Législatives 2024

Le vote : un acte citoyen

Chaque voix compte pour l’avenir de notre pays.

Le vote, fruit d’une longue lutte, est un pilier de la démocratie. Les élections à Maurice sont l’occasion pour les citoyens de faire entendre leur voix et d’influencer l’avenir du pays. Malgré les défis, il est essentiel de participer à ce rendez-vous démocratique.

Continuité, changement ou alternative ? Ce dimanche 10 novembre, le peuple mauricien se rend aux urnes. Mais une incertitude persiste : le taux de participation sera-t-il au rendez-vous ? Avec une abstention dépassant les 20 % lors des trois dernières législatives, les alliances n’ont cessé de mobiliser la population, depuis le début de la campagne électorale, pour qu’elle fasse entendre sa voix.

Le droit de vote, souligne le Dr Jonathan Ravat, anthropologue des religions et directeur de l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM), est bien plus qu’un simple droit : c’est un devoir sacré, ancré dans notre histoire et essentiel à notre vivre-ensemble. En rejoignant les nombreux appels de politiciens, syndicats et autres acteurs de la société civile, il souligne que voter est une responsabilité citoyenne qui transcende les clivages politiques. 

C’est un acte de participation à la vie commune et au vivre-ensemble. « Ce vivre-ensemble ne peut se concrétiser sans la participation de chaque individu », affirme l’anthropologue des religions.

L’éducation civique et politique est également, dit-il, un « impératif » à tous les niveaux, au nom de la citoyenneté et de la République. Le droit de vote figure parmi les droits humains, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’un privilège réservé à une élite, fait-il ressortir. C’est un droit fondamental accessible à tous, simplement par le fait d’exercer son droit de vote. Ce droit, ancré dans les droits de l’homme, a fait l’objet de nombreuses luttes et impacte profondément les mécanismes de gouvernance au service de la société et du vivre-ensemble.

« Voter est un devoir moral, car le droit de vote a été acquis à la suite d’une prise de conscience des droits fondamentaux de l’être humain, et parfois au prix des luttes menées par nos ancêtres et ceux qui nous ont précédés, aussi bien pour les femmes que pour les hommes », rappelle-t-il. Jonathan Ravat parle d’un devoir de mémoire envers ceux qui ont donné leur vie, leur temps et leurs idées pour permettre le suffrage universel. 

Yvan Martial, journaliste et ancien rédacteur en chef de l’express, abonde dans le même sens. Pour lui, il est important de voter par respect pour le combat de nos ancêtres. Il explique qu’entre 1885 et 1948, une oligarchie réservée aux riches ou gros capitalistes dominait, ne permettant qu’à 11 000 des 350 000 habitants de participer aux élections. Avec les assouplissements apportés après la Seconde Guerre mondiale, le nombre d’électeurs est passé à 70 000, permettant enfin l’élection de députés d’origine hindoue en 1948, relate Yvan Martial.

Le droit de vote a été acquis par étapes avant de devenir universel, raconte l’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low. La première phase remonte aux années 1850, lorsqu’une participation des habitants aux affaires locales a été introduite pour faire face au despotisme, alors que les décisions étaient prises à Versailles, laissant les résidents de l’île à l’écart.

Voter est un devoir moral, car le droit de vote a été acquis à la suite d’une prise de conscience des droits fondamentaux de l’être humain»

En 1850, lors des élections municipales de Port-Louis, seuls les plus riches pouvaient voter, une situation qui a perduré jusqu’en 1885, limitant l’accès aux élections à une minorité aisée et maintenant la politique entre les mains d’une élite. 

Ce n’est qu’en 1948, avec un compromis, qu’un plus grand nombre de citoyens, capables de lire et écrire dans une des neuf langues officielles du pays, ont pu voter. Le suffrage universel, quant à lui, n’a été instauré qu’en 1959, permettant ainsi un changement de pouvoir, explique Chan Low. « Le droit de vote a été acquis pour assurer une séparation des pouvoirs politique et économique », dit-il.

Yvan Martial se félicite qu’en plus de 20 élections à ce jour, aucune contestation populaire majeure ou violence post-électorale n’ait eu lieu. Selon lui, seules les contestations individuelles de candidats mécontents des résultats des urnes ont été relevées. Parlant du taux de participation aux élections, il estime qu’un taux supérieur à 70 % est acceptable, et qu’un taux de 80 % est excellent, tandis qu’une participation inférieure à 70 % serait discutable.

Le vivre-ensemble ne peut se concrétiser sans la participation de chaque individu»

Le taux de participation ayant été inférieur à 80 % lors des trois dernières élections législatives, il est difficile de prédire s’il sera supérieur ou inférieur cette fois-ci, notamment en raison des scandales, des révélations de « Missie Moustass » ou du « dégoût » de la politique, selon le Dr Jonathan Ravat. Cela présage une situation « inédite » pour les élections de ce 10 novembre. Nous sommes dans un « concours de circonstances » et un tournant qui pourraient entraîner une baisse de l’abstention, avance-t-il. Il y a cette perception que les gens veulent voter, probablement pour un renouveau ou un nouveau cycle, dit-il.

