
Maurice et le Royaume-Uni ont signé, jeudi, un traité historique scellant officiellement la souveraineté mauricienne sur l’archipel des Chagos. Ce nouveau texte marque une avancée décisive par rapport à l’accord du 3 octobre 2024, en donnant un cadre juridique clair à la rétrocession du territoire, tout en maintenant les arrangements stratégiques autour de la base militaire de Diego Garcia.
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Le jeudi 22 mai 2025, le gouvernement mauricien a franchi un tournant historique. Un traité officiel a été signé avec le Royaume-Uni concernant la rétrocession de l’archipel des Chagos, un territoire disputé depuis des décennies. Ce nouvel accord, signé le 22 mai 2025, remplace une proposition d’accord datant du 3 octobre 2024 et marque une étape cruciale dans la résolution de ce différend territorial et la décolonisation de Maurice.
L’archipel des Chagos est séparé de Maurice en 1965 par le Royaume-Uni, trois ans avant l’indépendance. Cette démarche vise alors à créer le British Indian Ocean Territory (BIOT), permettant notamment l’installation d’une base militaire américaine sur Diego Garcia. Cette décision s’accompagne toutefois de l’expulsion forcée des Chagossiens, marquant le début d’un profond traumatisme collectif.
En 2019, la Cour internationale de justice (CIJ) émet un avis consultatif sans équivoque : le Royaume-Uni a l’obligation de mettre fin à son administration de l’archipel dans les plus brefs délais. L’Assemblée générale des Nations unies soutient cette position.
Un peu plus d’un mois avant les élections générales du 10 novembre 2024, Pravind Jugnauth, alors Premier ministre, et sir Keir Starmer, Premier ministre britannique, signent un « accord politique historique » sur l’exercice de la souveraineté sur l’archipel des Chagos. Cet accord est censé être suivi par « la finalisation d’un traité et des instruments juridiques complémentaires, que les deux parties se sont engagées à achever dans les plus brefs délais ».
Un document a même été préparé pour détailler les points de cet accord. Ce dernier détaille donc les discussions et l’intention du Royaume-Uni de parvenir à un traité avec Maurice. Il fait état d’une déclaration du Secrétaire aux Affaires étrangères en octobre 2024, indiquant l’intention du gouvernement britannique de procéder à la signature d’un traité après les élections mauriciennes de novembre 2024, en vue d'une ratification en 2025.
Ce document met en lumière l’engagement du Royaume-Uni à soumettre le traité à l’examen parlementaire. L’accord proposé à l’époque vise à reconnaître la souveraineté mauricienne sur l’archipel, tout en garantissant la continuation de l’opération de la base militaire américaine sur Diego Garcia.
Pour la première fois, il formalise la reconnaissance par le Royaume-Uni de la souveraineté de Maurice sur l’ensemble de l’archipel des Chagos, y compris Diego Garcia.
Principales différences entre les deux documents
1. Nature du document
Le document d’octobre 2024, rendu public dans le sillage de l’accord « politique », était un rapport d’information et un compte-rendu des intentions du Royaume-Uni concernant un futur traité. L’accord du 22 mai 2025 est un traité bilatéral formel et juridiquement contraignant, marquant la concrétisation de ces intentions. Il doit cependant encore être avalisé par le Parlement britannique.
2. Statut juridique de la souveraineté
Si le document d’octobre 2024 laissait entrevoir une reconnaissance de la souveraineté mauricienne comme un objectif, l’accord du 22 mai 2025 établit toutefois explicitement et sans équivoque la souveraineté de la République de Maurice sur l’archipel des Chagos, y compris Diego Garcia (NdlR : voir la première page de l’accord du 22 mai 2025 : « AGREEMENT BETWEEN THE GOVERNMENT OF THE REPUBLIC OF MAURITIUS AND THE GOVERNMENT OF THE UNITED KINGDOM OF GREAT BRITAIN AND NORTHERN IRELAND CONCERNING THE CHAGOS ARCHIPELAGO INCLUDING DIEGO GARCIA »).
3. Souveraineté
L’accord de 2024 stipulait ceci : « Pour une période initiale de 99 ans, le Royaume-Uni sera autorisé à exercer, en ce qui concerne Diego Garcia, les droits souverains et les pouvoirs de Maurice nécessaires afin d’assurer le fonctionnement continu de la base. » Pour Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, c’était un point majeur de désaccord. Ils estiment que ce n’est pas au Royaume-Uni d’exercer les droits souverains de Maurice concernant Diego Garcia. « Kouma dir lokater vinn proprieter », a affirmé le Premier ministre lors de sa conférence de presse vendredi. L’accord de jeudi stipule ceci : « En tant qu’État souverain, Maurice autorise le Royaume-Uni à exercer les droits et pouvoirs de Maurice en ce qui concerne Diego Garcia, conformément aux termes du présent accord. »
4. Détail des arrangements futurs
L’accord de mai 2025 va au-delà de la simple reconnaissance en établissant les bases pour la gestion future de l’archipel. Il comprend des annexes détaillées (par exemple, l’Annexe 4 sur le règlement des différends, l’Annexe 5 et 6 sur des cartes illustratives de l’archipel et de Diego Garcia ; NdlR). Ce qui était absent du document de discussion initial. L’accord formalise des mécanismes de coopération, y compris la gestion de la base militaire sur Diego Garcia, qui restera opérationnelle sous un accord de longue durée avec les États-Unis.
5. Implications pour les Chagossiens
L’accord de mai 2025 met en exergue un engagement plus ferme envers le bien-être des Chagossiens, reconnaissant explicitement les « tortures du passé » et s’engageant à soutenir leur bien-être (NdlR : voir la première page de l'accord du 22 mai 2025 : « Conscious that past treatment of Chagossians has left a deeply regrettable legacy, and committed to supporting the welfare of all Chagossians; »). Bien que le document d’octobre 2024 ait indirectement abordé cette question en discutant des négociations, l’accord formel intègre cette reconnaissance dans son préambule.
6. Calendrier de ratification
Le document d’octobre 2024 mentionnait que le Royaume-Uni « a l’intention de poursuivre la ratification en 2025 en soumettant le traité et un projet de loi à cette Chambre pour examen ». L’accord du 22 mai 2025 est la réalisation de cette intention, la signature étant l’étape préliminaire à la ratification formelle par les deux parlements.
7. Front Loading
Un aspect important obtenu par le présent gouvernement est le principe du « front loading ». Pour les premières années du deal, Maurice obtiendra davantage d’argent pour le bail sur Diego Garcia.
8. Taux de change
Si selon l’accord d’octobre, les paiements seraient faits en livres sterling, puis convertis en dollars puis en roupies, celui de jeudi prévoit uniquement un paiement en livres sterling convertis en roupies. Le virement sortira de la Banque d’Angleterre pour être directement déposée à la Banque de Maurice.
9. Indexation
Un point mis en avant par Navin Ramgoolam est que l’accord de jeudi impose que les paiements seront indexés à l’inflation. Ce point est encore flou car le « joint statement » d’octobre dernier entre le Royaume-Uni et Maurice indique que le package financier prévoit un « indexed annual payment ». En somme, l’accord du 22 mai 2025 représente la matérialisation d’un engagement politique esquissé en octobre 2024. Il transforme une proposition en un accord formel, détaillé et juridiquement contraignant, résolvant un différend historique et ouvrant la voie à une nouvelle ère de relations entre Maurice et le Royaume-Uni, et la continuation des opérations stratégiques et militaires sur Diego Garcia.

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