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Franco Quirin, membre exclu du MMM : «Je me sens plus libre, loin de certains traîtres»

S’il affirme ne pas être aigri, en revanche, Franco Quirin reconnaît être déçu de ne pas avoir été choisi comme ministre des Sports. Il estime avoir été sacrifié sur des critères purement ethniques. Avec du recul, il a décidé de tourner la page, affirmant n’éprouver aucune rancune.

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Vous en êtes à votre quatrième mandat : trois dans l’opposition et cette fois-ci en indépendant…
Effectivement, j’ai été député du Mouvement militant mauricien (MMM) durant trois mandats d’affilée sur les travées de l’opposition, et nous savons comment fonctionnait le Parlement durant les cinq dernières années. Je peux dire que ma tâche n’a pas été de tout repos et j’ai tout fait pour « put to task » le gouvernement sortant, que ce soit sur les dossiers sportifs, sociaux ou autres.

On vous connaît comme un passionné du monde sportif, avec vos questions parlementaires concentrées sur ce sujet. Vous attendiez-vous à être le ministre des Sports ?
Depuis le collège, je participais à des activités sportives et j’étais même président d’un club sportif. J’ai été élu municipal entre 1996 et 2005, maire en 2000. À la mairie des villes sœurs, j’ai occupé pendant des années la fonction de président de la Commission des sports. Au Parlement, la plupart de mes interpellations entre 2010 et 2024 étaient centrées sur le monde sportif, que ce soit contre les ministres Rittoo, Sawminaden ou Toussaint. La population reconnaît le travail effectué durant ces années.

Vous ne répondez pas à la question…
Ce qui devait arriver n’est jamais arrivé, voilà ma réponse.

J’aurais probablement considéré et accepté un poste de Junior Minister dans un autre ministère que celui des Sports»

Le MMM vous aurait proposé un poste constitutionnel au sein de l’Assemblée nationale, que vous auriez refusé. Pourquoi ?
Le leader du MMM m’a proposé uniquement le poste de Deputy Whip du Parlement, que j’ai refusé.

Vous aurait-on proposé le poste de Junior Minister auprès de Deven Nagalingum ou un autre poste de Junior Minister dans un autre ministère ?
Non, on ne m’a jamais proposé le poste de Junior Minister aux Sports ou ailleurs dans un autre ministère. Si cela avait été le cas, j’aurais probablement considéré et accepté un poste de Junior Minister dans un autre ministère que celui des Sports. Si on avait favorisé « the right person in the right place », avec mon expérience et mes compétences à ce poste, j’aurais accepté. Mais il n’y a pas de doute : j’ai été sacrifié et tout le monde le sait.

Au nom de quoi ?
Durant la campagne électorale, toute la population, les électeurs de ma circonscription et le mouvement sportif pensaient que je serais le ministre des Sports en cas de victoire de l’Alliance du Changement. Même l’un de mes colistiers – vous devinez lequel – le disait ouvertement durant la campagne électorale. Tout se passait bien, je présentais et défendais le programme de l’Alliance du Changement sur les radios et à la télé aussi. 

Mais, au moment de désigner les ministres, tout a foiré. Ce n’est pas une question d’être ministre à tout prix, mais je me suis donné à fond durant ces 15 dernières années au Parlement sur le dossier sportif, et je m’attendais à ce que le travail effectué, ma fidélité au parti, au leader et la maîtrise soient récompensés. Malheureusement, d’autres critères ont été pris en compte, parait-il, pour la nomination des ministres. 

Une question d’ethnicité ?
Certainement. Si j’appartenais à une autre communauté, m’aurait-on sacrifié ? On aurait pris plus de précautions, de peur de froisser certaines sensibilités. Il est clair que j’ai été sacrifié sur l’autel de l’ethnicité.

