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Lutte antitabac : Maurice éteint des cigarettes

Maurice est devenu le tout premier pays africain à mettre en place intégralement l’ensemble des mesures de lutte antitabac préconisées par l’OMS. Celles-ci sont porteuses de multiples avantages pour le pays, dont une diminution des dépenses liées aux maladies non transmissibles.

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Rs 19,3 milliards. Montant des dépenses gouvernementales dans le traitement des maladies non transmissibles (MNT). Entre 2017 et 2019, le budget qui y a été alloué a connu une augmentation de Rs 2,13 milliards, ce qui correspond à un taux de croissance de 12,4 %, selon la dernière enquête réalisée sur le sujet. Afin d’inverser cette tendance, plusieurs mesures ont été entreprises, dont la lutte contre le fléau du tabagisme, à l’origine de nombreuses MNT et de leurs complications.

Grâce à cette multitude d’initiatives, Maurice est devenu un pionnier en Afrique en mettant en œuvre l’ensemble des mesures MPOWER de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) : la surveillance (Monitoring), la protection (Protecting), l’assistance pour l’arrêt du tabac (Offering), les avertissements (Warning), l’application des réglementations (Enforcing) et l’augmentation des taxes (Raising). Ce progrès est susceptible de générer d’importants avantages pour le pays, affirment le Dr Sudhir Kowlessur, directeur de la Promotion de la santé et de la recherche, ainsi que le Dr Krishna Beedassy, point focal pour les Services de cessation du tabagisme au ministère de la Santé. Ces avantages incluent notamment une réduction des cas de MNT et des décès liés au tabagisme.

Impact concret

Selon le Dr Kowlessur, les campagnes de lutte antitabac et de sensibilisation ont eu un impact indiscutable sur la prévalence du tabagisme à Maurice. En s’appuyant sur les données les plus récentes, il souligne que la prévalence du tabagisme est en baisse, passant de 19,3 % en 2015 à 18,1 % en 2021. Cette prévalence, ajustée en fonction de l’âge et du genre, atteignait 35,3 % chez les hommes et 3,7 % chez les femmes.

Dans cet élan, un Plan d’action national de lutte contre le tabagisme pour la période 2022-26 a été élaboré avec l’assistance technique de l’OMS. Son objectif principal est de « mettre en œuvre des mesures de lutte antitabac pour renforcer l’application de la loi, promouvoir le sevrage tabagique et développer des mesures strictes pour réduire le tabagisme », précise le Dr Kowlessur.

Un sous-comité dédié à la sensibilisation dans le cadre du plan national de lutte contre le tabagisme a été établi, ajoute-t-il. Les objectifs de ce comité sont clairs : combattre le tabagisme en rompant les chaînes de la dépendance et en modifiant la perception du tabac, le passant d’une simple habitude à une menace sérieuse pour la santé.

Diverses stratégies ont ainsi été adoptées. Le dialogue au sein des comités locaux est encouragé en élisant des champions et des représentants locaux pour diffuser des messages anti-tabac. Parallèlement, les campagnes de sensibilisation sont renforcées pour dissuader la consommation de tabac à Maurice. De plus, des conseils sont prodigués aux fumeurs concernant leur exposition à la fumée de tabac ambiante.

Conformément aux recommandations de l’enquête de 2021 sur les MNT, le ministère de la Santé a collaboré avec d’autres acteurs pour organiser des campagnes de promotion de la santé dans les centres commerciaux et conseils municipaux à travers l’île. Des conférences sur les méfaits du tabagisme ont été organisées pour sensibiliser la population aux dangers du tabac. Le programme a débuté en octobre 2022 et a déjà couvert huit sites, se réjouit le Dr Kowlessur.

Réduire le fardeau des MNT renforcera la résilience du pays, assure-t-il. « Nos ressources les plus précieuses sont nos ressources humaines. Nous devons tout mettre en œuvre pour garantir une population en bonne santé. Une nation en meilleure santé sera plus productive. » 

Il insiste sur la nécessité de mener une lutte multi-fronts, un effort global qui, à long terme, réduira les dépenses liées aux MNT et permettra d’investir davantage dans des projets bénéfiques pour l’ensemble de la population. En effet, la sensibilisation au tabagisme n’est qu’un maillon d’une chaîne plus large d’initiatives visant à assurer un avenir plus sain et prospère à Maurice.

