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Jacques d’Unienville, CEO, Omnicane : «Le défi est d’assurer une production maximale de sucre à valeur ajoutée»

Opérateur économique de référence dans le sud du pays et engagé dans la production de sucre, d’énergie et d’éthanol, Omnicane a mis sur le marché un sucre, dont les bénéfices pour la santé ont été validés. Dans cet entretien au Défi Plus, Jacques d’Unienville, Chief Executive Officer, revient sur les étapes ayant abouti à la production de ce sucre. Il évoque aussi la nouvelle stratégie énergétique, la diversification agricole et la vente de terres à la Mauritius Investment Corporation (MIC). Extraits.  

Je suis partisan d’un marché organisé, une agriculture responsable, dirigée de manière scientifique.

Comment s’annonce la campagne sucrière 2021 ?
Après des ennuis mécaniques attribuables au retard dans l’acheminement d’équipements de l’étranger, nous roulons à plein régime. Certes, la richesse de la canne est moindre due aux conditions météorologiques défavorables. Ainsi, la récolte sera moyenne en 2021, avec une production de quelque 90 000 tonnes pour Omnicane. Sachez qu’à partir de cette année-ci, le groupe dispose de l’unique raffinerie pour le pays qui transforme le sucre local et importé. L’ambition est de développer le concept de hub sucrier où on importe du sucre brésilien qu’on raffine, auquel nous ajoutons de la valeur avant de réexporter vers la région. Ce faisant, notre usine fonctionne à pleine capacité. Nous comptons ainsi importer 110 000 tonnes pour les besoins de raffinage et de réexportation. Au total, la production sera de 230 000 tonnes, quand on ajoute le broyage des cannes de l’établissement de Médine.

Est-ce que l’avenir repose sur la production à grande échelle du sucre raffiné ?
Le défi à Maurice est d’assurer la production d’une quantité maximale de sucre à valeur ajoutée et d’affirmer notre présence dans les produits niches et innovants. Au niveau d’Omnicane, à l’issue de sept années de recherches, nous offrons désormais un sucre ayant un très fort taux d’antioxydants. Les bénéfices pour la santé ont été validés, en particulier pour les diabétiques et pré-diabétiques. Le fait d’avoir une telle quantité d’antioxydants dans ce produit limite les pics d’insuline après que la personne ait consommé du sucre. Ce produit s’adresse également aux sportifs de même qu’aux personnes en bonne santé.

Qu’un sucre soit accepté comme ayant des bénéfices médicinaux exige une reconnaissance scientifique internationale. Êtes-vous parvenu à ce stade de validation ?
Nous avons décroché l’accréditation Low GI d’Oxford Group, en Grande-Bretagne, de la GI Foundation d’Australie. À Maurice, nous travaillons en étroite collaboration avec l’Association pour la promotion de la santé qui a effectué une étude étalée sur plusieurs mois. Le produit est validé par la Mauritius Heart Foundation.

Est-ce qu’Omnicane fonde beaucoup d’espoir sur ce sucre riche en antioxydants ?
Nous misons beaucoup sur ce sucre. En sus de ses nombreux bénéfices pour la santé, ce produit a un très bon goût et il est 100% naturel. Il vient d’être lancé et son entrée sur le marché sera graduelle. D’ailleurs, il est disponible dans les grandes surfaces. Aujourd’hui, le défi est d’effectuer une percée à l’international. Nos premiers marchés ciblés sont les pays du Golfe avec un lancement à Dubaï et l’Arabie Saoudite dans un proche avenir. Les indications sont positives.

Pourriez-vous quantifier la production de ce sucre ?
C’est un marché-niche. Le produit est unique en son genre. Certes, il existe des alternatives. N’empêche que ce produit a le mérite d’apporter beaucoup de bénéfices tout en restant 100 % naturel et en gardant le goût du sucre. Nous monterons en puissance durant les quatre prochaines années. L’objectif est de produire environ 4 000 tonnes par an.

Aujourd’hui, il est question de produits 100 % naturels, catégorie à laquelle est rattaché le sucre riche en antioxydants. En même temps, aucune entreprise majeure ne peut esquiver le concept de développement durable. Comment est-ce que le groupe Omnicane aborde cet aspect des affaires ?
Nous sommes dans le concept d’économie circulaire depuis plus d’une dizaine d’années. Le complexe industriel de La Baraque est intégré. La canne est transformée en une succession de produits et de sous-produits. Chaque sous-produit devient un intrant pour un autre produit. Notre but est d’atteindre le zéro déchet et un minimum de pollution. Nous nous en rapprochons. Nous avons aussi l’aspect social et environnemental, tous deux fondamentaux.

Est-ce que le sucre, dont il est question, est cohérent avec le développement durable ?
Tel est le cas sur le volet social. Voyez, le diabète est un problème de santé majeur à Maurice. Nous avons donc été très motivés dans le développement de ce sucre en question. Le groupe Omnicane s’est dit que l’industrie cannière a un rôle très important à jouer pour offrir un produit qui aiderait le pays à réduire le niveau d’incidence du diabète. L’alimentation saine est importante. Ce produit y figure. Non seulement le sucre aide à réduire les pics de glycémie, il dispose également de bénéfices cardiovasculaires.

