Un policier qui assiste à une réunion politique, un autre qui conduit sous l’influence de l’alcool, plusieurs autres dont les noms sont cités dans le rapport de la Commission d’enquête sur la drogue, sont autant de situations à déplorer, surtout pour des hommes qui ont prêté serment pour faire respecter l’ordre et la paix. Ces brebis galeuses font fi des Standing Orders qui régissent les fonctions du policier et ternissent l’image de la police. Fait troublant : leur nombre augmente.
Le code de discipline de la police contient 21 points qui régissent le comportement et l’attitude d’un officier de police, soulignant principalement les actes à ne pas commettre. Ainsi, un officier de police commet une infraction au code de discipline de la police s’il est trouvé coupable de :
1. Mauvaise conduite
Il s’agit de conduites qui peuvent, d’une manière ou d’une autre, nuire à la réputation de la force policière. Un exemple serait une vidéo qui avait fait le buzz sur les réseaux sociaux. D’une durée de 1min56s, on y voyait 5 policiers, dont deux torses nus, se déhanchant au son d’une musique dans une salle. En arrière-plan, on pouvait apercevoir des casiers mais aussi un bâton lumineux, le même qu’utilisent les policiers pour gérer la circulation le soir. Le bâton faisant office, semble-t-il, de « boule disco ». Le Commissaire de police, Mario Nobin, avait alors déclaré qu’une enquête était en cours.
2. Insubordination
Cette infraction comprend, entre autres, l’agression verbale ou physique, faire une fausse déclaration ou la conduite tyrannique d’un policier envers un autre policier. Parmi les cas les plus recensés sous ce chapitre, il y a le harcèlement à l’égard des policières. D’ailleurs, de 2013 à mai 2018, 11 cas de harcèlement sexuel ont été recensés envers des policières sur leur lieu de travail. C’est ce qu’avait déclaré le ministre mentor, sir Anerood Jugnauth au Parlement. Dans un cas, l’accusé s’est acquitté d’une amende de Rs 1 000. Dans trois autres cas, des actions disciplinaires ont été prises alors que pour les autres cas, les procédures sont en cours.
3. Désobéissance
Un policier commet une entorse aux règlements s’il refuse d’obéir, sans une bonne raison, à un ordre qui lui a été donné, que ce soit verbalement, en écrit ou autrement.
4. Négligence
Celle-ci peut être volontaire ou involontaire. Dans les deux cas, le policier sera sanctionné pour négligence, laquelle comprend (entre autres) : se prélasser ou dormir pendant les heures de travail, ne pas effectuer sa ronde, quitter son lieu de travail sans justification, permettre à un prisonnier de s’évader, ne pas rapporter des informations importantes, etc.
Il faut souligner le cas récent du suspect Sailesh L’Aiguille, arrêté pour une série de vols dans le nord et dans l’est du pays de même que pour le meurtre d’un boutiquier à Vallée-des-Prêtres. Alors qu’il est en détention policière, le prisonnier avait trouvé le moyen de prendre la fuite en menaçant avec un couteau le policier qui l’escortait aux toilettes. C’est du moins ce qu’avait été rapporté. Quelques mois auparavant, c’est l’escapade d’un détenu qui avait défrayé la chronique. Kusraj Lutchigadoo avait été arrêté pour une affaire de drogue et était détenu au centre de détention de Vacoas. Dans la nuit du 23 avril, Kusraj Lutchigadoo aurait quitté sa cellule, en se faisant remplacer par un inconnu avant de quitter le centre de détention à bord d’un véhicule, pour y retourner une heure plus tard. Trois policiers, qui étaient de service ce jour-là, avaient été arrêtés et suspendus.
5. Mensonge
C’est faire une fausse déclaration en introduisant des éléments erronés, que ce soit volontairement ou par négligence, fausser ou effacer une entrée dans un registre et la destruction d’un document ou d’un registre, sans une raison valable.
6. Abus de Confiance
Un policier peut faire l’objet de sanction s’il divulgue une information qu’il est sensé garder secret, informer directement ou indirectement une personne contre laquelle a été émis un mandat ou une assignation à comparaître, faire une communicationà la presse sans en avoir eu, au préalable, l’autorisation nécessaire, faire signer ou circuler une pétition qui concerne la police ou encore, assister à une réunion non autorisée pour discuter des affaires de la police.
