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Mouvements citoyens, apolitiques : quels combats ? 

Mouvements citoyens

Avengers, Linion Sitwayin, Groupe Reflexion Emmanuel Anquetil (GREA)... Dans le social ces derniers temps, il y a une ébullition avec la naissance de plusieurs mouvements qui affirment être sur les fronts pour les citoyens. La grande question qu’on se pose : ces mouvements dureront-ils dans le temps ? Car dans le passé, il y a eu la naissance de mouvements qui n’ont pas fait long feu. Des militants de la première heure font le point sur le combats menés par ces groupes. 

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Pourquoi cette effervescence de mouvements ?

Amédée Darga : « C’est un cycle »

amedeeAmédée Darga souligne que la dernière fois qu’un nouveau mouvement a vu le jour c’était vers la fin des années 60. « C’est un cycle. Plus de 60 ans après, l’ordre établi et le système de gouvernance se sont détériorés. C’est tout à fait normal, bon et salutaire qu’il y ait un sursaut de la société civile et de l’élite pour effectivement créer de potentielles alternatives », pense-t-il.


Jack Bizlall : « Un phénomène mondial »

jackQuant à Jack Bizlall, il affirme que la naissance de mouvements citoyens et autres est un phénomène mondial depuis la pandémie de Covid-19, prouvant qu’il y a une série d’inquiétudes. « Quand on n’a pas les réponses qu’il faut venant de ceux à la tête du pays, on a une double réaction. Ce sont des actions de certains opportunistes, mais aussi des actions de ceux qui veulent vraiment défendre les autres. Ces doubles réactions produisent des organisations opportunistes et éphémères. En réalité, il ne s’agit pas de nouvelles têtes. Trois quarts de ces personnes ont donné des coups de main aux différents régimes ces derniers 40 ans », constate-t-il.


Ram Seegobin : « Leur émergence est une banalité » 

ramRam Seegobin constate que ces mouvements sont souvent « sans gouvernail ». « De nos jours, il suffit de trouver 15 à 20 personnes, faire quelques photos et les publier sur les réseaux sociaux et on a un mouvement qui est né. Quel est le programme ? Sur quelle plateforme le mouvement mène ses combats ? On ne sait pas. Pour moi, l’émergence de tous ces mouvements est une banalité », s’indigne notre interlocuteur. 

Ce dernier se dit convaincu que ces mouvements ne feront pas long feu. « Le temps nous a montrés qu’il y a des mouvements qui naissent, mais qui n’ont pas d’avenir. Ils ne vont pas durer s’ils n’ont pas une plateforme, s’ils ne représentent pas la classe de travailleurs et autres », indique-t-il.


Un vide à combler ?

Amédée Darga : « Ces mouvements sont de nature politique »

Est-ce que le syndicalisme est considéré percutant ? Il faut faire la nuance entre le syndicalisme et le mouvement politique. Ce sont deux choses différentes, selon Amédée Darga. Il poursuit que dans la situation actuelle, les syndicats dominants occupent le secteur public et moins le secteur privé qui a développé la capacité de gérer les relations industrielles de façon plus équilibrée. Il fait toutefois ressortir que les problèmes qui existent dans notre société ressortent plus de l’espace politique que syndical. Pour ce qui est des mouvements qui se disent apolitiques, Amédée Darga fait une lecture de la situation. « Quand ils se disent apolitiques, il y a au fait un mauvais usage de langage pour dire qu’ils ne sont pas partisans des partis existants. N’empêche, ces mouvements sont de nature politique », soutient ce dernier. 

Jack Bizlall : « Ils ont des réactions très minimalistes »

Un syndicat ne doit pas être percutant, mais doit défendre les intérêts des travailleurs dans la durée. Tel est l’avis de Jack Bizlall. « Nous sommes en pleine épidémie qui va probablement continuer à nous affecter en 2021/2022. Une situation de force majeure. Ce que je regrette c’est qu’il y a des personnes qui n’ont pas de méthodes d’intelligence. Elles pensent qu’elles peuvent mettre en pratique ce qu’elles pensent. D’où le fait que je dis que ces mouvements seront éphémères avec des réactions très minimalistes », s’inquiète le militant de la première heure. 

