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Manifestations dans plusieurs régions du pays : des forces vives montent au créneau

C’est à Camp Levieux que les tensions ont commencé.

Les récents incidents survenus dans plusieurs régions de l’île, notamment à Camp Levieux, Roche-Bois, Cité Mangalkhan et Trou-d’Eau-Douce, entre autres, a mis en exergue le malaise social qui ronge les habitants. 

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Camp Levieux : le quartier revalorisé, mais...

Camp Levieux, où les habitants ont exprimé leur colère face à la cherté de la vie, est connu comme étant un quartier « chaud ». C’est ce qu’indique  Jameel Bhatoo, président du NWAC et le Collectif Forces Vives Camp Levieux Roche-Brunes.  «  Il est déplorable que l’image du quartier ait été ternie suite aux affrontements avec les forces de l’ordre, alors qu’un grand nombre des manifestants ne sont pas issus d’ici », confie-t-il. 

Ce quartier est composé de beaucoup de personnes qui cumulent de petits boulots pour faire bouillir la marmite. Jameel Bhatoo concède que des fléaux, dont la drogue et la prostitution, ont gagné en ampleur. « Toutefois, il y a une nouvelle équipe policière qui a su sensibiliser les habitants. Les forces vives ont aussi joué un grand rôle. On a redoré le blason de Camp Levieux, mais les incidents de la semaine dernière sont venus salir encore une fois notre réputation », s’indigne le travailleur social. 

Pour lui, la région est « safe », même si le problème de drogue n’a pas entièrement été endigué. « Il faut continuer à sensibiliser les habitants, car il fait de plus en plus bon vivre dans le quartier avec un mélange de cultures et de classes sociales. Nous vivons en harmonie comme une famille où chacun s’entraide », souligne-t-il.

S’agissant des autres doléances des habitants, il indique que la fourniture d’eau demeure un problème majeur. « Quand je suis sur le terrain, c’est la même réclamation qui revient à chaque fois. Il y a aussi l’état des infrastructures, dont la NHDC de Camp Levieux, qui nécessitent une rénovation urgente », indique notre interlocuteur. Afin de trouver des solutions, il préconise une table ronde avec tous les acteurs concernés et précise que « nous prônons la paix, le dialogue et le débat. Notre but n’est pas de tirer à boulets rouges sur les autorités ». 

Barkly : la précarité prédomine 

Anne Marie Parsand est travailleuse sociale depuis 20 ans. Elle est aussi secrétaire du Comité de Bien-être de Stanley, Camp Levieux et Trèfles, des régions qu’elle connait comme sa poche. Pour elle, la priorité des habitants est de manger à leur faim. « Nombreux sont les habitants de ces quartiers qui font des métiers saisonniers. Parfois, ils décrochent un travail et d’autres fois, non. Leur principal souci est de trouver à manger pour leur famille, sauf que les récentes augmentations ont empiré leur situation », se désole-t-elle.

Elle ne cache pas le fait qu’une grande majorité de personnes sont « financièrement instables », mais doivent malgré tout payer leurs loyers et s’acquitter des factures utilitaires. « Certains habitants ne savent pas où donner de la tête avec la situation précaire qui a débuté avec la pandémie de Covid-19 », fait remarquer Anne Marie Parsand. Elle prévient que cette précarité risque d’engendrer des fléaux. C’est pourquoi elle estime qu’il est primordial de protéger les enfants à travers des centres récréatifs où ils peuvent se divertir. «Ces enfants ont une vie sédentaire. Certes, il y a des activités qui leur sont destinées, mais elles sont payantes, en d’autres mots, hors de prix. Il faut des infrastructures pour qu’ils s’intéressent aux sports et à la musique au lieu de rester sans rien faire », dit-elle.

Trou-d’Eau-Douce : un village où tout n’est pas doux

Moïse Dardenne, qui dirige l’Association des Plaisanciers de Trou-d’Eau-Douce, est également ancien président du conseil de village. Il avance  que « tout n’est pas rose » dans la région, même s’il fait bon y vivre. « On ne peut pas vraiment se plaindre. La situation n’est pas aussi difficile que certaines personnes ont essayé de démontrer. D’ailleurs, on ne sait même pas si elles font partie du village », explique-t-il. « Certes », reconnaît-il, « on a eu des difficultés avec la Covid-19 et le naufrage du Wakashio, mais on a reçu de l’aide des autorités et on a pu sortir la tête de l’eau. On arrive à travailler. Si quelqu’un dit le contraire, c’est qu’il ne veut pas travailler », déclare-t-il.

