Avec les comportements et les aspirations des jeunes qui évoluent constamment, les employeurs ont de plus en plus de difficultés à les retenir dans les entreprises. Qu’est-ce qui explique cette tendance ? Quelles en sont les conséquences ? Comment fidéliser la jeune génération au travail ? Le point.
La génération baby-boomers (1945 - 1965) et la génération X, également appelés « Baby dust » (1965 - 1980) ont évolué avec une idée de carrière bien précise. Pour eux, avoir un travail stable dans une entreprise où ils pouvaient progresser et y faire carrière était synonyme de réussite. Pour les jeunes générations, toutefois, les Millenials (1980-2000) et la génération Z (après 2000), c’est une autre affaire. Ils ne cessent de passer d’une entreprise à une autre, et d’expérience en expérience, d’où la tendance du « job hopping ».
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Astrid Vuddamallay Sylvie, Talent Management Lead chez MyJob.mu, affirme que les profils des « job hoppers » ont largement bouleversé le milieu du travail. « Avec l’évolution du marché de l’emploi, l’introduction de nouvelles formes de travail et le changement des mentalités, les jeunes générations n’aspirent plus à la même carrière que les précédentes », indique-t-elle. Pour sa part, Ravish Pothegadoo, fondateur et directeur de Talent On Tap, avance qu’un salarié reste en moyenne cinq ans dans la même compagnie.
De son côté, Areff Salauroo, président de l’Association of Human Resource Professionals of Mauritius (MAHRP), explique que les jeunes de la génération Y ont des attentes différentes en matière de carrière professionnelle. Selon lui, ces jeunes cherchent l’autonomie, les retours en temps réel, la variété des compétences et l’identité de la tâche. Ils attachent une importance considérable à la significative de leurs contributions, préférant la visibilité et la reconnaissance. « Les responsables des ressources humaines ont pris conscience de cette tendance observée chez les jeunes générations. Ils ont compris que la gestion de la fidélisation des employés sera un défi majeur dans les années à venir », confie notre interlocuteur.
Conséquences sur les entreprises
Chaque départ représente un défi réel. « Tout d’abord, il faut recruter le plus vite possible. Ensuite, il faut organiser le on-boarding de la nouvelle recrue. Puis, il va falloir former le nouvel employé afin de s’assurer qu’il puisse fonctionner comme son prédécesseur », explique Areff Salauroo. Un avis que partage Astrid Vuddamallay Sylvie. « Le processus de recrutement représente une dépense considérable pour les entreprises. Il y a aussi le temps précieux que consacre l'administration et les superviseurs lors de la formation sur le terrain », soutient-elle.
Le départ d'un employé, fait-elle ressortir, peut soulever des inquiétudes chez ses collègues concernant leur propre avenir au sein de l'entreprise, et peut même les inciter à chercher des opportunités ailleurs. Cela peut déclencher un effet domino qui se propage rapidement parmi les employés, créant une onde de démotivation et de perte de productivité considérable pour l'entreprise.
Ravish Pothegadoo abonde dans le même sens. « Un mouvement important du personnel représente un surcoût financier pour l’organisation », dit-il. De plus, il souligne que le problème est d'autant plus important si le salarié en question était responsable d'un portefeuille de clients, car son départ pourrait entraîner une perte de ces clients au profit de sa nouvelle entreprise.
Toutefois, selon Astrid Vuddamallay Sylvie, ces jeunes talents représentent également de véritables atouts lors de l'embauche. Leur capacité d'adaptation et leur ouverture au changement leur permettent de s'intégrer plus facilement et de faire face aux situations complexes avec moins de stress. De plus, étant constamment à la recherche de nouvelles expériences, les « job hoppers » peuvent se voir offrir une opportunité par l'entreprise d’évoluer vers des postes plus hautement qualifiés et ainsi accroître leur valeur ajoutée.