Après une trentaine d’années au MMM, vous voilà, après ce troisième 60-0 et trois mois au pouvoir, siégeant en indépendant. Que s’est-il réellement passé ?
Cela fait 30 ans que je milite au sein du MMM. Revenons aux événements qui ont suivi les élections de 2024. Paul Bérenger m’a appelé et m’a proposé le poste de Deputy Whip, une offre que j’ai refusée. 
Au moment de la prestation de serment des députés au Parlement, le 29 novembre, j’avais pris la décision d’être positif quant à mon avenir, de me recentrer sur moi-même et d’accepter la situation. J’allais effectuer mon travail en tant que simple backbencher de la majorité. Mais au sein du MMM, certains voulaient ma tête. Ils souhaitaient m’exclure du Bureau politique, ainsi que de mon poste de vice-président du MMM. 

Depuis le 16 décembre 2024, la direction du MMM avait pris la décision de m’exclure du parti, une décision ratifiée par le comité central, le 11 janvier 2025. Le prétexte avancé ? Que je me serais auto-exclu du parti. Il est vrai que j’avais choisi de ne pas assister à deux ou trois réunions du MMM, non par rébellion, mais par déception et par besoin de recul. Cependant, il est clair que mon exclusion précipitée a été orchestrée par le Bureau politique.

Il est clair que mon exclusion précipitée a été orchestrée par le Bureau politique»

Vous a-t-on officiellement informé que vous aviez été exclu ?
Non, je n’ai jamais reçu de lettre ou de correspondance officielle m’informant que je ne faisais plus partie du MMM. Si l’on me reprochait quoi que ce soit, on aurait dû me le dire clairement et officiellement. Malheureusement, voilà ce qu’est devenue la démocratie interne du MMM.

Vous auriez pu finalement demeurer député, mais en tant que backbencher, s’il n’y a rien d’officiel…
La Speaker m’a informé avoir reçu un courrier du secrétaire général du MMM indiquant que je ne faisais plus partie du parti. Pour elle, cela impliquait automatiquement que je ne faisais plus partie de la majorité. C’est dans l’exercice de ses prérogatives qu’elle m’a alors proposé de siéger en tant que député indépendant.

Les 100 jours du nouveau gouvernement sont terminés. Quel regard portez-vous sur sa performance ?
Ce gouvernement a bénéficié du soutien massif de l’électorat. La population voulait se débarrasser du MSM et de ses alliés. Un vent de colère soufflait sur le pays : la population a voulu sanctionner le gouvernement sortant qui a mis le pays « anbalao ».

Les attentes sont grandes. La population espère que les promesses faites durant la campagne électorale, inscrites dans le manifeste du parti, se concrétiseront. Trois mois ne suffisent peut-être pas pour juger un gouvernement. Les citoyens veulent voir la méritocratie s’appliquer réellement, que les problèmes quotidiens, notamment la cherté de la vie, soient pris à bras-le-corps. Ils souhaitent que les jeunes cessent de quitter Maurice, et qu’ils puissent accéder à des postes en fonction de leurs compétences et non de leurs connexions.

On ne peut pas juste prendre les mêmes et recommencer. Même en tant qu’indépendant, je continuerai à soutenir le programme du gouvernement, tant qu’il ira dans la bonne direction.

Au niveau du MMM, certains disent que sans Rajesh Bhagwan, vous ne seriez rien au n° 20 (Beau-Bassin/Petite-Rivière). Que leur répondez-vous ?
Cela me fait rire, et le simple fait d’affirmer une ineptie pareille confirme la petitesse d’esprit de certains au MMM. Mon bilan parle de lui-même, mes mandants et la population me connaissent, et ils savent ce que je vaux. Je ne fais pas de la politique pour être élu coûte que coûte en tête de liste, contrairement à certains.

Est-ce à dire que certains au MMM sont prêts à écraser leurs propres colistiers pour sortir en tête de liste ?
Effectivement, certains au MMM sont obsédés par la première place, quitte à multiplier les coups bas contre leurs propres colistiers. Seki kone, kone.