Impact sur la santé et les dépenses publiques

Taux de mortalité en baisse 

La tendance à la baisse du taux de mortalité imputable aux maladies respiratoires témoigne des succès obtenus grâce aux mesures de lutte antitabac. Le Dr Sudhir Kowlessur souligne que le pourcentage de décès liés à ces maladies est passé de 12,7 % en 2019 à 11,1 % en 2020, puis à 9,2 % en 2021. Une réduction significative qui reflète l’impact positif des efforts déployés selon lui.

Au cours de la période allant de 2015 à 2021, la mortalité liée au « diabète sucré » a également suivi une courbe descendante, passant de 24,1 % à 20,0 %. De plus, parmi les patients diabétiques, le taux d’amputation a connu une réduction, passant de 90,2 % en 2019 à 89,0 % en 2021. En parallèle, le pourcentage de décès dus aux néoplasmes a également progressivement diminué (13,3 % en 2019, 12,9 % en 2020 et 10,7 % en 2021).

Le lien entre le tabagisme et la tuberculose est indéniable. Les fumeurs sont davantage exposés au risque de contracter la tuberculose, et le tabagisme perturbe la réponse au traitement de cette maladie. Cependant, une lueur d’espoir se profile, avec une diminution observée dans le pourcentage de décès attribuables à la tuberculose : de 0,2 % en 2019 à 0,1 % en 2021, selon les dires du Dr Kowlessur.

Ces résultats positifs démontrent l’efficacité des efforts conjoints contre le tabagisme, en améliorant non seulement la santé respiratoire et globale de la population, mais aussi en diminuant le fardeau des maladies et son impact économique.

Facteur de risque pour les MNT

Face à l’ampleur de l’épidémie tabagique, la nécessité de sensibilisation et d’information devient cruciale. D’autant que le tabagisme reste l’un des principaux déclencheurs de décès prématurés dans le monde, rappelle le Dr Sudhir Kowlessur. Le tabagisme est unanimement reconnu comme un facteur de risque évitable pour la majorité des MNT, dont le cancer du poumon, les affections cardiovasculaires, le diabète, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et l’hypertension artérielle.

Impact financier du traitement des MNT

D’après les conclusions de l’enquête menée, les dépenses liées au traitement des MNT ont été estimées à Rs 19,3 milliards en 2019. Ce fardeau financier se répartissait de la manière suivante :

Cancer  Rs 1,12 milliard
Diabète  Rs 1,19 milliard
Maladies cardiovasculaires  Rs 3,98 milliards
Troubles mentaux, neurologiques  Rs 1,19 milliard
Maladies respiratoires  Rs 1,66 milliard
Maladies digestives  Rs 905,88 millions
Maladies Génito-Urinaires  Rs 2,14 milliards
Troubles de la vision, cataracte  Rs 1,12 milliard
Maladies bucco-dentaires  Rs 1,48 milliard

 

8 millions de décès annuels dans le monde

L’OMS estime à 8 millions le nombre de décès annuels imputables au tabagisme, touchant tant les fumeurs actifs que passifs. D’ailleurs, 1,2 million de décès sont associés au tabagisme passif, précise le Dr Krishna Beedassy.

Asthme

Le tabagisme, de concert avec d’autres particules et polluants inhalés, est souvent un facteur déclencheur majeur de l’asthme et de la BPCO. Selon la plus récente enquête sur les MNT de 2021, la prévalence de l’asthme, ajustée selon l’âge et le sexe, était de 7,5 %, se répartissant en 6,8 % chez les hommes et 8,0 % chez les femmes. Cette prévalence a connu un recul par rapport à celle de 2015, qui s’établissait respectivement à 8,9 %, 8,0 % et 9,7 %.

Hypertension artérielle 

Le tabagisme entraîne une élévation immédiate de la pression artérielle et du rythme cardiaque, et a été associé à l’hypertension artérielle maligne. La prévalence de l’hypertension s’est stabilisée à 27,2 % en 2021, contre 27,3 % en 2015.

