Le tant controversé Financial Crimes Commission (FCC) Bill sera, de nouveau, au cœur des débats à l’Assemblée nationale ce mardi. Les inquiétudes, elles, continuent de grossir, notamment en ce qui concerne le processus de nomination du directeur de la commission. Certains experts estiment que l’indépendance constitutionnelle de ce poste est cruciale pour assurer l’intégrité de la FCC.
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Le Financial Crimes Commission (FCC) Bill largement controversé continuera à faire couler de l’encre cette semaine. Les débats autour de ce projet de loi reprendront à l’Assemblée nationale ce mardi 19 décembre 2023 (voir encadré). Depuis son annonce, plusieurs inquiétudes émergent, notamment au sujet des pouvoirs conférés à la commission et la diminution du rôle du Directeur des poursuites publiques (DPP). Une autre préoccupation majeure porte sur le processus de nomination du directeur de la FCC.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi prévoit que ce sera le président de la République qui devra nommer le directeur après avoir reçu les recommandations du Premier ministre. Des consultations sont certes prévues avec le leader de l’opposition, mais c’est le chef du gouvernement qui aura le dernier mot dans le choix du titulaire du poste. Ce qui signifie que les consultations avec l’opposition seront essentiellement sans impact.
Paul Bérenger a soulevé cette préoccupation lors de son intervention dans le cadre des débats le vendredi 15 décembre 2023. Il a axé une partie significative de son discours sur le processus de nomination et sur l’importance de développer une pratique plus conforme aux normes de bonne gouvernance.
Le leader du Mouvement Militant Mauricien (MMM) a proposé, en premier lieu, que le directeur de la FCC soit nommé par la Judicial and Legal Service Commission. En deuxième lieu, il a suggéré d’adopter le modèle sud-africain, où un « public protector » est nommé par les parlementaires et jouit de pouvoirs constitutionnels.
Ces propositions lancent une réflexion approfondie sur les modèles de nomination qui sont les plus susceptibles d’inspirer confiance au public. La question fondamentale est de savoir comment assurer une nomination impartiale, transparente et basée sur le mérite, tout en préservant l’indépendance nécessaire à l’exercice des fonctions de la FCC.
Privy Council
Sensible aux enjeux liés au besoin d’impartialité du directeur de la FCC, Parvez Dookhy, expert dans la Constitution mauricienne, propose une solution qui va au-delà des suggestions faites jusqu’ici. Il suggère que ce soit le Privy Council qui se charge de superviser rigoureusement l’exercice de nomination du directeur. Raison : « il représente véritablement la plus haute instance judiciaire de Maurice, étant le dernier recours légal pour tous les citoyens mauriciens, avec des décisions contraignantes. »
Parvez Dookhy est convaincu que cette instance judiciaire serait le mécanisme idéal pour garantir une impartialité totale dans le jugement, éliminant tout soupçon de parti pris politique. « En plaçant la nomination du directeur de la FCC entre les mains d’une entité indépendante telle que le Privy Council, cela assurera une évaluation objective des candidats, basée uniquement sur le mérite et les qualifications, sans aucune influence politique », dit-il.
Contrat non-renouvelable
Parvez Dookhy soulève une autre préoccupation légitime. Elle concerne la nature du contrat du directeur de la FCC ; il sera renouvelable. C’est un aspect qui, selon lui, compromettra sérieusement l’indépendance du titulaire de ce poste crucial. « Sachant que son contrat est sujet à un renouvellement, il pourrait se sentir incité à ménager les sensibilités du gouvernement en place pour assurer sa reconduction », soutient l’avocat.
Pour y remédier, il propose d’étendre la durée du contrat à, par exemple, six ans, tout en excluant la possibilité d’un renouvellement. Cette proposition, selon Parvez Dookhy, vise à offrir au directeur la stabilité nécessaire pour exercer ses fonctions en toute indépendance, sans être influencé par la perspective d’un renouvellement de contrat.
En plaidant pour un contrat non renouvelable, Parvez Dookhy espère instaurer un cadre qui permettra au directeur de la FCC de se consacrer pleinement à ses responsabilités sans craindre de pressions politiques. « Cette proposition, si elle est adoptée, pourrait contribuer à renforcer la confiance du public dans l’intégrité et l’impartialité de la FCC, tout en assurant que le directeur puisse exercer ses fonctions sans craindre des implications politiques », dit-il.
L’ancien juge Vinod Boolell, qui fait aussi partie de ceux qui appellent à une réforme du processus de nomination du directeur de la FCC, propose de confier cette responsabilité à la Judicial and Legal Service Commission. Il fait ressortir que cette dernière a fait preuve d’une crédibilité et d’une rigueur sans failles lors de précédentes nominations, notamment pour les postes de chef juge et de DPP.
« Les choix faits par cette commission n’ont jamais donné lieu à des controverses. Cela démontre sa crédibilité et son sérieux », dit-il. Il estime aussi que si le Premier ministre conserve le pouvoir de décider du renouvellement du contrat, le directeur sera inévitablement perçu comme étant proche du chef du gouvernement, ce qui pourrait compromettre son impartialité.
Pour l’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low, la clé de l’efficacité et de l’intégrité du directeur d’une institution telle que la FCC réside dans son indépendance constitutionnelle. Selon lui, cette mesure est essentielle pour accorder au directeur toute la latitude nécessaire et le mettre à l’abri des pressions politiques potentielles de la part d’un gouvernement.
Jocelyn Chan Low recommande que le poste de directeur général de la FCC soit érigé en un poste constitutionnel. Une mesure cruciale, à ses yeux, car cela garantirait au directeur une indépendance totale dans l’exercice de ses fonctions. « Lorsqu’il entreprendra ses enquêtes, il devra être libre de travailler en toute indépendance. C’est uniquement en étant protégé constitutionnellement que cela permettra à un directeur d’une telle institution d’être impartial », conclut-il.
Quatre membres du GM pour clore les débats
La clôture des débats autour du FCC Bill se fera par quatre membres du gouvernement. C’est la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, qui ouvrira les discussions mardi. Le ministre du Transport, Alan Ganoo, prendra ensuite la relève, suivi de l’Attorney General Maneesh Gobin. Finalement, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, conclura les délibérations.
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