Êtes-vous un militant aigri ?
Non, je ne suis pas du tout aigri, bien au contraire, je me sens plus libre, loin de certains traîtres. Ils ne sont pas nombreux. J’ai toujours travaillé en équipe. Ek mwa, pena koupe transe, bizin vot blok. Jamais je n’ai trahi mes colistiers, ni ne leur ai-je planté un couteau dans le dos, contrairement à certains qui se reconnaîtront.

Harcèlerez-vous le nouveau ministre des Sports ou serez-vous indulgent ?
Je poserai mes questions, sans être vindicatif vis-à-vis de Deven Nagalingum. C’est à lui de ne pas se laisser déstabiliser, car je serai là pour dénoncer d’éventuelles failles. Si mes questions l’embarrassent, ce ne sera pas mon problème. Je ne serai ni complaisant ni acharné. 

Je ne fais pas de la politique pour être élu coûte que coûte en tête de liste, contrairement à certains»

Lors de votre intervention sur le discours-programme, vous vous êtes concentré sur la problématique de la drogue. Pourquoi ?
D’abord, je n’avais que 10 minutes pour mon discours. Ensuite, c’était un choix, car la drogue synthétique fait des ravages, que ce soit au n° 20 ou ailleurs. Aujourd’hui, qu’on soit en ville ou dans les villages, toutes les couches sociales sont touchées. Ce sera mon cheval de bataille, tant pour ma circonscription que pour l’ensemble du pays. J’ai vu des familles détruites, des jeunes qui frappent leurs parents et les volent pour s’acheter de la drogue. Ils dérobent des biens pour les revendre à vil prix.

Il y aura une nouvelle agence menée par Sam Lauthan et une équipe de travailleurs sociaux. Enfin, après la disparition de la Natresa ?
J’accueille positivement cette nouvelle agence, mais il faut davantage impliquer ceux qui connaissent réellement le terrain. Il est temps de frapper fort contre les barons de la drogue, avec des opérations coup de poing, non pas une fois par mois, mais tous les jours. Il faut les traquer sans relâche et leur faire comprendre que les autorités, notamment la police ou l’armée, sont leurs principaux ennemis, car ils détruisent nos jeunes, transformés en zombies.

Maintenant que vous êtes hors du MMM, quelle est la suite pour vous ?
J’ai été élu sur un programme de l’Alliance du Changement. L’avenir nous le dira.

Prendrez-vous votre retraite politique après ce quatrième mandat ?
Pourquoi devrais-je me ranger sur une voie de garage ? Ce n’est pas parce que je ne suis plus au MMM que je vais arrêter de fonctionner. 

Créer un nouveau parti, cela vous tente-t-il ?
Pas pour le moment. On sait que les petits partis ont du mal à s’imposer à Maurice. On verra bien avec le temps.

Pravind Jugnauth a été arrêté aux premières heures de la matinée, dimanche dernier, sous une accusation provisoire de blanchiment d’argent, après la saisie de valises remplies d’argent et de bijoux de luxe. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
Un dénommé Josian Deelawon a incriminé Pravind Jugnauth et son épouse. Une enquête policière est en cours. Il convient de laisser la justice faire son travail. Nous en saurons probablement plus dans quelque temps sur cette affaire.

Nous nous retrouvons avec deux anciens Premiers ministres, dont l’un a retrouvé le pouvoir, impliqués dans des affaires de blanchiment d’argent. Pensez-vous que cela aura un impact sur l’image de notre pays au niveau international ?
Personne n’est au-dessus des lois. Au contraire, je pense que cela prouve à la communauté internationale que nos institutions fonctionnent désormais en toute indépendance.

D’aucuns estiment que les ennuis actuels de Pravind Jugnauth seraient le fruit d’une « vengeance » du Premier ministre actuel. Partagez-vous cet avis ?
Je ne pense pas que ce soit le cas. Mais il vaudrait mieux poser la question directement au Dr Ramgoolam.

 

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