Prévalence du diabète

L’impact du tabagisme sur le diabète est considérable. La nicotine altère la réponse des cellules à l’insuline, entraînant une élévation du taux de sucre dans le sang. La consommation de cigarettes augmente le risque de développer un diabète de type 2. Pour les personnes diabétiques, le tabagisme complique davantage la gestion de la maladie et accroît les risques de problèmes de santé tels que les maladies cardiaques.

En 2021, la prévalence du diabète chez les adultes de 25 à 74 ans atteignait 19,9 %, en baisse par rapport aux 22,9 % de 2015. De même, la prévalence du prédiabète (intolérance au glucose et altération de la glycémie à jeun) a chuté à 15,9 % en 2021, contre 19,6 % de 2015. Par ailleurs, la proportion de diabétiques ayant une gestion adéquate de leur maladie a diminué, passant de 35,6 % en 2015 à 31,7 % en 2021.

Outre les MNT, le tabagisme a un impact sur la fertilité, affectant les deux sexes de manière significative, souligne le Dr Krishna Beedassy, Point focal des Services de cessation du tabac. Chez les femmes, l’association entre la pilule contraceptive et le tabac accroît le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC). De plus, les femmes courent un risque accru de développer un cancer du col de l’utérus et du sein. Pendant la grossesse, le tabagisme peut avoir des conséquences sur le fœtus, pouvant entraîner un accouchement prématuré avec un nouveau-né de faible poids (moins de 2,5 kg), voire causer la mort subite du nourrisson, prévient-il.

Sevrage : entre Rs 3 000 et Rs 5 000 par patient

Pour ceux désirant arrêter de fumer, le traitement de sevrage tabagique recommande l’utilisation de ZyBan (Bupropion). Les patchs nicotiniques à différents dosages sont également préconisés en tant que traitement de substitution. Les envies de fumer sont atténuées par l’usage de chewing gum à la nicotine. Un traitement pharmaceutique est généralement précédé d’une thérapie de conseil dispensée par des professionnels de santé formés dans le domaine du sevrage tabagique, explique le Dr Beedassy.

Le coût moyen d’un traitement standard de sevrage tabagique sur 10 semaines varie entre Rs 3 000 et Rs 5 000 par patient. La gratuité des programmes de sevrage tabagique constitue l’un des éléments clés de la stratégie MPOWER de l’OMS. Chaque année, entre 2 000 et 2 200 patients bénéficient des services proposés par les cliniques de cessation du tabac. 

Le pays en avant-garde des mesures MPOWER 

Se hissant en tête du continent africain et occupant la 3e place mondiale, Maurice a réussi à mettre en œuvre avec succès l’ensemble des mesures du concept MPOWER. Le Brésil et la Turquie sont les deux premiers pays à avoir pu le faire. Le concept MPOWER propose un ensemble de six mesures efficaces et durables visant à aider les pays à réduire la demande de tabac. Ces mesures comprennent :

  • Surveillance : Suivre le tabagisme et les politiques de prévention.
  • Protection : Protéger les individus contre la fumée du tabac.
  • Proposition : Fournir de l’aide pour cesser de fumer.
  • Sensibilisation : Mettre en évidence les dangers du tabac.
  • Application : Assurer le respect des interdictions liées à la publicité, à la promotion et au parrainage du tabac.
  • Augmentation : Accroître les taxes sur les produits du tabac.

En six points, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, a exposé les dispositions prises par le pays pour concrétiser la stratégie MPOWER. Il explique que la première, la surveillance, a été mise en œuvre dès 1987. Des enquêtes sur les MNT sont menées tous les cinq ans pour suivre la prévalence de maladies telles que le diabète, l’hypertension, le cancer, les maladies cardiovasculaires et les AVC. Ces enquêtes examinent également les facteurs de risque sous-jacents, dont la consommation de tabac.

« La première enquête menée en 1987 a révélé une prévalence du tabagisme dans la population de 30,7 %. En 2015, ce chiffre était tombé à 19,7 %, et en 2021, il est descendu à 18,3 % », précise le ministre de la Santé.

