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L’investissement à l’heure des élections : entre stratégies publiques et dynamiques privées

Fareed Jaunbocus et Sudesh Lallchand.

Le contexte électoral devrait apporter sa contribution à l’investissement dans le secteur public cette année. Au niveau du privé, il s’agirait davantage d’une question de survie.

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La part des investissements du secteur privé dans la formation brute de capital fixe (FBCF) devrait diminuer à 76,9 % en 2023 contre 80,1 % en 2022.  À l’inverse, celle du secteur public devrait passer de 19,9 % à 23,1 % sur la même période, selon les National Accounts Estimates de décembre 2023 publiés par Statistics Mauritius. À l’approche des élections générales qui devraient se tenir cette année, voire au plus tard en 2025, Sudesh Lallchand est d’avis que le gouvernement va investir pour créer de l’emploi. Ce qui, d’après l’économiste, s’ajouterait aux divers projets d’investissements en cours. « La majeure partie des projets publics ont déjà été définis. Je ne pense pas que le gouvernement fera marche arrière, à moins que les caisses de l’État ne soient à sec. Dans lequel cas, il va déprécier la roupie ou même emprunter de l’argent pour éviter de dire que les caisses sont vides », indique-t-il.

En effet, le programme d’investissement du secteur public (PSIP) 2023/24 - 2025/26 définit un plan pour les projets, programmes et dispositifs du secteur public. Ce document reflète les domaines de développement prioritaires nationaux et identifie les sources de financement potentielles. Sudesh Lallchand ajoute que quitte à emprunter à outrance, les routes seront asphaltées à l’approche des élections. C’est le cas, dit-il, sous chaque gouvernement. 

Cependant, Fareed Jaunbocus, CEO de Strategos Ltd, rappelle que la responsabilité de l’investissement dans une nation est partagée entre les secteurs public et privé. L’investissement public, fait-il comprendre, est utilisé pour faciliter l’aspect infrastructurel et améliorer le climat des affaires. Cet élément est essentiel en vue d’attirer des investissements dans le privé. 

Tenant compte de la concurrence qui émane de la mondialisation et du contexte local, Fareed Jaunbocus estime que l’investissement dans le privé relève de la survie de celui-ci. 

« Le secteur privé qui n’investit pas dans le renouveau et dans l’innovation risque de disparaître », précise-t-il. Contrairement au secteur public, le privé ne disposerait pas d’un budget annuel consacré à l’investissement.  Selon lui, le privé opère en prenant en considération la nature d’un projet. Par ailleurs, alors que l’investissement dans le privé avait été freiné par la pandémie, il devrait de nouveau rebondir cette année. 

Pour sa part, Sudesh Lallchand constate que certaines grosses entreprises ont enregistré des milliards de chiffres d’affaires lors de la dernière année financière. « Elles sont mieux armées pour investir cette année, mais je crains que le secteur privé ne manifeste une moindre propension à l’investissement », poursuit l’économiste.  De son côté, Fareed Jaunbocus soutient que le système de réinvention est dans l’ADN du secteur privé qui se traduit par les différents projets hôteliers ou encore la croissance  du développement foncier.    

investissement à l’heure des élections

Questions à… Sanjay Matadeen, économiste : « 2024 sera une année d’inauguration de différents projets et non d’investissement »

Comment l’investissement dans le secteur public va-t-il évoluer en 2024, qui pourrait être une année électorale ?
Les projets d’investissements du secteur public ont déjà été annoncés. Ils sont souvent mentionnés dans différents Budgets. C’est le cas pour des projets d’infrastructures par exemple qui peuvent figurer dans deux Budgets successifs. Les dépenses du gouvernement grimpent à l’approche des élections. Cette tendance est observée à travers le monde. Cependant, il convient de faire la distinction entre dépenses et investissements. 

Concernant les investissements dans le secteur public, l’engagement a déjà été pris en amont. Les projets majeurs sont généralement annoncés lors des deux premières années du gouvernement. Leur réalisation peut prendre entre deux et trois ans et l’idée est de les concrétiser d’ici l’année électorale. Le pont suspendu Coromandel-Sorèze ou le flyover de Côte-d’Or peuvent être cités comme exemple. 2024 sera une année d’inauguration de différents projets et non d’investissement. 

Il faut également tenir compte de la dette publique qui augmente. Le gouvernement peut-il se permettre de voir le niveau de la dette publique grimper davantage ? Les agences internationales de notation verront cela d’un œil défavorable. Il convient ainsi de réduire les dépenses pour améliorer les chiffres de la dette publique.     

À quoi peut-on s’attendre pour l’investissement dans le privé cette année, où Statistics Mauritius tablait sur une croissance 16,2 % pour 2023 ? 
Le niveau du taux d’intérêt est toujours haut. C’est d’ailleurs une tendance observée sur le plan international. L’inflation est en baisse dans plusieurs pays à l’étranger. La frayeur que les taux d’intérêt prennent de nouveau l’ascenseur est cependant présente. L’hésitation qui pourrait en découler risque d’impacter l’investissement dans le privé. Les entreprises risquent d’adopter un mode attentiste.   

Le bilan financier des entreprises du privé n’aura-t-il pas d’effet sur l’investissement dans le privé cette année ?
La bonne santé financière des entreprises ne se traduit pas automatiquement par une impulsion à l’investissement dans le secteur privé. La profitabilité engendrée par les entreprises n’est pas liée à une croissance de la production ou de la consommation, mais à une hausse des prix. La dépréciation de la roupie a également entraîné des bénéfices artificiels. 

Les prévisions de croissance pour 2024 ont été révisées à la baisse. Le secteur privé suit la situation de près et regarde la réalité. Les profits risquent d’être conservés comme un « retain earnings ». Les craintes d’une récession mondiale planent toujours, avec la dette aux États-Unis en passe de bondir. Le secteur privé à Maurice observe non seulement l’évolution de l’économie locale, mais également la  conjoncture économique mondiale. Il ne devrait pas y avoir de largesses venant du secteur privé lors de l’année électorale.      
 

 

 

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