
Le Comité contre la torture de l’ONU appelle, dans ses conclusions sur Maurice publiées la semaine dernière, les autorités mauriciennes à renforcer leurs mécanismes de lutte contre les mauvais traitements et à garantir l’indépendance des enquêtes sur les violences policières.
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Le Comité des Nations unies contre la torture (CAT) a exprimé, cette semaine, de vives inquiétudes face aux nombreux cas de torture, de décès en detention et d’abus policiers signalés à Maurice. Dans ses conclusions rendues publiques à l’issue de sa 82e session, le Comité dénonce un système défaillant où les victimes craignent des représailles et où les mécanismes de protection demeurent insuffisants.
Malgré les engagements du gouvernement mauricien à adopter un code de conduite et à renforcer la formation policière, les experts des Nations unies appellent les autorités à aller au-delà des simples engagements formels. Ils réclament que l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) soit dotée de ressources adéquates et de pouvoirs réels pour mener des enquêtes impartiales, rapides et efficaces sur toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements, et pour engager des poursuites contre les auteurs.
Des enquêtes indépendantes
La question des décès en garde à vue a été particulièrement mise en avant. Le Comité s’est dit alarmé par le faible nombre d’affaires ayant donné lieu à des enquêtes ou à des poursuites judiciaires. Il exhorte l’État mauricien à garantir que chaque décès en détention fasse l’objet d’une enquête indépendante, assortie d’examens médicolégaux conformes au Protocole du Minnesota, la reference internationale en la matière.
Enfin, le Comité demande à Maurice de transmettre des données détaillées sur l’ensemble des décès en détention, en précisant les causes, les circonstances et les suites judiciaires. Pour les experts, seule une réponse rigoureuse et transparente permettra de mettre fin au cycle d’impunité et de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions chargées de faire respecter la loi.
Déjà, lors de sa 82e session, tenue les 9 et 10 avril 2025 à Genève, le Comité des Nations unies contre la torture (CAT) avait examiné le cinquième rapport périodique de Maurice relatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. À l’issue de cette session, les experts onusiens ont formulé une série de constats préoccupants et des recommandations adressées au gouvernement mauricien.
La délégation mauricienne était dirigée par Gavin Glover, Attorney General, et les rapporteurs du Comité pour ce pays étaient Naoko Maeda et Bakhtiyar Tuzmukhamedov. Le Comité a souligné plusieurs points critiques, notamment la persistance d’allégations de torture, les décès en détention, les violences et abus policiers, ainsi que l’inefficacité des mécanismes de recours pour les victimes. Le Comité s’était déclaré « profondément préoccupé » par le nombre élevé de signalements de torture et de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre. Il a note que de nombreuses plaintes font état de violences en garde à vue, de pressions exercées sur les plaignants, ainsi que d’ingérences policières dans les enquêtes sur ces abus. Ces pratiques, selon le Comité, nourrissent un climat d’impunité et de peur, dissuadant les victimes de porter plainte.
Si l’État mauricien s’est engagé à adopter un code de conduite et à renforcer la formation des policiers, le Comité a jugé ces promesses insuffisantes. Il a appelé à garantir que l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) dispose des moyens et de l’indépendance nécessaires pour enquêter rapidement et impartialement sur toutes les allégations de torture ou de traitements inhumains, et pour poursuivre les auteurs en justice.
Décès en détention et manque de transparence
Concernant les décès en détention, le Comité a note avec inquiétude que « seuls quelques cas ont donné lieu à des enquêtes ou à des poursuites ». Il a insisté pour que tous les décès en garde à vue soient systématiquement examines de manière indépendante, avec des autopsies conformes au Protocole du Minnesota, qui établit les norms internationales en matière d’enquête sur les morts potentiellement illégales. Le Comité a aussi demandé à l’État de fournir des données détaillées sur les causes des décès en détention et sur l’issue des investigations menées.
Failles structurelles dans le droit et la pratique
Le Comité a exprimé ses réserves quant à l’intégration incomplète de la Convention dans le droit interne mauricien. En particulier, certaines dispositions de la Constitution – telles que l’article 7 – pourraient, selon les experts, laisser la porte ouverte à des pratiques assimilables à la torture. Il a recommandé que l’interdiction absolue de la torture soit pleinement consacrée, sans exception possible, et que toutes les preuves obtenues sous la contrainte soient écartées de manière effective par les juridictions.
Conditions de detention et accès à la justice
Le Comité a également soulevé des préoccupations sur les conditions de détention, évoquant l’insuffisance des soins médicaux, y compris en santé mentale, la promiscuité entre prévenus et condamnés, et les restrictions aux communications extérieures pour les femmes détenues. Les experts ont noté la durée excessive des detentions provisoires et l’absence de contrôle judiciaire systématique dans ces cas. Le coût prohibitif de l’assistance juridique est, par ailleurs, un obstacle majeur à l’accès à la justice pour les personnes en détention.
Le Comité a enfin abordé la situation des groupes vulnérables. Il a dénoncé l’augmentation des cas d’arrestations arbitraires, d’intimidation et de violence visant les défenseurs des droits humains, les journalistes et les avocats. Il s’est également inquiété du traitement réservé aux Chagossiens, toujours affectés par les séquelles de leur déplacement forcé, évoquant des formes de traitement inhumain et dégradant.
S’agissant de la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé, le Comité a exhorté les autorités à redoubler d’efforts en matière de prévention, et à mettre en place des dispositifs de protection et d’accompagnement des victimes. Les conclusions de cette session s’inscrivaient dans le cadre du mécanisme de suivi régulier mis en place par le Comité, qui vise à assurer une application effective de la Convention par les États parties.
Le Comité a demandé à Maurice de lui transmettre des données actualisées et précises sur les mesures prises, notamment en ce qui concerne les enquêtes sur les décès en détention, la réforme des textes législatifs et le fonctionnement de l’IPCC. Maurice, qui a ratifié la Convention en 1992, est ainsi une nouvelle fois invitée à mettre en conformité ses pratiques et son droit avec les standards internationaux. Le Comité rendra compte de la suite donnée à ses recommandations lors de sa prochaine session.

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