En 2004, poursuit-il, Maurice a ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (FCTC). Par conséquent, depuis 2009, des restrictions liées au tabac, élaborées en 2008, sont en vigueur. Ces réglementations ont notamment permis l’introduction d’avertissements sanitaires illustrés sur les paquets de cigarettes. D’ailleurs, depuis 2008, huit avertissements sanitaires illustrés sont apposés sur les paquets de cigarettes, faisant de Maurice le premier pays d’Afrique à avoir mis en œuvre cette mesure.

D’autre part, Maurice compte actuellement neuf cliniques de sevrage tabagique réparties à travers le pays, dans les hôpitaux régionaux et les centres de soins primaires. Ces cliniques, mises en place en 2010, proposent des services gratuits pour toucher un plus grand nombre de fumeurs. Elles offrent des services de conseil, de traitement pharmacologique et de soutien psychologique aux adultes et aux mineurs.

La cinquième mesure vise à interdire totalement la publicité, la promotion et le parrainage du tabac. Les Réglementations sur le tabac de 2008 ont déjà prévu ces interdictions, et une surveillance rigoureuse est assurée notamment par la police et le service de l’inspection de la santé publique et de la sécurité alimentaire.

Enfin, la sixième mesure MPOWER consiste à augmenter les taxes sur le tabac. Maurice a augmenté les droits d’accise sur les cigarettes de 43 % entre 2011 et 2018, avec une augmentation annuelle de 10 % depuis, y compris lors des Budgets de 2022-2023 et 2023-2024. Ces augmentations comprennent trois types de taxes : les droits d’importation, les droits d’accise et la taxe sur la valeur ajoutée.

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Impact des mesures sur les fumeurs

Les stratégies mises en œuvre comprennent la révision des dispositions légales du Public Health Act 2021, la restructuration de la taxation sur les produits du tabac et la conduite de vastes campagnes de sensibilisation. Certaines portent déjà leurs fruits. 

Diminution de la consommation moyenne quotidienne de cigarettes

L’enquête internationale sur la lutte antitabac (ITC) menée de 2009 à 2011 a enregistré une diminution de la consommation quotidienne moyenne de cigarettes, illustrant un changement de tendance.

  • En 2009 (1ère vague) : 9,9 cigarettes par jour
  • En 2010 (2ème vague) : 9,6 cigarettes par jour
  • En 2011 (3e vague) : 9,1 cigarettes par jour

À la suite de la première vague, des mesures significatives ont été instaurées pour freiner le tabagisme : des avertissements illustrés, l’interdiction de vente de cigarettes à l’unité, une campagne antitabac et des cliniques de sevrage tabagique.

La Mauritius Revenue Authority (MRA) signale une augmentation graduelle de la consommation de bâtonnets de cigarettes importés entre 2016 et 2020. Cependant, une légère baisse a été observée en 2021, marquant potentiellement un effet des mesures prises pour réduire le tabagisme.

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L’influence indéniable de l’augmentation des prix  

Selon les données publiées par la MRA, l’augmentation du prix des cigarettes a manifestement influencé les habitudes de consommation des Mauriciens, se traduisant par une nette diminution du nombre de cigarettes importées au cours des dernières années, passant de 1,041 milliard en 2019 à 1,006 milliard en 2021. Les cartouches de cigarettes importées ont également suivi cette tendance à la baisse, avec 986 millions en 2015, en comparaison à 1,3 milliard en 2009.

Ces données suggèrent que l’augmentation du prix des cigarettes a exercé une influence dissuasive sur les consommateurs. En 2020, le nombre de cigarettes importées était de 1 068 719 000, mais ce chiffre a chuté à 1 005 765 000 en 2021. La consommation annuelle de cigarettes par habitant a également montré une tendance à la baisse, passant de 844,3 en 2020 à 794,4 en 2021.

Au cours de la dernière décennie, le prix des paquets de 20 cigarettes a augmenté de 52 à 59,5 %. Des marques qui étaient vendues à Rs 155 en 2013 se vendent maintenant à Rs 295, tandis que d’autres ont vu leurs prix passer de Rs 125 à Rs 210 et de Rs 140 à Rs 260.

 

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