Ram Seegobin : « C’est aussi dû à l’inaction de certains syndicats »

Pour Ram Seegobin, il est vrai que ces mouvements « sociaux et citoyens » poussent comme des champignons. Toutefois, il est d’avis que des représentants de la classe des travailleurs ne mènent pas le combat sur une plateforme cohérente, faisant que cela n’a pas de relevance pour le moment. « Il suffit qu’une personne soit mécontente, ait des revendications ou une quelconque ambition pour mettre sur pied un mouvement. C’est aussi dû à l’inaction de certains syndicats. Force est de constater que les mouvements syndicaux sont divisés. Ils n’ont pas une plateforme commune. Ils auraient dû revendiquer des choses sur des thèmes communs, cela aurait eu plus de sens. À ce jour, chaque syndicat pense qu’à l’intérêt de ses membres et non pas à la classe des travailleurs », se désole-t-il.

Les risques de rivalité…

Amédée Darga : « Converger plutôt que d’être en compétition » 

Amédée Darga concède que c’est normal qu’il y ait une certaine rivalité. « J’espère que les personnes qui constituent ces divers mouvements sont bien intentionnées et non pas guidées par leur égo et intérêts personnels. Elles devraient éventuellement converger plutôt qu’être en compétition », conseille l’ancien militant. 

Jack Bizlall : « On fait face à un populiste politique »

Aux dires de Jack Bizlall, il y a toujours eu des rivalités. « On fait face à un populiste politique », dit-il tout en précisant que cela ne se passe pas qu’à Maurice. Il explique que la situation est encore plus grave en France avec l’extrême droite qui dit n’importe quoi. Jack Bizlall estime que la catastrophe est en France. Alors qu’aux États-Unis, il y a une décantation et que le pays est cassé en deux blocs. Il met l’accent sur la situation dramatique en Angleterre qui garde la pratique de politique parlementariste, laissant les débats se faire au parlement et les Anglais ne descendent dans les rues que lorsqu’il y a quelque chose de grave.  

« Maurice s’inspire beaucoup sur ce qui se passe dans quatre pays : l’Inde, la France, l’Angleterre et les États-Unis. Il y a un effet pervers sur nous. On copie sans le réaliser. Certains disent qu’ils sont de la gauche sans savoir ce que c’est, d’autres se disent de la droite sans connaître le danger et d’autres affirment être ni de la gauche ni de la droite. Selon mon analyse, c’est la classe moyenne qui s’est accaparée du pouvoir. On voit cela à travers les différentes organisations, mais elles vont éclater », prévoit-il. 

La possibilité qu’il y ait une rivalité entre les nouveaux mouvements est réelle. Surtout qu’ils n’ont pas de programme et de plateforme cohérente. « On ne sait pas sur quelle base, ils peuvent exister si ce n’est la rivalité pour des raisons électorales ou autres. Aussi longtemps que ces mouvements n’auront pas un programme cohérent, ce sera ainsi. À ce jour, ils sont que des ramassis d’individus et ne savent pas où ils vont », lance Ram Seegobin.

Vers la naissance de nouveaux partis politiques ?

Pour Amédée Darga, il ne faut pas oublier que le précurseur du MMM s’appelait le Club des Étudiants Militants. « C’est de là qu’a été créé le MMM. On doit laisser la marmite bouillir et on verra ce qui va sortir de là », est-il d’avis. 

Pour Ram Seegobin, plusieurs de ces mouvements se disent « apolitiques », mais ne cachent pas leur envie de participer aux prochaines élections municipales ou qui ont une liste de personnes en charge de différents secteurs. « Ces mouvements apolitiques n’iront pas bien loin », estime ce dernier. 

 

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