Le pays enregistre 50 et 80 nouveaux cas de dengue quotidiennement, indique le Dr Kursheed Meethoo-Badulla. La présente épidémie pourrait durer encore quelques mois avant de s’estomper, ajoute le Dr Shameem Jaumdally, virologue mauricien basé en Afrique du Sud. Afin de contrer la propagation, une vaste campagne de fumigation a été lancée le vendredi 16 février.
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La situation de la dengue n’est pas « alarmante », selon le ministre de la Santé Kailesh Jagutpal. Cependant, il est indéniable que l’épidémie actuelle est bien plus conséquente que celles que nous avons connues jusqu’à présent. Entre 50 et 80 nouveaux cas de dengue sont enregistrés chaque jour, explique le Dr Kursheed Meethoo-Badulla, NCD Coordinator au ministère de la Santé. Compte tenu du fait que cette maladie peut avoir des répercussions graves, telles que de sérieuses complications, et éventuellement la mort chez les patients infectés, les autorités sanitaires ne lésinent pas sur les moyens pour enrayer rapidement cette épidémie, affirme notre interlocutrice. Un fait marquant est que l’épidémie actuelle survient quelques mois à peine après celle de juin 2023 à août de la même année, alors que nous étions en plein hiver.
Diverses approches et méthodes
Commencée le 11 décembre avec des cas sporadiques, l’épidémie actuelle de dengue a connu une explosion depuis le mois de janvier 2024, avec un nombre grandissant de nouveaux cas chaque jour. Cela malgré les diverses mesures prises, telles que les exercices de fumigation et l’aspersion de larvicide, qui sont les méthodes les plus couramment utilisées.
Les autorités se sont lancées dans la technique de l’insecte stérile (TIS), consistant à relâcher dans la nature des moustiques mâles stériles. En s’accouplant avec les femelles, ces dernières pondent des œufs stériles, réduisant ainsi la population de moustiques. Cette méthode a été lancée sur une base pilote dans la région du Champ de Mars depuis un peu plus d’un an et semble porter ses fruits, selon le Dr Diana Iyaloo, avec un taux de réussite de 60 %. L’objectif est d’atteindre 75 % de réussite. En plus de ces méthodes, des ovitrappes létales à auto-dissémination (pièges) pour les moustiques ont été placées. Elles contiennent une solution de pyriproxyfène visant à emprisonner les œufs et les larves pondus par la femelle, empêchant leur développement en répandant le produit qui va s’imprégner sur les insectes.
Compte tenu de la situation, le ministère de la Santé s’est lancé depuis le vendredi 16 février dans une vaste campagne d’éradication des moustiques dans les zones les plus touchées. Cet exercice a débuté à Les Salines et dans les localités avoisinantes. Il devrait s’étendre à d’autres régions, telles que Triolet et Mahébourg, selon le Dr Badulla. Plusieurs équipes de différents organismes collaborent à cette campagne, dont les officiers de la Special Mobile Force et de la Special Supporting Unit, ainsi que les employés du ministère de l’Environnement et de l’Agro-industrie.
Efforts considérables
« La dengue peut causer des complications de santé et peut être fatale dans certains cas. C’est la raison pour laquelle les autorités ont déployé des efforts considérables pour en venir à bout », explique le Dr Kursheed Meethoo-Badulla. Malgré le grand nombre de cas enregistrés quotidiennement, elle affirme que la situation n’est pas alarmante. « Certes, il y a beaucoup de moustiques, mais la situation demeure sous contrôle jusqu’à présent, car les centres de santé ne sont pas débordés. Des tests sont effectués et des traitements sont donnés aux malades », dit-elle.
De surcroît, elle indique que les campagnes de sensibilisation ont été renforcées pour informer la population sur les actions à entreprendre. Elle soutient que bien qu’il y ait effectivement un problème avec les moustiques vecteurs de la dengue, la situation n’est pas hors de proportion. « Nous utilisons le maximum de nos ressources pour faire face à la situation », affirme-t-elle.
