Interview

Me Doordarshini Busgeet: «La Police and Criminal Evidence Act doit être introduite»

Me Doordarshini Busgeet

L’avocate est catégorique. Il faut que les arrestations ne soient basées que sur des preuves concrètes. Pour Me Doordarshini Busgeet, la Police and Criminal Evidence Act (PACE) doit être introduite à Maurice. Elle sera un garde-fou contre des abus. Car, généralement, on ne peut pas se protéger d’une allégation.

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Sur une ou des allégations, quelqu’un peut être arrêté et faire l’objet de poursuites au pénal. Votre opinion ?
La question des allégations a toujours existé dans notre système démocratique. Il convient de noter qu’il y a beaucoup de cas où les allégations sont authentiques et justifient une arrestation et des poursuites au pénal. Cependant, le risque quequelqu’un fasse l’objet de fausses allégations est toujours possible. C’est la raison pour laquelle la police doit agir avec diligence.

Comment la police peut-elle déterminer si une plainte est bien fondée ou pas ?
Quand un individu fait une allégation contre quelqu’un, la police doit mener une enquête assidue. Le travail de la police consiste à vérifier la version des faits du déclarant, si l’allégation est crédible et la version du suspect, surtout si celui-ci invoque un alibi. L’enquête doit être faite en toute confidentialité.

Et si la plainte n’est fondée que sur des allégations…
Cela dépend si l’infraction présumée justifie une arrestation. Si l’allégation ne constitue pas une infraction passible d’une arrestation, la personne incriminée n’aura qu’à donner sa version des faits. Cependant, s’il y a un procès, cette personne doit assurer sa présence au tribunal. Mais, si l’allégation est une infraction passible d’une arrestation, il y aura une accusation provisoire retenue contre la personne visée, qui aura à comparaître alors devant un tribunal pour être inculpée sous une accusation provisoire. La police peut alors objecter à sa remise en liberté conditionnelle en invoquant une éventuelle fuite, une possible interférence avec les témoins ou sa sécurité, entre autres.

Une interdiction de voyager pourra également peser contre elle sur demande de la police. Dans ce cas, il appartient au magistrat de décider si cette personne doit retrouver la liberté provisoire ou pas. La Cour établira alors des conditions attachées à la remise en liberté conditionnelle. Si le prévenu doit voyager, il doit faire une demande devant le tribunal concerné pour obtenir une autorisation de quitter le pays. Son passeport sera restreint et il devra respecter les conditions qui y seront attachées.

Si le prévenu est un fonctionnaire, il pourrait être suspendu en attendant une décision du tribunal ou l’avis du Directeur des poursuites publiques (DPP). Aussi, cette personne pourrait aussi faire face à un comité disciplinaire au travail. Il y a également le risque qu’elle soit mise à la porte.

«Si le prévenu doit voyager, il doit faire une demande devant le tribunal concerné pour obtenir une autorisation de quitter le pays.»

Qu’en est-il de celui qui fait ces allégations ?
La déposition du déclarant doit être consignée. Au cours de l’enquête, il doit identifier le suspect. Une fois qu’une accusation formelle est logée, le suspect fera face à un procès au pénal. Le déclarant sera alors assigné comme témoin de la poursuite.

Comment peut-on se protéger d’une allégation ?
Généralement, on ne peut se protéger d’une allégation. Mais si un individu a menacé de faire une fausse déclaration contre quelqu’un, ce dernier doit se rendre au poste de police le plus proche de son domicile pour consigner une « precautionary measure ». Ainsi, il pourra en faire usage s’il se retrouve à faire face à un procès au pénal afin de démontrer qu’il y a eu mauvaise foi de la part du déclarant.

N’est-il pas temps de remédier à cette situation ?
Oui, il est grand temps. Car, souvent une arrestation est basée sur une allégation mène à une accusation provisoire. Le concept de l’accusation provisoire n’est pas entériné dans nos lois. C’est plutôt une pratique qui date de plusieurs décennies. Il est temps d’amender la loi afin que les arrestations soient basées sur des preuves concrètes et non pas uniquement sur des soupçons raisonnables.

La Police and Criminal Evidence Act (Pace) doit être introduite à Maurice. Cette législation énonce clairement les pouvoirs de la police d’arrêter et de procéder à une fouille corporelle sur quelqu’un. Aussi, cette loi met l’accent sur les pouvoirs d’arrestation de la police, définit ses limites en ce qui concerne les conditions, la durée de détention et surtout le nombre d’heures qu’un suspect, qui n’a pas encore été inculpé, peut être détenu. La Pace agira comme une garde-fou contre des abus.

Nous pouvons également introduire le système français avec un juge d’instruction. Il y a donc un magistrat chargé de mener une enquête et il y aura une audience avant le début d’un procès au pénal. Ainsi, des témoins sont entendus et des preuves majeures rassemblées. Si le juge d’instruction n’est pas convaincu qu’il existe des preuves suffisantes pour justifier un procès au pénal, la personne peut alors être exonérée de tout blâme.

Une victime de fausses accusations peut-elle obtenir réparation en justice ?
Si au cours de l’enquête, la police découvre que l’allégation est fausse, elle peut ouvrir une enquête et poursuivre le déclarant au pénal pour « false and malicious denunciations ». La personne visée peut aussi faire une déclaration pour diffamation criminelle (Criminal defamation) contre le déclarant. Si elle est blanchie en Cour ou si l’accusation est rayée sur avis du DPP, la victime peut loger une action au civil en diffamation pour réclamer des dommages au déclarant pour préjudices subis.

 

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