Sans s’attarder sur les raisons qui l’ont mené à présenter en urgence les amendements à la loi sur l’immigration, le Premier ministre a précisé que le gouvernement ne peut se permettre de rester insensible à une telle question.
«Beaucoup de Mauriciens ont été dupés par des personnes sans scrupules afin de jouir des privilèges à Maurice. » C’est un des arguments mis en avant par le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, mardi à l’Assemblée nationale. Il présentait l’Immigration (Amendment) Bill. Selon le Premier ministre, il est devenu une pratique courante, qu’après quatre ans de mariage, les étrangers ayant épousé des Mauriciennes peuvent postuler pour la citoyenneté mauricienne.
Pravind Jugnauth a, lors de son intervention, également tenu à préciser que « le gouvernement mauricien ne s’oppose pas aux mariages contractés avec les étrangers ». Mais en revanche, il ne peut tolérer des mariages avec des personnes ayant commis des délits, qui sont impliquées dans le trafic de drogue ou dans des activités de terrorisme.
« Tout en reconnaissant que le mariage relève du domaine du privé, l’intimité du mariage a des implications sur le public », a-t-il fait ressortir. De ce fait, des actions sont nécessaires, afin de protéger le « bien-être des personnes susceptibles d’être la proie d’individus malintentionnés », a-t-il ajouté.
En sus, en ce qu’il s’agit des amendements qui seront apportés touchant les personnes souffrant de handicaps, Pravind Jugnauth est d’avis que le gouvernement ne peut se permettre de rester insensible ou complaisant vis-à-vis d’une telle discrimination.
Le Premier ministre a ajouté qu’il compte s’attaquer à d’autres législations qui ont trait à la question de l’immigration, notamment la Deportation Act. « Nous comptons adopter une approche globale », a-t-il fait observer.
Ivan Collendaveloo: «On doit protéger le pays»
« On ne peut laisser des trafiquants de drogue ou des terroristes entrer librement sur notre territoire ». C’est l’opinion du Premier ministre adjoint Ivan Collendavelloo sur les amendements à l’Immigration Act. « Dans le cadre du programme gouvernemental, on a dû revoir la politique de l’immigration a Maurice », soutient Ivan Collendaveloo. Selon lui, « il faut balancer la nécessité de protéger la liberté de mouvements et les droits fondamentaux de la famille contre des personnages indésirables », affirme le no 2 du gouvernement. « Le Premier ministre ne va pas envoyer la maréchaussée pour chasser tous les étrangers. Ceux qui doivent avoir peur sont les trafiquants de drogue ».
Paul Bérenger: «Le MMM est contre ces amendements»
Le leader du MMM est sans équivoque : le MMM votera contre les amendements à l’Immigration Act. Selon Paul Bérenger, rien ne peut excuser le manque de respect du gouvernement et du Premier ministre contre les membres de l’hémicycle. Le leader des mauves ne digère pas que le PM ait utilisé le certificat d’urgence pour ce projet de loi. Il se demande pourquoi cette précipitation : « Le Premier ministre n’a donné aucune raison valable pour justifier ses agissements anti-parlementaires », soutient Paul Bérenger.
« Il n’y avait aucune raison qui justifie l’urgence de ces amendements, même le discours du Premier ministre n’a donné aucune raison. Certes, il a parlé de mariage blanc mais le reste c’est du bla-bla », s’insurge-t-il. Selon le leader mauve, il y a eu un seul cas de mariage blanc d’un Prohibited Immigrant devant la cour suprême. Il a toutefois salué les amendements positifs qui éliminent la discrimination contre les handicapés, mais montre du doigt « les pouvoirs de discrétion du PM de catégoriser les étrangers ».
Adrien Duval : «Un projet de loi révoltant»
« Un recul pour la démocratie. Des amendements qui sont révoltants ». Les critiques n’ont pas manqué de la part du député Adrien Duval au moment de son intervention sur l’Immigration (Amendment) Bill au Parlement. Le député bleu a d’abord critiqué la précipitation du Premier ministre à présenter ce projet de loi. Adrien Duval a déploré que « les députés n’ont eu que deux jours pour étudier le projet de loi ».
Autre critique du député, l’amendement apporté à l’article 8, qui stipule que le Premier ministre pourra, en se basant sur des « reliable information or advice », déterminer si une personne est « undesirable ». Pour Adrien Duval, un tel amendement représente « un réel danger », car cette nouvelle loi permettra au chef du gouvernement de décider du sort d’une personne.
Pour Adrien Duval, l’Immigration Act permet déjà au Premier ministre de déporter des personnes suspectes dans l’intérêt public. Il s’est demandé si une personne souhaitant épouser un étranger devra avoir le consentement du chef du gouvernement. Pour Adrien Duval, on pourra déporter une personne sans que celle-ci ne puisse faire appel. « C’est pour cela que je lance un appel auprès des députés pour qu’ils ne votent pas cette loi, ou alors je demande que le projet de loi soit renvoyé », a-t-il conclu.
Shakeel Mohamed : «On installe un sentiment de peur»
Le député travailliste a dénoncé avec force l’Immigration (Amendment) Bill, introduit au Parlement mardi.
Pour Shakeel Mohamed, « il doit y avoir un agenda caché » de la part du gouvernement. Le projet de loi est, à ses yeux, « opaque » et « trop flou ». Cela accorde trop de pouvoirs au Premier ministre alors que les tendances démocratiques dans le monde veulent que les chefs de gouvernement et chefs d’État aient moins de pouvoirs. À Maurice, note-t-il, « on va dans une direction contraire ».
Le projet de loi confère au Premier ministre le droit d’exclure une personne de Maurice « à la base d’informations ou de conseils qui selon le ministre sont fiables ». La même chose est valable pour « des personnes ou catégories de personnes dont la présence à Maurice, à la base d’informations ou de conseils fiables selon le ministre, est préjudiciable à la défense, l’ordre et la sécurité publique, la moralité publique ou la santé publique ».
Pour Shakeel Mohamed, c’est « dangereux » de laisser à un Premier ministre ce droit, d’autant que ce projet de loi est bien trop vague. « Il n’a pas de garde-fous », assure-t-il et déplore que « le projet de loi peut être utilisé comme une arme politique ».
« Même ceux qui travaillent depuis des décennies à Maurice et sont mariés à un citoyen mauricien vont devoir demander un permis de travail », dit Shakeel Mohamed qui voit en cette mesure « une ineptie ». Avec ce texte, on renforce un « sentiment de peur » dans le pays.
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