Les propositions pour assurer la fidélisation des jeunes dans l’entreprise
Mettre en place une politique de rémunération attractive
Ravish Pothegadoo affirme que la rémunération salariale et les primes constituent des éléments clés d'un package de rémunération compétitif. « Il est essentiel que la paie proposée soit juste et cohérente avec les pratiques du marché et qu'elle récompense les efforts fournis par les employés ».
Renforcer la participation et la communication
Selon nos interlocuteurs, il faut miser sur la participation, la collaboration et la communication. Les jeunes, disent-ils, privilégient un environnement de travail plus agile, où ils peuvent s’exprimer plus facilement. Du coup, il est essentiel d'organiser régulièrement des ateliers et des sessions de brainstorming.
Offrir plus de flexibilité et valoriser les tâches
Areff Salauroo soutient qu'il est crucial d'offrir plus de flexibilité aux jeunes employés et de mettre en place une stratégie pour développer leurs compétences et valoriser leurs tâches. De son côté, Astrid Vuddamallay Sylvie affirme que pour les jeunes, le présentéisme n'est pas synonyme de réussite. Ils cherchent un équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle grâce à la flexibilité dans l'organisation du travail.
Créer un meilleur environnement de travail
Selon Areff Salauroo, il faut porter une attention particulière à l’environnement du travail, en essayant de promouvoir une bonne ambiance. Un avis que partage Astrid Vuddamallay Sylvie. « Les moins de 30 ans se renseignent sur les entreprises avant de postuler. Le poste est, certes, important, mais l’environnement de travail l’est également pour eux et surtout la réputation de l’entreprise », dit-elle.
Mettre en place une politique de parrainage / programme de recommandation
Ravish Pothegadoo suggère que les employeurs récompensent les salariés qui amènent des candidats, car cela permettrait au nouvel employé de se reconnecter avec ses anciens collègues et de se sentir à nouveau à l'aise dans son environnement de travail.
Questions à…
Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius : « Il est nécessaire de repenser l’emploi de manière systémique »
De nombreux employeurs affirment que les jeunes ne restent pas longtemps dans les entreprises. Faites-vous le même constat ? Qu’est-ce qui explique cette tendance ?
Le temps où l'on désirait un emploi pour la vie est révolu. Aujourd’hui, nous parlons d’une réserve de candidats talentueux avec des compétences acquises sur le terrain. D’ailleurs, il est désormais normal, voire préférable, d'accepter un certain niveau de mobilité pour rester compétitif.
Cependant, lorsque les compétences dans un domaine sont rares, cela entraîne une guerre des talents où les entreprises rivalisent pour recruter des employés qualifiés, entraînant ainsi une inflation des salaires au-delà de l'offre et de la demande. Ce phénomène est particulièrement observé dans les secteurs de l'ICT-BPO et des finances.
Comment cette situation peut-elle affecter les opérations de l’entreprise ?
Un taux d'attrition normal est facilement gérable et même prévisible. En revanche, lorsque ce taux s'accélère, cela a un impact direct sur les entreprises qui ont déjà investi beaucoup dans la formation de leurs employés avant même leur intégration. Nous sommes également confrontés à une pénurie de main-d'œuvre locale dans plusieurs secteurs, ce qui nécessite une certaine flexibilité de la part des entreprises et des autorités pour recruter des travailleurs étrangers.
Que proposez-vous pour assurer la fidélisation des jeunes à l'entreprise ?
Le débat ne se limite pas à la simple question de la fidélisation. Il est nécessaire de repenser l'emploi de manière systémique. C'est dans cette optique que nous avons récemment lancé le National Employee Engagement Survey, qui vise à donner la parole aux employés pour mieux comprendre leurs attentes à l'échelle nationale. Il est également important de prendre en compte les plans de carrière et les encadrements qui pourraient permettre aux talents de se développer au sein de l'entreprise tout en équilibrant leur vie professionnelle et personnelle.
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