Il concède, néanmoins, que le fléau de la drogue est bel et bien présent à Trou-D’Eau-Douce, comme dans plusieurs autres régions de l’île. Un problème qui touche particulièrement les jeunes. « La police enquête pour savoir qui est le cerveau, car il y a vraiment trop de toxicomanes.  », fait-il remarquer. 

Roche-Bois : une Région surpeuplée

C’est un quartier qui est surpeuplé. Tel est l’avis du père Philippe Fanchette qui connaît cet endroit au bout des doigts. Le malaise qui sévit dans cette localité est palpable, estime-t-il. 

« Les jeunes mariés construisent sur le toit de la maison de leurs parents, n’ayant pas les moyens de s’acheter un terrain, d’où le surpeuplement. De plus, il y a la drogue dure et synthétique qui ajoute à l’insécurité. À Roche-Bois, il faut être constamment sur ses gardes. On doit tout cadenasser et ce n’est plus comme avant, sans oublier le chômage », nous confie le prêtre. Mais, tient-il à préciser, il y a des habitants qui ont réussi à s’en sortir.

En revanche, un travailleur social, un vieux de la vieille, n’y va pas de main morte. Il pointe du doigt les secteurs privés et publics. « Les jeunes du quartier ne sont pas recrutés sous prétexte qu’ils habitent Roche-Bois. Au départ, ils sont stigmatisés ! Depuis une trentaine d’années, je me bats pour ce quartier où j’ai vu le jour et je dis haut et fort aux politiciens que ce quartier est une poudrière. Il y a des habitants qui veulent faire des efforts, mais pour qu’ils réussissent, il ne faut pas leur mettre des bâtons dans les roues. Ouvrez les yeux et tendez l’oreille avant qu’il ne soit trop tard », prévient-il. 

Les opinions de ce travailleur social sont partagées par Lindsay Morvan qui se bat bec et ongles depuis des années pour les habitants de Roche-Bois. 

« J’ai eu le courage de dénoncer les trafiquants de drogue, mais il y a trop de jockeys. Ce sont des adolescents qui sont au chômage et facilement manipulables, ce qui met les habitants de la localité en colère. Ces jeunes ne réalisent pas qu’ils jouent avec leur avenir », se désole-t-il. 

De son côté, Didier Moutou, travailleur social, est d’avis qu’il « faut changer l’étiquette collée à Roche-Bois. Ce quartier a fait des progrès, mais il reste encore des choses à faire. D’ailleurs, je constate que la performance académique s’est améliorée dans plusieurs familles qui ont à cœur l’éducation de leurs enfants. Malheureusement, le chômage frappe durement cet endroit, la stigmatisation tue et les adolescents sont vulnérables, manipulables et manquent de repères. Il leur faut un encadrement, mais les ONG ne disposent pas des financements nécessaires pour organiser des activités pour les jeunes du quartier ».

Bois-Marchand : Prise en charge des enfants

Edley Maurer, de l’ONG Saphire, qui s’occupe des enfants des rues, connaît bien les zones défavorisées. « L’ONG Saphire s’occupe principalement des enfants des rues, mais aussi des familles dans le besoin. Je considère que Bois-Marchand est une zone oubliée. On dirait que ce quartier n’existe ni pour les autorités ni les politiciens. C’est une zone exclue située dans le village de Terre-Rouge et ce n’est pas normal », confie cet homme qui se donne corps et âme en faveur des plus démunis. « On travaille beaucoup avec les enfants des rues qui ont faim et au fil des années, on a constaté que l’origine de leurs problèmes vient de leurs familles. Les parents de ces enfants sont soit pauvres, soit séparés. Ensuite, il  y a le trafic illicite de drogues qui touche surtout les jeunes, sans oublier les  squatters qui se sont installés dans la région qui, du coup, est surpeuplée. Cette situation pousse les habitants vers la précarité et la région est devenue invivable. Toutefois, notre ONG ne baisse pas les bras et on se bat chaque jour », confie-t-il.

Cité Mangalkan : la précarité palpable

Brigitte Michel, également travailleuse sociale, est très attachée à la Cité Mangalkhan où la précarité est palpable au quotidien. « Les habitants de ce quartier de Curepipe n’arrivent plus à manger à leur faim à cause de la cherté de la vie. Tout a augmenté. Ils  ont oublié le goût du riz Basmati et se tournent vers le riz ration. Avec le salaire minimum actuel, il est impossible de vivre. En fait, ils survivent. Même les familles qui perçoivent Rs 25 000 mensuellement n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Cette pauvreté extrême touche tous les quartiers. Malgré tout, les habitants font des efforts, mais ils ont ras-le-bol. Moi j’entends le cri du peuple, mais pas le gouvernement », déplore-t-elle.

 

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