Le réel défi est de réduire l’utilisation du charbon dans la production énergétique. D’ici 2030, le pays devra cesser de brûler le charbon. Le projet est ambitieux.

Qui dit développement durable, dit une transition énergétique réussie. Sommes-nous sur la bonne voie ?
Le réel défi est de réduire l’utilisation du charbon dans la production énergétique. D’ici 2030, le pays devra cesser de brûler le charbon. Le projet est ambitieux. Nous avons pris un bon départ, car l’annonce de ces nouveaux objectifs a été accompagnée de la rémunération future de la bagasse. Cela encouragera les planteurs à rester dans l’industrie et améliorer leurs cultures existantes. Nous nous attendons à ce que la qualité de la canne aille en s’améliorant, résultant en une meilleure quantité de bagasse.

De plus, les ministères concernés élaborent un Biomass Framework relatif à la rémunération de la bagasse. Maintenant, il faudra déterminer comment on pourrait payer pour d’autres types de biomasses telles que l’eucalyptus, la paille de canne et le bambou, entre autres, pour se substituer au charbon. Une partie des déchets peut être transformée en pellets qui peuvent ensuite être utilisés dans les centrales thermiques. C’est le refuse derived fuel, une technologie connue.

Afin d’assurer la pérennité de l’industrie et que les meilleures pratiques culturales s’harmonisent sur l’ensemble du pays, ne serait-il pas plus approprié que la gestion soit assurée par les grands groupes ?
C’est une possibilité. Elle fait partie des offres qu’il faut arriver à proposer pour maintenir le bassin cannier, voire de l’élargir. Chez Omnicane, en tant que groupe et partenaire économique, on fera de notre mieux en ce sens. Nous constatons que les coopératives de planteurs sont de plus en plus nombreuses. Elles sont en train de mécaniser les champs. La modernisation se situe à tous les niveaux.

Peut-on étendre cette synergie à d’autres segments de l’agro-industrie, d’autant plus que nous avons des ambitions en termes d’autosuffisance alimentaire ?
La pandémie de Covid-19 nous a fait prendre conscience de l’importance de la production locale. Il est clair que l’industrie cannière a un rôle fondamental dans la production énergétique. Nous parvenons à réduire nos importations en énergies fossiles comme le charbon.

Au niveau de la sécurité alimentaire, le groupe est engagé dans un programme de diversification agricole d’où pourrait dégager une synergie avec les planteurs. Je suis partisan d’un marché organisé et d’une agriculture responsable dirigée de manière scientifique. Telle est la pratique pour la pomme de terre avec des quotas pour les semences. L’idéal est d’étendre ce mécanisme pour l’ensemble de la culture vivrière, selon les saisons. On éviterait de se retrouver avec des surplus dans un petit pays. La facture à l’importation baissera.

La Mauritius Investment Corporation a fait une très belle affaire en devenant propriétaire de terres dans des zones stratégiques.

Omnicane a vendu ses parts qu’elle détient dans la Mon Trésor Smart City à la Mauritius Investment Corporation (MIC). Est-ce un retour aux activités premières du groupe ?
Tout à fait. Ces 10 dernières années, le groupe a investi de manière considérable dans ses outils de production. Il s’est endetté de manière conséquente. Le secteur dispose des droits de conversion des terres à des fins commerciales et résidentielles afin de financer la réforme sucrière. Et le groupe s’est fixé comme objectif de générer des revenus avec le projet de Mon Trésor Smart City. Les recettes serviraient à rembourser nos dettes au niveau de nos principales activités. Aujourd’hui, la vente des terres de la ville intelligente de même que les superficies destinées au développement foncier nous permettent de sortir de ce segment et de nous concentrer sur nos activités primaires que sont la production de sucre, d’énergie, d’alcools et la diversification agricole. À la fin de la journée, c’est dans la perspective du plan qu’on avait. Notre endettement est plus gérable.

Le deal entre Omnicane et la MIC a été sous le feu des projecteurs. Les points d’interrogation n’ont point manqué. Vos commentaires.
Avec la fermeture des frontières et l’environnement des affaires qui a changé de façon drastique dans le sillage de la pandémie, nous avons enregistré des annulations de vente. L’impact a été négatif. Nous disposons de terres dans des locations stratégiques. Certaines s’étirent sur 1,9 kilomètre de plage et des superficies à proximité de l’aéroport. Elles offrent d’excellentes perspectives sur le moyen terme. Sincèrement, je pense que c’est un deal gagnant-gagnant. La MIC a fait une très belle affaire en devenant propriétaire de terres dans des locations uniques. Et le groupe est en mesure de respirer et d’être plus serein dans son cœur de métier et sauvegarder ainsi 1 600 emplois directs. (…)

 

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