L’épidémie actuelle est, en effet, plus conséquente que les précédentes, mais c’est la tendance mondiale, comme le souligne l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce qui se passe à Maurice n’est donc pas exceptionnel. Elle reflète ce qui se passe à l’échelle mondiale, comme le précise l’organisation onusienne, qui a noté que l’incidence de la dengue a progressé de manière spectaculaire, passant de 500 000 cas en 2000 à 5,2 millions en 2019 à travers le monde. « Le nombre de nouveaux cas est proportionnel au taux de moustiques. C’est une situation que nous n’avons pas connue auparavant », fait remarquer le Dr Badulla.
Responsabilité citoyenne
Comme le Dr Badulla, le Dr Jaumdally est d’avis que la population a aussi son rôle à jouer dans le combat contre les moustiques. « En prenant en considération le principal facteur de transmission de la dengue, à savoir le moustique, nous pouvons dire que sa prolifération va déterminer le cours de l’épidémie dans les semaines à venir ». Ainsi, son évolution en février et mars sera cruciale, selon lui. Cela en tenant compte du fait que le pays est dans une période estivale où, en général, les pluies sont assez conséquentes et peuvent s’échelonner sur plusieurs jours, donnant lieu à des accumulations d’eau dans divers endroits. Par conséquent, le nombre de moustiques pouvant être porteurs du virus va augmenter dans les prochaines semaines.
Bien que la pluie soit salutaire pour diverses raisons, elle peut ralentir les campagnes qui sont menées actuellement, fait remarquer le Dr Badulla. En effet, qui dit pluie, dit accumulation d’eau. « S’il pleut en abondance dans les prochains jours, ce sera un plus gros défi pour en finir avec l’épidémie, car il y aura de nouvelles accumulations d’eau et, par extension, une résurgence de moustiques », indique le Dr Badulla. Il n’est pas possible de mener des exercices de fumigation en temps de pluie, car les produits seront lavés, ce qui va ralentir les actions des différentes équipes sur le terrain.
Février et mars, des mois cruciaux
Les mois de février et de mars seront déterminants quant au progrès de l’épidémie de la dengue à Maurice, selon le Dr Shameem Jaumdally. « En prenant en considération l’évolution de l’épidémie que l’île de la Réunion a connue au cours de ces 15 dernières années, nous constatons qu’année après année, le nombre de cas a augmenté. Les mois de février et de mars vont être cruciaux, car il y aura plus de cas », fait-il ressortir. Toutefois, selon lui, on pourrait s’attendre à une baisse dans la quantité de cas en mars.
Cependant, avant cela, avec le nombre de nouveaux cas qui augmente, il y aura plus de risques de patients hospitalisés et peut-être même de décès résultant de l’infection, comme les deux que nous avons connus récemment. « Lorsqu’il y a une hausse du nombre de personnes infectées, le risque est accru pour celles qui ont déjà été infectées par un sérotype prévalant dans l’île, ce qui pourrait entraîner des symptômes plus sévères », fait ressortir le Dr Jaumdally.
Néanmoins, il est d’avis qu’à Maurice, nous sommes toujours dans une phase de micro-épidémie, ce qui signifie que nous aurons des épidémies de temps à autre, avec des cas qui seront en dents de scie, comme nous l’avons connu avec la Covid-19, qui est déjà devenue endémique. Outre les campagnes de démoustication menées par les autorités sanitaires, ce qui prime sur toute autre chose, c’est la responsabilité citoyenne par rapport au nettoyage de sa cour, ajoute le virologue. Pour lui, chacun devrait s’assurer qu’il n’y a pas d’accumulation d’eau et d’endroits qui pourraient servir de gîtes larvaires pour les moustiques.
Cas de mortalité lié à la dengue
Une personne qui a été testée positive à la dengue peut en mourir en raison du risque élevé d’une hémorragie ou du syndrome de choc de la dengue. Ainsi, son décès est attribué à l’infection de la dengue. En revanche, une personne positive à la dengue et qui meurt lors d’un accident de la route verra son décès imputé à l’accident et non à la dengue. De la même manière, une personne qui est atteinte de la fièvre dengue peut mourir d’autres problèmes médicaux dus à ses comorbidités ou à d’autres complications de santé. Dans ce cas, son décès ne peut être attribué à la dengue. Telle est la nuance, fait ressortir le Dr Badulla.
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