Fermeture de l’écurie Gujadhur après 118 ans : Baroud d’honneur de Ramapatee Gujadhur

Ce sera la dernière fois que l’écurie Gujadhur alignera des partants lors d’une journée de courses au Champ de Mars. L’entraîneur Ramapatee Gujadhur rendra son tablier à l’issue de la dernière épreuve de ce dimanche, mettant ainsi fin à plus d’un siècle d’histoire.

La plus vieille écurie du turf mauricien mettra la clé sous le paillasson après la 39e et dernière journée qu’organisera la MTC Sports & Leisure Ltd (MTCSL). Cela, au grand dam des nombreux fans et des turfistes mauriciens et étrangers. L’aura de l’écurie Gujadhur, fondée en 1904 par Rajcoomar Gujadhur, était plus qu’emblématique et dépassait nos frontières.

« It’s time to say goodbye », indique Ramapatee Gujadhur, celui qui est à la tête de l’établissement le plus populaire de l’île depuis 2002. On ne verra donc plus l’écurie Gujadhur l’année prochaine. Une décision difficile mais nécessaire au vu des circonstances. « Ce n’est plus viable de rouler une écurie, car le Mauritius Turf Club (MTC) a substantiellement réduit les subsides offerts aux écuries. Le club ne peut organiser que vingt journées de courses et il a perdu le bail pour le Champ de Mars », a expliqué le patron de l’établissement.

En octobre dernier, l’entraîneur emblématique s’était plaint des conditions dans lesquelles évolue l’industrie, notamment l’état de la piste, le niveau de la compétition, les soupçons de mauvaises pratiques, les sanctions qui peinent à tomber à la Horse Racing Division (HRD), les problèmes liés à l’importation des chevaux et le coût élevé du fret.  

« J’avais déjà annoncé la fermeture de l’écurie. Beaucoup de personnes pensaient que je voulais seulement faire peur. Mais je dois mettre l’accent sur le fait que nul n’est indispensable. Je ne veux pas entrer encore dans des controverses », indique Ramapatee Gujadhur.

Il ajoute que tout le monde sait pourquoi il se retire. Il dit en avoir discuté avec son épouse, avec son fils Gopal et avec ses petits-enfants. « On est arrivé à la conclusion qu’il est temps de dire au revoir. Ce n’est pas de gaieté de cœur que je pars. But when the curtain falls, one must withdraw », soutient-il.

« Mr Classic » tire sa révérence

« Mr Classic » tire sa révérence après 21 ans à la tête de l’écurie Gujadhur. Durant tout ce temps, il a ramené 585 victoires, dont 24 dans des courses classiques. Il a raflé le titre d’écurie championne en deux occasions et celui d’entraîneur champion, soit en 2012 et en 2015.

Quid de ses chevaux ? Certains coursiers de l’effectif leur appartiendront toujours, alors que les autres seront vendus à d’autres entraîneurs. « J’ai des chevaux valables. Je suis déjà en pourparlers avec certaines personnes. Mais je ne veux pas non plus laisser tomber mes palefreniers, même s’ils sont employés par le MTC. Avant mon départ, je ferai en sorte qu’ils obtiennent une place dans un autre yard. Ce sera une des conditions lorsque je vendrai les chevaux », précise Ramapatee Gujadhur.

Toutefois, la casaque bleu électrique ne disparaîtra pas totalement de l’univers hippique mauricien. « Je suis très attaché à cette casaque bleu électrique. Il y a une possibilité, peut-être pas sous mon nom, qu’on la voie dans une autre écurie. On essaiera d’être présent dans les courses classiques, surtout dans le Maiden », indique Ramapatee Gujadhur. Il se peut que son fils, le Dr Gopal Gujadhur, et lui, ainsi que des membres de leur famille soient toujours propriétaires de chevaux la saison prochaine.

C’est un fait incontestable que l’écurie Gujadhur est la plus populaire de l’île. Elle aura en tout cas marqué l’histoire des courses. C’est avec beaucoup de tristesse que le monde hippique a appris la nouvelle de sa fermeture. Elle laissera un grand vide derrière elle.

