Ce 20 novembre marque la Journée mondiale de l’enfance. Le thème choisi cette année est l’inclusion pour chaque enfant. À Maurice, force est de constater que l’inclusion à l’école et au sein de la société n’est pas gagnée d’avance.
La joie de l’accouchement laisse vite la place au découragement lorsqu’elle comprend que son dernier-né, Naimuddin, est trisomique. Mais Bibi Marzeena Mauntah reprend vite du poil de la bête. Et depuis, cette mère courage de cinq enfants, dont un est, lui, atteint d’une déficience oculaire, met tout en oeuvre pour lui offrir une vie aussi normale que possible.
« Il doit être préparé dès son plus jeune âge à faire face aux défis qui l’attendent dans la société », affirme Bibi Marzeena Mauntah. Elle sait d’emblée qu’en raison du retard dans son développement, Naimuddin aura du mal à se faire accepter. Mais il n’est pas question pour elle de le surprotéger ou de le garder enfermé à la maison. Bien au contraire. « Nous faisons souvent des sorties et je l’emmène même au supermarché avec moi. Quand les gens remarquent sa différence, on ne le repousse pas, on lui adresse au contraire un sourire, on lui dit bonjour, on veut jouer avec lui. »
Si elle s’y est préparée, Bibi Marzeena Mauntah confie ne pas encore avoir eu à faire face aux commentaires désobligeants ou aux regards inquisiteurs. Cependant, des obstacles, il y en a eu, et il y en aura. Elle révèle qu’elle a essuyé un refus lorsqu’elle a voulu l’inscrire dans un établissement préprimaire en raison de son handicap et sous prétexte qu’il porte une couche et n’est pas autonome.
« L’inclusion doit se faire avec les enfants de son âge, pas en étant séparé », insiste la mère de famille. Raison pour laquelle elle s’est battue bec et ongles pour que son fils de 5 ans puisse avoir accès à une école primaire du mainstream en janvier prochain afin qu’il puisse être en contact avec d’autres enfants. Elle regrette que certains établissements éducatifs ne sachent pas accueillir les enfants en situation de handicap et plaide pour que tous puissent faire de la place aux enfants handicapés afin qu’ils puissent s’épanouir avec les autres enfants de leur âge avec le soutien d’un carer.
Bibi Marzeena Mauntah est d’avis qu’en inscrivant son fils dans un établissement scolaire non spécialisé, ce sera une situation gagnant-gagnant et pédagogique à la fois. « Un parent ne doit pas enfermer son enfant en raison de son handicap mais lui donner la chance de rencontrer les autres afin de forger sa personnalité. Il doit pouvoir faire face aux éventuels quolibets que la société pourrait lui adresser. Cela ne va pas l’aider s’il reste enfermé à la maison », souligne-t-elle.
Et puis, ajoute Bibi Marzeena Mauntah « en même temps, les enfants dit normaux pourront apprendre ce qu’est le handicap. Ils pourront sûrement l’aider ». Le petit Naimuddin sera avec un autre de ses frères qui est lui atteint d’une déficience oculaire et qui requiert lui aussi une certaine attention au quotidien.
Bibi Marzeena Mauntah se réjouit que ses autres enfants vivent bien la différence de leur jeune frère bien qu’ils aient été paniqués au départ comme elle. Bien que deux de ses enfants demandent une attention particulière, elle fait de son mieux afin de ne négliger personne. Bibi Marzeena Mauntah dit avoir bénéficié du soutien de diverses ONG.
Son souhait est que chacun de ses enfants ait à des chances égales afin qu’ils puissent s’épanouir et s’intégrer dans la société.
Le Disability Bill se fait toujours attendre
Le Disability Bill est attendu depuis plusieurs années par l’ensemble des personnes en situation de handicap et leurs proches. Selon la ministre de la Sécurité sociale, Fazila Jeewa-Daureeawoo, le projet de loi est complexe et ne concerne pas uniquement son ministère mais les secteurs public et privé. « Nous avons besoin de toutes les parties prenantes car il y a de nombreux éléments à prendre en considération », dit-elle à Le Dimanche/L’Hebdo.