L’on se souvient du cas de Yusuf Heera. Alors qu’il était recherché, le jeune homme, qui avait alors 27 ans, semblait toujours avoir une longueur d’avance sur les policiers, connaissant à l’avance leurs mouvements. Ce qui permettait à Yusuf Heera d’échapper à la police. Ce n’est que lorsqu’il a finalement été interpellé que la police a su qu’il y avait une balance parmi ses rangs. Cette taupe au sein de la police informait constamment le fugitif, sur lequel pesaient plusieurs allégations d’escroquerie, du prochain « move » de la police.
7. Corruption
Plusieurs cas ont, malheureusement, été recensés à cet effet. Il s’agit, dans la majorité des cas, de l’acceptation ou la sollicitation d’un pot-de-vin, quel que soit sa nature. Sont aussi considérées comme des pratiques corrompues : ne pas déclarer une source de revenu, argent ou objet, obtenu en sa capacité officielle, s’exposer à une obligation pécuniaire envers un détenteur de permis obtenu sous la « Liquor Law », se servir de sa position pour l’obtention d’un avantage personnel, l’émission de certificat de caractère ou d’une recommandation, sans l’aval du commissaire de police pour l’obtention d’un emploi ou d’un permis.
En février 2017, un caporal de la police avait été trouvé coupable en cour intermédiaire. Shafi Nunhuck avait été arrêté par des officiers de l’Icac sur une aire de stationnement à Moka. Il venait de récupérer une enveloppe contenant Rs 1 000 d’un chauffeur de camion. La veille, le caporal avait interpellé le chauffeur et lui avait proposé de ne pas le verbaliser contre la somme mentionnée plus haut. Il est aussi connu que certains officiers de police « ferment les yeux » sur l’heure d’ouverture des boutiques et restaurants qui vendent des boissons alcoolisées.
8. Exercer une autorité illégale/inutile
En d’autres mots, un excès de zèle dont feraient preuve occasionnellement certains officiers de police et qui effectuent parfois des arrestations discutables, l’utilisation de violence physique ou verbale à l’égard d’un détenu ou d’un membre du public, etc. L’affaire Gaiqui, par exemple, avait choqué plus d’uns. Une photo de ce détenu, nu, enchainé à une chaise avec des menottes circulait sur internet. David Gaiqui se trouvait, au moment où la photo a été prise, au bureau de la CID de Curepipe.
9. Simulation de maladie
Il s’agit d’un policier qui feint ou qui exagère sur l’importance d’une maladie ou d’une blessure en vue de ne pas travailler. À titre d’exemple, en février dernier, une policière a été reconnue coupable en cour intermédiaire. Elle faisait l’objet de deux accusations: « Forgery of private writing » et « making use of a forged private writing ». Elle avait falsifié le nombre de jours de congé de maladie sur un certificat médical. Au lieu des deux jours octroyés par le médecin, elle avait écrit trois jours sur le document.
10. Absence prolongée et retard au travail
Un policier a enfreint le code de discipline s’il est en retard ou s’il s’absente sans une excuse raisonnable. C’est le cas d’un sergent de police, également enquêteur, qui fait l’objet d’un avis de recherche couplé d’un mandat d’arrêt depuis juillet dernier. Pire encore, ce policier, cumulant une vingtaine d’années d’expérience, se serait volatilisé dans la nature, depuis mars, avec une dizaine de « dossiers compromettants et importants ». Les documents contenaient, entre autres, des dépositions des victimes de viols, des accidents de la route, des trafiquants de drogues, ou encore, des suspects arrêtés dans des cas d’assassinat perpétrés dans les régions de Petite-Rivière, Gros-Cailloux et Richelieu depuis début 2017 à mars 2018.
11. Bonne tenue
Un officier peut être sanctionné s’il n’est pas convenablement habillé, que son uniforme est sale ou s’il/elle égare ses équipements.
12. Équipement endommagé/égaré
Un policier est tenu de prendre soin des équipements, documents, vêtements qui lui sont confiés dans le cadre de ses fonctions.
13. Ivresse
Un officier de police ne peut prendre le service s’il est sous l’effet de boissons alcoolisées. Il ne peut, bien évidemment, être en état d’ébriété lorsqu’il est en fonction tout comme il lui est interdit de consommer des boissons alcoolisées en public lorsqu’il porte l’uniforme, même s’il a déjà terminé son service. L’on se souvient d’une autre vidéo d’un policier en état d’ébriété qui avait elle aussi fait le buzz sur les réseaux sociaux en novembre 2016. Le policier était ivre, à moto et.. armé ! Le policier était en uniforme et n’arrivait pas à se tenir débout. C’est sans conteste sur l’aide des membres du public qu’il est parvenu à descendre de sa motocyclette et conduit vers un espace vert pour se reposer.
