prématuré s’il est né avant d’achever 37 semaines de gestation. Bien que les « prémas », nom parfois donné aux bébés prématurés, puissent être en parfaite santé à la naissance et se développer normalement sur le plan physique et psychologique, la majorité aura besoin d’une forme de soins de soutien médicaux particuliers à la naissance. D’autres souffriront de troubles continus qui auront des conséquences sur leur développement.
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