Selon Fazila Jeewa-Daureeawoo, un des défis auxquels son ministère doit faire face concerne les infrastructures et le transport en commun. « Nous avons introduit des low-floor buses, mais nos routes ne sont pas adaptées. Il faut revoir l’infrastructure des routes et nous assurer que les trottoirs et les chemins sont au même niveau. »
Malgré l’ampleur des travaux requis, elle souligne que son ministère a pris de nombreuses mesures pour le bien-être les personnes en situation de handicap, dont l’abolition du critère d’âge pour que les enfants en dessous de 15 ans puissent aussi bénéficier d’une pension d’invalidité. (voir plus loin)
Rita Venkatasawmy, OMBUDSPERSON FOR CHILDREN : Maurice doit devenir une « disabled friendly society »
Au cours des 30 dernières années, l’Ombudsperson for Children dit avoir constaté une évolution. À ses débuts comme éducatrice spécialisée, raconte Rita Venkatasawmy, les parents des enfants dits normaux n’aimaient pas qu’il y ait des enfants en situation de handicap dans les écoles. « Certains parents protestaient quand je les prenais dans le préprimaire. J’étais très mal vue. »
Aujourd’hui, si la situation s’est améliorée, il reste encore du chemin à faire. Rita Venkatasawmy souligne que les enfants en situation de handicap doivent avoir l’opportunité de participer à diverses activités. « Ils n’ont pas besoin uniquement d’une éducation formelle mais aussi de pouvoir s’exprimer autrement à travers la danse, le chant, le théâtre entre autres. Pour cela, il faut un changement de mentalité, ce qui fait encore son chemin. »
Elle se réjouit de la mise en place de la Special Education Needs Authority (SENA) qui s’occupe de l’éducation des enfants en situation de handicap. Néanmoins, elle note que le transport reste l’un des gros problèmes des parents, notamment pendant la période des vacances scolaires. « Un enfant en situation de handicap à droit aux loisirs et de participer aux activités récréatives mais parfois ce n’est pas aussi facile. La plupart des moyens de transport sont chers et parfois pas adaptés au handicap de l’enfant. »
D’autre part, l’Ombudsperson for Children accueille favorablement les normes que les constructeurs des nouveaux bâtiments doivent respecter afin de pouvoir accueillir les personnes en situation de mobilité réduite. Cependant, il y a encore du chemin à faire pour que dans les écoles, les classes et les toilettes soient plus accessibles. « Je concède que cela coûte cher mais nous devons devenir une ‘disabled friendly society’. »
Un plan d’éducation individualisé standardisé à partir de janvier 2023
2 610 enfants sont actuellement admis dans 71 Special Education Needs (SEN) Schools et 94 dans les écoles du mainstream. Ces établissements sont sous la direction de la SENA. À partir de janvier 2023, fait savoir le directeur Arvin Authelsingh, un plan d’éducation individualisé standardisé, développé avec la collaboration du Mauritius Institute of Education (MIE), sera mis en pratique auprès de tous les élèves admis dans les écoles spécialisées. Objectif : suivre la progression des enfants.
Arvin Authelsingh indique que la SENA collabore avec diverses institutions telles que le MIE et le Mauritius Examinations Syndicate pour s’assurer que l’inclusion est une réalité, conformément à la réforme éducative de la Nine Year Continuous Basic Education. C’est d’ailleurs pourquoi autant que possible, lors de la prochaine rentrée scolaire, les enfants porteurs de handicap seront accueillis dans les écoles mainstream avec un soutien supplémentaire, tel qu’un soignant ou un assistant enseignant selon leurs besoins. Arvin Authelsingh demande à tout parent faisant face à une forme quelconque de rejet pour que ses enfants soient scolarisés, de se manifester auprès de la SENA.
Entre-temps, la SENA s’attelle à la formation des enseignants, des assistants, des soignants. Des programmes sont en cours avec la collaboration du MIE, du Commonwealth of learning et la Wilfrid Laurier University du Canada. En sus des 71 écoles, comprenant 11 unités intégrées et six centres de ressources, la SENA prévoit d’ouvrir 10 autres unités intégrées dans d’autres régions.
Il y a également cinq écoles à Rodrigues. Deux sont gérées par la Roman Catholic Education Authority (RCEA) en tant qu’unités intégrées et les trois autres par des ONG. Elles recevront leur inscription en janvier 2023.
La SENA travaille également en étroite collaboration avec le Health and wellness directorate du ministère de l’Éducation pour dépister et réaliser des séances de thérapie. Du personnel devrait être recruté pour étoffer l’effectif, fait comprendre Arvin Authelsingh.
Assistance financière aux écoles
Chaque école reçoit un repas chaud au coût de Rs 120. Depuis l’année dernière, Rs 100 000 sont données à toutes les écoles sous forme de subvention pour améliorer les infrastructures ou pour l’embellissement. Rs 50 000 sont fournies aux écoles pour acheter du matériel d’apprentissage afin de s’assurer que l’enseignement se fait dans les meilleures conditions.
