
Ashna Nuckcheddy-Rabot a réuni sur le plateau de Au cœur de l’info le vendredi 10 octobre, le Dr Fayzal Sulliman, CEO de la NADC, et le Dr Farhad Aumeer, député.
Depuis la promulgation de la loi instituant la NADC en mai et la nomination de son CEO en juin, l’agence a dû bâtir ses fondations à partir de rien. C’est ce qu’a précisé le Dr Fayzal Sulliman. « Le premier board a siégé au début de juillet. Il fallait tout mettre en place soit les locaux, l’équipe et les procédures. » Selon lui, les lenteurs observées s’expliquent par les démarches de recrutement encore en cours au niveau du Prime Minister’s Office. En attendant, la NADC fonctionne « avec les moyens du bord » et grâce au soutien de plusieurs associations partenaires.
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Le Dr Sulliman a souligné qu’un masterplan pluriannuel sur cinq ans est en cours de validation, assorti de coûts détaillés et de négociations budgétaires avec le ministère des Finances. Parmi les priorités figurent la création d’un early warning system pour détecter rapidement les nouvelles molécules et la mise en place d’un comité interministériel afin d’assurer une meilleure coordination entre prévention, répression et réhabilitation. Il a également évoqué la collaboration avec le State Law Office, la protection des données dans les échanges d’information et la modernisation de la prévention, notamment par une présence accrue sur les réseaux sociaux. « La structure est en place, il faut maintenant laisser le temps au plan d’action de porter ses fruits », a-t-il conclut.
Pour le Dr Farhad Aumeer, si les critiques peuvent se comprendre, elles ne doivent pas occulter les efforts déployés. « Depuis novembre 2024, la police et la MRA ont saisi pour Rs 1,6 milliard de roupies de drogues dures. Chaque jour, des équipes agissent sur le terrain. »
Le député estime toutefois que la situation impose un sursaut. « Il faut déclarer un état d’urgence en matière de drogue et mobiliser davantage de moyens. » Parmi ses propositions : renforcer la présence policière sur le terrain, envisager un rôle accru pour la Special Mobile Force et réorganiser les services pour éviter la « perméabilité » entre les policiers et les trafiquants. « Trop de convivialité entre policiers et dealers crée la décadence », a-t-il lancé, appelant à des rotations de postes plus fréquentes.
Les deux intervenants ont convenu qu’aucune politique antidrogue ne saurait se limiter à la seule répression. Le Dr Sulliman a indiqué que la réduction des risques fera partie intégrante du plan d’action, notamment via des sous-comités spécialisés comme celui sur le VIH/sida, et une meilleure articulation entre la santé, l’éducation, la police et les douanes. Pour sa part, le Dr Aumeer a rappelé la dimension humaine du fléau. « Toutes les semaines, j’assiste à des décès de jeunes liés à la drogue. Il faut être agressif pour briser la chaîne de transmission : pas de demande, pas d’offre. »
Dépénalisation du cannabis
Sur la question du cannabis, le débat était nuancé. Le Dr Sulliman a appelé à « distinguer dépénalisation, décriminalisation et légalisation », rappelant que toute réforme devra être accompagnée d’une évaluation claire des impacts économiques, sanitaires et sociaux.
Le Dr Aumeer s’est dit favorable à une dépénalisation encadrée, mais conditionnée à « une large consultation publique, voire un référendum ».
Au-delà des aspects techniques, le Dr Sulliman a insisté sur la nécessité d’un discours clair et pédagogique. « Il faut ouvrir le débat sur ce qu’est la dépénalisation, ce n’est pas la légalisation. Nous devons prendre l’exemple sur le Portugal. Il nous faut une démarche graduelle et adaptée au contexte mauricien. Ce sont des étapes. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain. »
L’émission a révélé une tension équilibrée : celle d’une agence encore en phase de structuration, soumise à des critiques précoces, et celle d’une société impatiente d’obtenir des résultats visibles. Le Dr Fayzal Sulliman a plaidé pour « la concertation et la méthode », tandis que le Dr Farhad Aumeer a appelé à « l’audace et la fermeté ». Les prochaines étapes seront déterminantes : validation du masterplan, attribution des budgets additionnels, création de l’early warning system et lancement d’une campagne d’information nationale pour clarifier les enjeux de la dépénalisation.
Danny Philippe, travailleur social : « Un rajeunissement et une féminisation de la consommation comme du trafic »
Le travailleur social Danny Philippe a apporté un éclairage sans détour sur la situation actuelle et sur les attentes du milieu associatif. Selon lui, « à aucun moment les ONG n’ont demandé le départ de Sam Lauthan », mais elles souhaitent que le président de la NADC « revoie sa politique de drogues, notamment sa position sur la dépénalisation du cannabis ».
Il estime que la mise en place de l’agence a pris trop de temps et qu’« il aurait sans doute fallu maintenir l’ancienne structure en attendant ». Depuis novembre 2024, regrette-t-il, « aucune rencontre officielle n’a eu lieu », alors que la situation devient critique : « Nous avons déjà dépassé le nombre de morts de l’an dernier, avec plus de 40 personnes. Ce chiffre n’est pas officiel, mais il reflète une réalité alarmante. » Pour Danny Philippe, la réponse doit être immédiate. « Il faut un comité d’urgence pour coordonner les actions, car la situation est catastrophique. » Il plaide aussi pour la création d’une instance dédiée à la réduction des risques et pour une politique adaptée à la réalité de 2025.

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