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Quand le Premier ministre lance « zot pou kone », il sous-entend qu’il prendra des mesures pour réglementer la presse. Révélations du porte-parole du gouvernement sur les ondes de Radio Plus. La matérialisation de la licorne des projets de loi, la Freedom of Information Act et l’indépendance de la presse ont aussi été abordées.
Les relations entre le pouvoir et la presse étaient au cœur des débats lors du grand journal de Radio Plus, hier. Shanmuga Allagapen et Patrick Hilbert recevaient Étienne Sinatambou, porte-parole du gouvernement, Alain Gordon-Gentil, écrivain et homme des médias et Roukaya Kasenally, chargée de cours en média et communication.
S’il a été question des libertés de la presse et du droit des citoyens, c’est vers la fin de l’émission qu’Étienne Sinatambou a expliqué que le Premier ministre compte présenter un système de régulation des médias.
Qu’entend Pravind Jugnauth quand il lance «Zot pou kone biento!» à l’intention de la presse ? Étienne Sinatambou a apporté un éclairage: « Ce qu’il veut dire, c’est que vous devez vous attendre à la mise sur pied d’un système de réglementation convenable. » Il a esquivé la question sur la création d’une Media Commission avant 2019, mais s’est dit d’accord avec Alain Gordon-Gentil sur la nécessité d’une commission indépendante du gouvernement. « Je suis sûr qu’il (Pravind Jugnauth) est d’accord avec cela. » Pour le ministre, «il est clair qu’il faut trouver une solution aux abus ».
Le journaliste Alain Gordon-Gentil s’est aussi prononcé pour une commission pour contrôler le métier. «Il nous faut quelque chose pour nous prendre en charge ; il n’est pas possible que dans un pays, les architectes et avocats disposent d’un conseil de l’ordre et que les journalistes n’en aient pas un. Il faut en instaurer un pour nous protéger et régler nos problèmes. »
À la traîne
Autre sujet de débat : l’introduction d’une Freedom of Information Act (FOIA). «Je suis confiant que nous concrétiserons ce point mentionné à notre programme électoral », a assuré le ministre Sinatambou. « L’agenda du gouvernement ne peut être dicté par ceux qui sont à l’extérieur du gouvernement.» Un argument vite contré par Roukaya Kasenally, qui rappelle que «le gouvernement est redevable envers les électeurs. Il ne peut prétendre n’être redevable de personne». L’universitaire rappelle que, sur le continent africain, Maurice est à la traîne de nombreux pays qui ont adopté une FOIA.
Si le ministre a évoqué une open data policy, instaurée par le ministère des Tic, Roukaya Kasenally argue que la population ne se retrouve pas dans ce jargon technique. «Le Freedom of Information concerne le citoyen, s’il n’y a aucune consultation ouverte avec les gens, ce serait une bêtise.» Sans consultation, la FOIA est vouée à l’échec, ajoute-t-elle. Étienne Sinatambou a insisté « qu’il y a un processus d’uniformisation de la manière de délivrer les informations dans les divers organes de l’État ».
Alain Gordon-Gentil n’est pas passé par quatre chemins : «Je pense que ce gouvernement, comme tous les autres qui l’ont précédé, n’a pas envie d’adopter une Freedom of Information Act.» C’est dans la nature des gouvernants de vouloir cacher et celle du journaliste de vouloir savoir, dit-il : «L’opacité a toujours arrangé les gouvernants dans tous les pays du monde ». Si le gouvernement le voulait vraiment, il pourrait adopter une FOIA en quinze jours.
La description qu’a faite Alain Gordon-Gentil des rapports entre le pouvoir politique et la presse a aussi été très débattue. Étienne Sinatambou a déclaré que le gouvernement «accepte la critique constructive, mais ni la mauvaise foi ni la malhonnêteté». Le journaliste réplique : «Le pouvoir isole. Quand vous êtes isolé et accomplissez une tâche difficile, vous ressentez chaque critique comme une attaque personnelle. Le discours du ministre est aussi vieux que la politique.»
Face à la posture scandalisée du ministre sur les questions que les journalistes osent poser, Alain Gordon-Gentil affirme : « Le journaliste a le droit de dire tout ce qu’il pense » ou
« les hommes politiques doivent apprendre à accepter les questions ». Il va plus loin, et met de côté la notion d’objectivité et d’indépendance de la presse. « Cela relève du mythe. D’abord, ça n’existe pas, un journal indépendant. C’est comme l’objectivité. Un journal doit publier ce qui est vrai. C’est tout.»
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