Et la petite enfance ?
La petite enfance n’est pas mise à l’écart. La SENA collabore avec l’Early Childhood Care and Education Authority pour une détection précoce et une meilleure prise en charge.
Les services offerts par la Sécurité sociale
Pensions et dispositifs d’assistance
Il existe de nombreuses mesures pour améliorer la qualité de vie des enfants en situation de handicap : -
(i) Tous les enfants avec un handicap d’au moins 60 % ont droit à une pension d’invalidité de Rs 10 000.
(ii) Les enfants alités ou souffrant de handicaps graves bénéficient aussi d’une Carer’s Allowance s’ils ont besoin de soins constants.
(iii) Les personnes souffrant d’un handicap de 40 % à 59 %, enfants inclus, peuvent bénéficier d’une Disability Allowance de Rs 2 500 par mois.
(iv) Aide sociale pour des dispositifs d’assistance - fauteuils roulants, lunettes, prothèses auditives et prothèses dentaires - à ceux dont le revenu du ménage ne dépasse pas Rs 30 000 par mois.
La subvention en espèces pour l’achat des appareils fonctionnels est comme suit :
(a) Fauteuil roulant : un maximum de Rs 10 000 ;
(b) Appareils auditifs : un maximum de Rs 10 000 par appareil auditif ; et
(c) Lunettes : un maximum de Rs 5 000.
Services médicaux
(i) Les personnes alitées ou souffrant d’un handicap sévère, dont les enfants, peuvent bénéficier de visites médicales à domicile sur la recommandation du Medical Board. Les demandes doivent se faire auprès des bureaux de la Sécurité sociale. Le critère d’âge pour les enfants a été enlevé.
(ii) Vaccination antigrippe des enfants en situation de handicap fréquentant les écoles spécialisées.
Services disponibles à travers la Disability Empowerment Unit
La Disability Empowerment Unit du ministère est accessible aux enfants en situation de handicap suivant une évaluation du Medical Board.
(i) Remboursement des frais d’autobus aux parents qui accompagnent leurs enfants handicapés fréquentant les crèches, les écoles spécialisées et autres institutions éducatives.
(ii) Remboursement des frais de taxi aux élèves gravement handicapés fréquentant les universités et les écoles.
(iii) Programme de bourses prix François Sockalingum du National Council for the Rehabilitation of Disabled Persons (NCRD) afin d’encourager les élèves handicapés à suivre des études secondaires.
(iv) Tarifs réduits offerts aux personnes handicapées voyageant avec Air Mauritius.
(v) Frais réduit de Rs 400 pour l’obtention d’un passeport sur présentation d’une lettre de la Disability Empowerment Unit au Passport and Immigration Office.
(vi) Coupons de parking afin de permettre aux personnes handicapées d’avoir un accès facile aux lieux publics comme les centres commerciaux entre autres.
(vii) Facilités Duty Free pour l’achat de voitures adaptées ne dépassant pas 1600 cc une fois tous les 7 ans. Cette mesure concerne aussi les parents d’un enfant souffrant d’un handicap sévère.
(viii) Prêt pour les personnes handicapées pour :
(a) L’achat de dispositifs de soutien (e.g. fauteuil roulant) ;
(b) L’amélioration des conditions de vie par des aménagements infrastructurels et/ou mobiliers (mobilier & équipement) ;
(c) Pour un traitement médical prescrit par des prestataires de services de santé officiels, et
(d) Pour des études/formations (locales ou à l’étranger) dans des institutions agréées.
Gwendolina et Kenanan remportent le concours Miss et Mr Ability 2022
Une vingtaine d’enfants en situation de handicap ont eu l’occasion de participer au concours Miss et Mr Ability organisé par le groupe The Abilities. Gwendolina a été sacrée Miss Ability 2022 et Kenanan, Mr Ability 2022.
Selon le couple Neeloopher et Kunnal Aucharaj, l’objectif de ce concours, qui s’est tenu le samedi 12 novembre au Palms Hotel, à Quatre-Bornes, est « de permettre aux enfants en situation de handicap de démontrer leurs talents ». L’inclusion des enfants en situation de handicap débute à la maison, affirme Neeloopher Aucharaj. « Ils ont beaucoup de potentiel. »
Elle constate toutefois que certains parents hésitent à permettre à leurs enfants de participer à diverses activités. « Nombreux sont ces enfants qui veulent participer à certaines activités mais qui n’ont pas l’opportunité et le soutien necessaire. » Neeloopher Aucharaj espère une évolution à ce niveau.
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