Le gouvernement sortant est au pouvoir depuis 10 ans, tout comme le précédent l’a été, souligne-t-il. Dans le passé, on a aussi observé des cycles d’environ 10 ans. L’ICJM milite pour que la limitation des mandats soit inscrite dans la Constitution. « Si cela n’est pas inscrit dans la Constitution, les faits montrent cependant qu’il existe un cycle naturel d’environ 10 à 13 ans, témoignant d’un désir de renouveau, de programme ou de gouvernement », soutient-il. Pour lui, cela légitime son combat pour l’inscription de cette limite dans la Constitution.

Au-delà de ce désir de « changement » de cycle, les mobilisations peuvent aussi être motivées par diverses raisons qui ne sont pas forcément incompatibles. « Il peut y avoir deux motivations paradoxales comme le devoir de vote pour faire partir un gouvernement ou, au contraire, le maintenir. Les motivations électorales peuvent être très diverses, mais elles peuvent coexister. »

Jonathan Ravat estime également qu’on peut s’attendre à une plus forte participation à la suite des révélations de « Missie Moustass ». « La réalité étant ce qu’elle est, on ne peut ignorer l’influence des technologies et des réseaux virtuels, qui impactent certains segments de la population », explique-t-il. Ce concours de circonstances pourrait ainsi inciter les électeurs à se rendre aux urnes, mais pas nécessairement pour s’opposer au gouvernement sortant. « Il est possible que le taux d’abstention diminue en raison de cette conjoncture », conclut-il.

L’épineuse question de la diaspora

Yvan Martial estime qu’il n’est pas possible de satisfaire tout le monde, et que l’extension du droit de vote à la diaspora doit être soigneusement évaluée. Cependant, selon lui, la diaspora ne devrait pas pouvoir participer directement aux élections de Maurice, mais devrait être représentée par des députés extérieurs qui pourraient porter leurs voix au Parlement. « Il faut agir avec prudence. Une locomotive doit tenir compte de la vitesse maximale du wagon le plus lent », illustre-t-il.

Même son de cloche du côté de Laura Jaymangal, Executive Officer de Transparency International. Bien qu’elle soutienne l’idée de permettre à la diaspora de voter, elle préconise une étude d’impact au préalable, avec une éventuelle modification de la Constitution si la majorité y est favorable. Elle note toutefois que cette mesure pourrait être complexe, étant donné que la diaspora ne contribue pas directement à l’économie du pays. 

Et concernant les membres du Commonwealth qui peuvent voter à Maurice ? Laura Jaymangal estime que la question mérite également d’être réévaluée. De son côté, Yvan Martial critique cette disposition, qualifiant d’« incohérent » le fait que des ressortissants du Commonwealth puissent voter à Maurice. 

« Je comprends l’importance de notre appartenance à une association anglophone, mais cela ne justifie pas que des étrangers aient le droit de vote à Maurice », tranche-t-il. Il souligne qu’en tant que République depuis 1992, Maurice devrait pouvoir résoudre ces questions sans intervention extérieure, regrettant aussi le recours au Privy Council pour certaines affaires.

Faut-il rendre le vote obligatoire ?

Face au taux d’abstention qui tourne autour d’une moyenne de 22 %, faut-il rendre le droit de vote obligatoire ? Pour le Dr Jonathan Ravat, ce serait une mesure bénéfique. Il estime que le vote devrait être une « obligation », comme c’est le cas dans certains pays. « Je suis en faveur d’une obligation de voter », déclare-t-il. Selon lui, la population bénéficie de nombreuses libertés, mais il est essentiel d’apprendre à vivre avec certains devoirs, comme le respect de la loi. « Tout comme le respect du code de la route est un devoir, voter devrait aussi être une obligation », insiste-t-il.

Cependant, Jocelyn Chan Low, historien et observateur politique, est d’avis que la mise en place d’un tel système est difficile : « Cela dépend des citoyens. C’est un choix délibéré de voter ou de ne pas voter. » Selon lui, certains électeurs préfèrent ne pas exercer leur droit de vote si les candidats de leur circonscription ne répondent pas à leurs attentes. « Ils posent ainsi un geste politique en s’abstenant », explique-t-il. Jocelyn Chan Low ajoute que certaines personnes, notamment des jeunes, se désintéressent de la politique, qu’ils considèrent comme un sujet « sordide ». 

Le vote par procuration 

L’article 34(1) des « National Assembly Regulations 2014 » prévoit des exceptions au principe du vote individuel. En effet, certaines personnes peuvent, dans des circonstances particulières, déléguer leur vote à un mandataire, une procédure communément appelée vote par procuration (« proxy »).

Sont concernés :

  • Les agents électoraux et les officiers de police en service le jour du scrutin.
  • Les électeurs de service, c’est-à-dire ceux qui exercent une fonction publique les empêchant de se rendre au bureau de vote.
  • Les candidats eux-mêmes, dans certaines conditions prévues par la loi.
  • Les agents publics travaillant à Maurice mais inscrits sur les listes électorales de Rodrigues ou d’Agaléga.
  • Les électeurs travaillant à Rodrigues ou à Agaléga mais inscrits sur les listes électorales d’une circonscription de Maurice.
  • Laura Jaymangal, Executive Officer de Transparency International, se dit favorable à une extension du vote par procuration aux employés du secteur privé. Elle déplore que la date des élections soit décidée par le Premier ministre, sans calendrier fixe, rendant difficile pour les électeurs en déplacement de planifier en conséquence. Elle propose aussi d’envisager un vote à l’étranger, dans les ambassades, pour les Mauriciens absents le jour des élections.
 

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