La Mauritius Renewable Energy Agency, créée pour propulser la transition énergétique, fait face à un bilan décevant après près de dix ans d’existence. L’agence n’a pas réussi à atteindre ses objectifs, laissant planer des doutes sur son avenir et sa capacité à redynamiser le secteur des énergies renouvelables à Maurice.
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Depuis 2014, l’ancien gouvernement MSM avait mis en avant l’ambition de transformer le secteur énergétique du pays en un modèle de durabilité et de transition vers les énergies renouvelables. La création de la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA) en 2016 était censée être le moteur de cette transformation, visant à promouvoir et à développer des alternatives énergétiques plus écologiques pour Maurice. Toutefois, près de dix ans après la création de cette agence, les résultats sont loin d’être à la hauteur des attentes. Si le gouvernement affichait de grandes ambitions pour faire des énergies renouvelables un pilier central de son secteur énergétique, le bilan est aujourd’hui bien plus mitigé. Une situation qui n’a pas échappé au ministère de l’Énergie et des services publics.
Quel avenir pour la MARENA ? Elle est à un tournant crucial. Face à son échec retentissant et à son incapacité à atteindre les objectifs fixés en matière de transition énergétique, la question de sa pérennité se pose. Une restructuration de l’agence semble-t-elle inévitable, ou bien sera-t-elle simplement absorbée par Maurice Ile Durable, un organisme créé sous le précédent mandat de Navin Ramgoolam (2005-2014) ? Cette possibilité avait en tout cas émergé lors de la dernière campagne électorale, ouvrant la voie à une réflexion sur l’avenir de l’institution et sur les moyens de redynamiser le secteur des énergies renouvelables à Maurice.
Les derniers chiffres publiés par Statistics Mauritius en juin 2024 révèlent une situation préoccupante. Alors que le pays avait atteint 19,2 % d’énergie verte en 2022, un recul déjà significatif par rapport aux objectifs initiaux, cette part est tombée à 17,6 % en 2023. Cette tendance s’inscrit dans un contexte où l’ancien gouvernement avait annoncé vouloir atteindre 60 % de production d’énergies renouvelables d’ici 2030, un objectif désormais jugé de plus en plus difficile à atteindre. Selon certains experts, l’objectif de 35 % d’ici 2025 semble déjà compromis, tant la situation actuelle est marquée par une dépendance croissante au charbon dans le mix énergétique.
Lenteur et inaction
La MARENA, créée pour impulser cette transition énergétique, se révèle être un échec. Initialement dotée de l’ambition de gérer les projets de renouvellement énergétique et d’encourager des solutions alternatives, l’agence n’a pas su répondre aux attentes. L’un des signes les plus évidents de son inefficacité est la sous-utilisation de son budget. Déjà lors de l’année de sa création, sur les Rs 5 millions qui lui avaient été allouées, seulement Rs 1,1 million ont été dépensées ce qui avait soulevé des interrogations sur la gestion de ses ressources. Une situation qui n’a pas échappé au ministère de l’Énergie et des Services publics, qui scrute de près le bilan de l’agence et les fonds engloutis depuis sa création en 2015.
La lenteur et l’inaction de la MARENA n’ont pas manqué de susciter des frustrations, notamment dans le secteur privé. Des entreprises, notamment une grande chaîne de supermarchés et une compagnie automobile, avaient sollicité l’aide de l’agence pour mettre en place des projets de fermes photovoltaïques. Cependant, ces initiatives ont été étouffées par le manque d’action de l’agence, accusée de n’avoir pris aucune mesure concrète pour avancer ces projets pourtant en phase avec la politique gouvernementale de promotion des énergies renouvelables. Cette inaction a exacerbé le sentiment de lassitude parmi les acteurs privés, déplorant le manque de réactivité d’un organisme censé être au cœur de la stratégie énergétique du pays.
Face à ce bilan, la MARENA avait misé sur des projets d’envergure pour redynamiser le secteur. L’un des projets les plus ambitieux était le développement de l’Ocean Thermal Energy Conversion (OTEC), présenté par l’agence comme la solution miracle pour inverser la tendance de la baisse de la production d’énergie verte. L’initiative prévoyait la collaboration avec l’Université technique du Danemark (DTU) pour réaliser une étude de préfaisabilité afin d’explorer le potentiel de l’énergie éolienne offshore.
Cependant, cette solution est jugée farfelue par le nouveau gouvernement, qui estime que la MARENA aurait dû se concentrer sur des projets plus réalistes et efficaces pour garantir une transition énergétique plus concrète et rapidement réalisable.
Un budget toujours en hausse, mais pour quels résultats ?
Les fonds alloués à la MARENA, bien qu’en augmentation, ne semblent pas se traduire par des résultats tangibles. Pour l’année financière 2016-2017, l’agence avait reçu Rs 10 millions, un budget qui est ensuite monté jusqu’à Rs 25,3 millions pour les années suivantes. Pourtant, malgré cette hausse, l’agence semble être restée figée, incapable de déployer des projets efficaces qui auraient permis à Maurice de se rapprocher de ses objectifs en matière d’énergies renouvelables.
Au final, la MARENA symbolise bien les grandes ambitions de l’ancien régime MSM en matière d’énergies renouvelables, mais aussi les ratés de sa mise en œuvre. Si le pays avait espéré que l’agence devienne un moteur de changement et un levier essentiel pour un futur décarboné, la réalité est tout autre. Le recul de la production d’énergies vertes et la persistance d’une dépendance au charbon marquent un échec cuisant de cette politique, d’autant plus que les initiatives lancées, comme l’OTEC, n’ont pas convaincu. Le ministère de l’Énergie et des Services publics doit désormais faire face à un défi de taille : comment tirer parti des maigres ressources restantes de la MARENA pour rattraper le retard accumulé et atteindre les objectifs énergétiques du pays avant 2030.
Thierry Laurent
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