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Financement des partis politiques : un ‘non’ unanime du côté des politiciens

Les partis politiques de l’opposition parlementaire sont unanimes sur le caractère inadéquat de la proposition de projet de loi du gouvernement sur la réforme électorale. Tous ne sont pas en désaccord pour les mêmes raisons, mais le résultat final est le même : personne ne veut de cette loi sous sa forme actuelle. Seule Manisha Dookhony, économiste et observatrice plutôt qu’actrice dans la sphère politique, a un avis contraire.

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Jack Bizlall, du Mouvement Premier Mai : Arrêter le financement occulte

Pour Jack Bizlall, il est primordial de mettre fin au financement occulte des partis, non seulement par les entreprises, mais aussi par les pays étrangers, à l’instar des états-Unis, qui financeent massivement certains parti, selon lui. « Il faut trouver un financement alternatif. Ce n’est normal qu’une entreprise puisse financer un parti politique. »

Financement par les membres

Pour remplacer le financement occulte, il faudrait un retour au financement par les membres. Jack Bizlall explique que les partis politiques ont en moyenne 300 à 400 agents qui ne les financent pas : « Ce sont les partis, à savoir les leaders qui les financent ! »

Financement par l’État

Autre source de financement possible : l’État. Cela aurait l’avantage de loger tout le monde à la même enseigne : « Sur le principe, c’est bien que l’État finance les partis, mais uniquement pour la distribution et la vulgarisation de son programme, les publicités dans les journaux et les interventions sur les radios privées. »

Les objectifs pas atteints

Il s’agit, en fait, d’une loi qui veut « joindre l’utile à l’agréable » et se débarrasser du financement occulte, tout en légitimant celle des entreprises. Selon Jack Bizlall, la conséquence est que le financement occulte se poursuivra et celle devenue légale bénéficiera aux mêmes.


Ashok Subron, de Rezistans ek Alternativ : Création d’une plutocratie

Rezistans ek Alternativ (ReA) réclame « le retrait immédiat » du projet de loi et d’amendement constitutionnel. Dans un commentaire donné samedi, le parti de gauche explique que la proposition « représente une codification de la démocratie en une plutocratie » (le pouvoir du peuple transféré aux mains des riches et des capitalistes).

La Commission électorale en KGB

Les nouveaux pouvoirs accordés à l’Electoral Supervisory Commission (ESC) posent également problème. Celui-ci estime que la loi transformera la Commission en « une sorte de KGB », qui pourrait devenir un outil de persécution, du fait que la Commission peut décider des conditions d’enregistrement ou non d’un parti.

L’absence de limites sur les donations privées et la possibilité de faire des dons jusqu’à Rs 40 millions en nature sont également critiqués par le parti.

Trafic d’influence sans précédent

Pour ReA, la possibilité de recevoir de l’argent en dehors des périodes électorales pourrait « ouvrir la porte à un trafic d’influence d’une magnitude jamais atteinte à Maurice ». Il lance un appel réclamant « le retrait de ce projet de loi et l’institution d’un Select Committee pour permettre au public de donner son opinion ».


Manisha Dookhony, économiste et observatrice : Minimiser les influences indues

Ce projet de loi devrait permettre de minimiser l’impact de l’influence indue, selon l’économiste Manisha Dookhony. « D’un autre côté, cela protègera les entrepreneurs de demandes exagérées des partis, car cela apportera un soulagement aux entreprises, qui sont souvent contraintes de financer les partis, par peur de représailles. » La nouvelle loi permettrait de mettre en évidence que les entreprises financent en fait tous les partis.

Le financement par l’État aurait accentué les inégalités

Elle se démarque des critiques concernant l’abandon de l’idée de financement par l’État. « La formule proposée initialement faisait la part belle aux ‘grands partis’ et donnait peu de considération aux groupes de moyenne ou de petite taille aspirant à être des participants sur l’échiquier politique. » Elle estime que le financement zéro par l’État est préférable, car l’ancienne formule n’aurait fait qu’ajouter plus d’argent dans les caisses des partis qui en avaient déjà.

Quid des fonds existants ?

Maneesha Dookhony soulève néanmoins une question : si l’objectif de la loi est de mettre tout le monde sur un pied d’égalité, que faire concernant les fonds existants des partis politiques ? « Est-ce que cela ne devrait pas être aussi comptabilisé ? »


Les principaux points du Financing of Political Parties Bill

  • Les pouvoirs de la Commission électorale et du Commissaire électoral sont élargis pour leur donner un rôle de supervision des dépenses des partis politiques, avec l’émission de directives et d’avertissements.
  • Tous les partis politiques seront enregistrés auprès de la Commission électorale et non seulement pour les besoins de l’élection.
  • Aucun nouveau parti ne pourra s’enregistrer durant les dix jours précédant le Nomination Day.
  • Le plafond des dépenses pour les élections : Rs 80 millions par parti ou alliance, Rs 1 million par candidat et Rs 1 million par circonscription.
  • Seul le trésorier d’un parti peut accepter des donations.
  • Les donations anonymes, d’entités étrangères, de groupes religieux et de corps para-étatiques seront interdites.
  • Les entreprises doivent voter une résolution au niveau du conseil d’administration pour faire une donation à un parti.
  • Le rapport financier de l’entreprise devra préciser la somme contribuée à un parti ou à un candidat.
  • Chaque parti devra avoir un registre des donations avec tous les détails nécessaires.
  • Les donations en nature ne peuvent dépasser 50 % du plafond de dépenses totales.
  • Le trésorier de chaque parti devra s’assurer que les comptes du parti sont à jour.
  • La Commission électorale devra préparer un rapport sur chaque rapport financier soumis par les partis, qui sera déposé à l’Assemblée nationale.
  • Après les élections, le secrétaire général d’un parti devra soumettre un reçu pour chaque dépense excédant Rs 5 000.
  • Un parti n’aura droit qu’à un seul quartier général par circonscription et une seule « baz » par zone d’enregistrement.

Ce qui a changé depuis novembre 2018

C’est le vendredi 30 novembre 2018 que Pravind Jugnauth anime une conférence de presse au bâtiment du Trésor pour présenter un document de sept pages résumant les propositions du gouvernement pour un texte de loi sur le financement des partis politiques.

Depuis, il y a eu des changements conséquents dans son contenu et le Financing of Political Parties Bill est au final très différent de ce qui a été proposé. Voici un résumé de ces changements majeurs :

  • Le document d’origine propose que l’État finance les partis politiques pour que tous soient à pied d’égalité. La condition était d’avoir réuni au moins 10 % des suffrages. Cette proposition est abandonnée.
  • Pravind Jugnauth était catégorique face aux questions de la presse : le registre des donations ne serait pas rendu public et les entreprises n’auront pas à spécifier quelle somme ils ont donné à quel parti. Cette fois, le projet de loi précise que, dans son bilan financier, une entreprise devra préciser « the amount of donations made to a registered political party » ou un candidat. Il ne s’agit plus de dévoiler un chiffre global pour toutes les donations.
  • Concernant les donations en nature, la première proposition indiquait qu’il n’y aurait aucune restriction. Cette fois, il est précisé qu’elles ne devront pas dépasser 50 % du plafond autorisé, qui est d’un maximum de Rs 80 millions pour un parti/alliance alignant 60 candidats.
 

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