Les victoires classiques de Ramapatee Gujadhur

Une page sombre de l’histoire hippique s’écrit

La nouvelle a eu l’effet d’une bombe. L’écurie Gujadhur, qui est la plus veille du turf local et qui a provoqué des ascenseurs émotionnels pendant 118 ans, tire sa révérence. La tristesse est palpable. Les fans sont unanimes à dire que sa fermeture sera à jamais perçue comme une page sombre de l’histoire hippique. La parole à quelques turfistes.

La nostalgie se mélange à la mélancolie quand Rownakh Padaruth exprime son sentiment sur la fermeture de l’écurie Gujadhur. Toute l’enfance de ce Portlouisien de 20 ans a été rythmée par les rues trépidantes et bruyantes de la capitale lors des journées de courses hippiques le samedi. Le retrait de la plus vieille écurie de Maurice lui donne un pincement au cœur. C’est comme un chapitre qui se ferme sur ses souvenirs d’enfance.

« Je suis un enfant de Port-Louis. J’ai adhéré à l’écurie Gujadhur à l’âge de cinq ans. Je pèse mes mots. C’est une grande perte pour l’histoire des courses. L’écurie a tant fait vibrer le public avec des victoires dans des courses classiques grâce à des chevaux comme Senor Versace, II SAGGIATORE et Hinterland. Malgré sa fermeture, elle ne pourra jamais être dissociée de l’histoire des courses hippiques de Maurice », lâche-t-il.

S’il y en a un que cette fermeture n’a pas surpris, c’est Somand Kumar Adheen. « Je m’y attendais. Je ne voyais pas Monsieur Ramapatee Gajadhur, avec une ténacité telle que la sienne, évoluer dans une industrie hippique aussi obscure qu’en ce moment », lâche le Mokassien de 30 ans.

Cependant, il abonde dans le sens de ses confrères turfistes : « Notre quasi-patrimoine national sera en deuil après la disparition du duel de la casaque bleu électrique et celle de l’écurie Gilbert Roussette dans la course pour le Championnat. Que de jolis souvenirs... »

Kevi Imrit entrevoit un sombre avenir pour l’univers hippique local sans la casaque bleu électrique. « C’est triste. Étant moi-même un jeune passionné, j’ai toujours considéré l’écurie Gujadhur comme une référence des journées classiques. Cela me peine d’imaginer que ce ne sera plus que des souvenirs », confie-t-il, ému.

Émotion perceptible également chez Owen Arulandeedum qui peine à se remettre de cette triste nouvelle. C’est avec beaucoup de nostalgie qu’il évoque les souvenirs offerts par cette écurie emblématique qui sera à jamais gravée dans son cœur. « Le turf mauricien perd malheureusement un de ses piliers qui a tant fait vibrer le Champ de Mars. Ses 118 ans d’existence seront à jamais gravés dans notre histoire. »
Il dit néanmoins comprendre les raisons avancées par Ramapatee Gujadhur. « L’industrie hippique, du haut de ses 212 ans d’existence, est au plus bas. Nous remercions malgré tout Monsieur Gujadhur pour les bons souvenirs. Nous espérons revoir un jour cette mythique casaque bleu électrique dans notre hippodrome. »  

Vanshraj Ghina est de ceux qui croient fermement qu’être fan de courses hippiques va de pair avec une admiration pour la légendaire écurie Gujadhur. « Je suis passionné par les courses de chevaux depuis l’âge de 12 ans. J’ai toujours été un fan inconditionnel de l’écurie Gujadhur. Voir ses chevaux franchir la ligne d’arrivée procurait un sentiment singulier que je ne peux pas décrire. Aujourd’hui, voir l’écurie fermer ses portes me fait plus de mal qu’une rupture », indique le Curepipien de 22 ans.

Ce n’est pas Rahuldev Sharma Bollawont qui dira le contraire. Il soutient que c’est une page de l’histoire qui se tourne pour l’industrie hippique. « L’écurie Gujadhur nous a fait vivre de véritables montagnes russes émotionnelles, avec des chevaux de grande prestance qui ont remporté d’importantes courses. Sans oublier ceux qui ont débuté en division inférieure et qui ont remporté des courses classiques. Nous espérons voir la casaque emblématique être représentée dans les grandes courses dans un futur proche », lâche-t-il avec un peu d’optimisme.