
Les autorités s’intéressent de près au rôle discret, mais stratégique des Transaction Advisors dans les opérations de la Mauritius Investment Corporation.
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Depuis sa création en 2020 en réponse à la crise économique liée à la pandémie de covid-19, la Mauritius Investment Corporation (MIC), filiale de la Banque de Maurice, au 30 septembre, a décaissé Rs 56,83 milliards à 60 entités.
Les limiers de la Financial Crime Commission (FCC) cherchent à savoir si le recours à des Transaction Advisors, comme Verde Frontier Solutions Ltd, fait l’objet d’un « pattern » précis. Selon certaines sources, cette procédure aurait potentiellement permis de détourner des fonds de la MIC.
Derrière des acquisitions ou des injections de capital, des conseillers en transactions (Transaction Advisors) sont intervenus. Officiellement, pour structurer les opérations, en assurer la conformité réglementaire et optimiser les intérêts de la Banque de Maurice, unique actionnaire de la MIC. Ces professionnels, souvent issus de cabinets spécialisés en finance, en droit ou en ingénierie économique, jouent un rôle central, bien que rarement mis en lumière. Or, est-ce que dans le cas de la MIC, ceux-ci ont toujours été des professionnels du domaine ou des intermédiaires permettant d’obtenir facilement des millions de roupies en termes de rémunération pour reverser ailleurs ?
En règle générale, la mission des conseillers en transaction consiste à évaluer les risques, à estimer la valeur d’un actif ou d’une entreprise et à concevoir le montage financier. Ils rédigent les documents stratégiques à l’attention du conseil d’administration et accompagnent les négociations.
« Le Transaction Advisor est un garant de la transparence et de la robustesse des décisions financières », souligne un ancien cadre du secteur bancaire. Ce rôle prend tout son sens dans le contexte de la MIC, qui gère des fonds publics, alimentés indirectement par les réserves de la Banque de Maurice.
Un ancien membre du conseil d’administration de la MIC affirme que des Transaction Advisors sont entrés en jeu dans des dossiers de l’organisme. « Mais au niveau du board, nous n’en discutions pas, car la décision d’embaucher une firme pour aider à mener à bien la transaction n’était pas de notre ressort. Ça se faisait d’un commun accord entre la MIC et la firme concernée par la transaction. »
Des commissions de 1 à 3 %
Depuis 2020, la MIC a procédé à de nombreuses injections de capitaux, notamment dans Airport Holdings Ltd (AHL) à hauteur de Rs 25 milliards, New Mauritius Hotels, Lux Island Resorts, ou encore dans le groupe Medine. Ces décisions, régulièrement critiquées pour leur opacité ou leur manque de communication publique, ont pourtant toutes requis l’intervention de Transaction Advisors pour en assurer la faisabilité.
Les Transaction Advisors sont généralement rémunérés selon un système hybride : des honoraires fixes (retainers), versés dès le début de la mission et des commissions de succès (success fees), à la clôture effective de la transaction. Ces commissions sont souvent indexées sur la taille de l’opération.
Dans le cas d’une transaction de plusieurs centaines de millions de roupies, la commission peut atteindre 1 à 3 % de la valeur totale. Cette rémunération vise à motiver les conseillers à mener l’opération à bien, tout en limitant les risques pour le client en cas d’échec. Mais, dans le cas de la MIC, ce sont des commissions de l’ordre de 5 %, voire plus. Des vérifications seront donc aussi faites pour voir si des pourcentages anormalement élevés ont été pratiqués.
Si le recours à ces experts est courant et nécessaire dans le monde de la finance, certains observateurs s’interrogent sur le manque de transparence entourant leurs mandats dans les opérations publiques.
Mieux comprendre
Créée en pleine crise post-Covid pour sauver les entreprises stratégiques, la Mauritius Investment Corporation (MIC) devait être un levier économique puissant. Mais moins d’un an après le paiement controversé pour le rachat de l’hôtel Ambre, les soupçons de malversation s’intensifient. La FCC remonte le fil d’une transaction opaque et d’un possible détournement de 300 millions de roupies. Voici les étapes clés de ce que certains qualifient déjà de scandale d’État.
Michaël Francois
- Post-Covid : Le gouvernement mauricien crée un fonds spécial pour relancer l’économie.
- Nom : Mauritius Investment Corporation (MIC), entité sous la Banque de Maurice.
- Montant initial : 1 milliard de roupies.
- Renforcement du fonds : Le capital passe à 2 milliards de dollars américains, injectés par la Banque centrale.
- Objectif : Soutenir les grandes entreprises affectées par la pandémie.
- Conseil d’administration : Dirigé par Jitendra Bissessur, entouré de plusieurs membres.
- Premières interventions : Financements attribués à des entreprises choisies par le conseil.
- Premiers soupçons : Deux affaires attirent l’attention :
o Menlo Park
o Rachat de l’hôtel Ambre
- Affaire Ambre :
o 2022 : Accord pour racheter 70 % de l’hôtel Ambre pour 2,1 milliards de roupies.
o 2024 : Paiement effectué en euros — soit 48 millions d’euros (2,4 milliards de roupies).
- Écarts de valeur : Pourquoi cette hausse de 300 millions de roupies ?
- Pourquoi un paiement en euros, en pleine pénurie de devises ?
- Justifications : Plusieurs évaluations produites pour légitimer la différence.
- Enquête en cours par la Financial Crimes Commission (FCC) pour retrouver la trace de l’argent (money trail).
- Derniers développements :
o Arrestation de Renganaden Padayachy, ancien ministre des Finances.
o Son conseiller interrogé : une conversation-clé aurait eu lieu devant lui.
- Enjeux : Des soupçons de surfacturation ou de commission déguisée.
- Question centrale : Qui a profité de l’argent public ?

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