14. Boire ou solliciter des boissons alcoolisées
Il est strictement défendu à un policier de boire ou de réceptionner des boissons alcoolisées durant le travail, du moins pas sans le consentement de son supérieur. Il ne peut non plus demander à quelqu’un d’autre d’aller en faire l’acquisition pour lui, pendant le travail et il est tenu de rester loin des boutiques ou des restaurants lorsqu’il est en uniforme, même s’il ne travaille pas.
15. Les restaurants interdits
Tout comme le code de discipline mentionné, un policier en service ne doit pas entrer dans une boutique ou restaurant vendant des boissons alcoolisées sous la « Liquor Law », sauf s’il est appelé à exécuter une tâche.
16. Prêt/emprunt d’argent
Un policier ne doit nullement emprunter ou prêter de l’argent à un autre policier, que ce dernier soit son supérieur ou d’un grade inférieur.
17. Contracter des dettes
Il est interdit à un officier de police de contracter des dettes de nature peu honorable.
18. Quitter son unité sans permission
Un officier de police n’est pas autorisé à quitter sa division/branche ou le poste où il est affecté, durant ses heures de travail, sans l’aval de son supérieur ou d’un autre responsable.
19. Lâcheté
Un policier ne doit pas faire preuve d’acte de lâcheté.
20. Conduite irrégulière
Il s’agit de se conduire d’une manière qui est contraire aux règlements. À cet effet, on observe parfois des policiers en uniforme qui font des « extra duties » devant les banques. Souvent à l’intérieur de l’établissement ils sont assis sans leur casquette ou sont adossés contre le mur. D’autres au Champ de Mars qui mangent des dholl pourris en uniformes et qui font des paris au guichet des bookmakers et d’autres avec des sacs dans leurs mains alors qu’ils sont en uniformes.
21. Fumer en portant l’uniforme
Le code de discipline interdit également à un officier de police en service et en uniforme de griller une cigarette, et encore moins dans les postes de police ou d’autres établissements de police.
Me Neil Pillay : « You get the police that you recruit »
L’avocat Neil Pillay est catégorique. Il y a un manque de culture, de discipline, d’éducation et de professionnalisme. Et les policiers ne seraient pas les seuls à être touchés par ces maux.
Il s’agit, selon l’avocat Neil Pillay, d’un phénomène qui touche notre société. « On ne parle pas uniquement des policiers mais aussi des avocats, des journalistes, parmi tant d’autres », souligne-t-il. La faute, selon lui, est attribuable à notre système éducatif. « Et cela commence à la maison, avec les parents. Mais c’est triste que certains parents n’assument plus leur rôle. L’éducation et les valeurs commencent à la maison. Notre système éducatif, par contre, prône le ‘factory building’ », avance notre interlocuteur.
Pour y remédier, Me Neil Pillay est d’avis qu’il faudrait prendre le taureau par les cornes. « Il faut d’abord une police qui prône la méritocratie, qui ne rime pas forcément avec séniorité. Une police qui ‘means business’ avec à la tête quelqu’un ‘who will come on you like a ton of bricks’. Ensuite, il faut que les nouvelles recrues sont sujettes à des tests psychologiques, psychométriques et d’intégrité, entre autres. Otherwise, you’ll get the police that you recruit », conclut-il.
Jaylall Boojhawon : « Les transferts ne sont pas des remèdes magiques »
Entreprendre une étude scientifique pour identifier et résoudre efficacement les problèmes dans la force policière. C’est ce que recommande l’inspecteur Jaylall Boojhawon. D’emblée, le président de la Police Officers Solidarity Union (POSU) indique que des policiers qui ne respectent pas leur profession existent dans toutes les polices du monde. « Et la force policière mauricienne ne fait pas exception », précise-t-il. L’inspecteur de police déplore cependant le recours à des exercices de transfert comme remèdes magiques.
« Est-ce que les sanctions prises, notamment des transferts vont résoudre le problème ? D’où provient la faille ? Est-ce dans le système ? Est-ce la situation familiale du policier qui en est la cause ? Nous ne saurons jamais, car nous avons cette culture dans la police de transférer les policiers sans chercher à connaître les raisons derrière leur comportement. L’officier est envoyé à la SSU ou ailleurs, ou alors il est posté loin de chez lui. Non seulement l’officier peut ne pas améliorer son comportement, mais il y a aussi le risque qu’il fasse pire par frustration », prévient Jaylall Boojhawon qui recommande que les policiers impliqués soient suivis par un psychologue qui cherchera à savoir ce qui a poussé l’officier à agir de la sorte. « Le psychologue soumettra ensuite son rapport au commissaire de police qui, à son tour, pourra agir en conséquence », dit-il.
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