
Le dimanche 4 mai 2025, environ quatre cent mille électeurs des cinq villes du pays seront appelés aux urnes pour élire cent vingt représentants municipaux. Cet événement démocratique, en apparence ordinaire, pourrait sembler être un scrutin municipal parmi d’autres. Pourtant, cette élection locale engage en réalité des dynamiques plus profondes : le renouvellement de la démocratie régionale, l’émergence de nouvelles forces politiques, la réaffirmation ou la remise en question de l’ancrage populaire de la coalition gouvernementale, ainsi que l’état de la participation citoyenne.
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“Les citadins sont restés privés de cette consultation démocratique pendant près de dix années.”
Le contexte est singulier. Depuis la dernière tenue des élections municipales, le 15 juin 2015, près de dix années se sont écoulées. Ce jour-là, l’alliance gouvernementale menée par le Mouvement socialiste militant de sir Anerood Jugnauth, fraîchement installé à la tête du pays en décembre 2014, remportait toute la représentation : cent vingt sur cent vingt, symbole d’une domination politique sur les villes, au détriment d’une opposition affaiblie. Les élections suivantes devaient avoir lieu en 2021. Toutefois, la pandémie de covid-19, puis des projets de réforme des administrations régionales annoncés, mais non réalisés, ont offert à l’ancien gouvernement, conduit par Pravind Jugnauth, une justification pour reporter les municipales. Ainsi, les citadins sont restés privés de cette consultation démocratique pendant près de dix années.
Durant cette période, le paysage politique a évolué. Ces municipales du 4 mai 2025 présentent plusieurs premières. Pour la première fois, depuis sa fondation en 1983, le Mouvement socialiste militant ne présentera pas de candidats. Son ancien partenaire, le Parti mauricien social-démocrate de Xavier-Luc Duval, traditionnellement impliqué grâce à son ancrage urbain, ne participe pas non plus. Cette décision est notable, car ce parti n’avait jamais manqué un scrutin municipal. Probablement, le dirigeant considère que le parti n’est pas prêt après sa défaite en novembre 2024.
Dans l’ancienne alliance gouvernementale, seul le Muvman Liberater a aligné quelques candidats. L’absence de la Plateforme militante de Steven Obeegadoo et du Mouvement Patriot Morisien d’Alan Ganoo est remarquée. Ce contexte ouvre une voie à l’Alliance du Changement, la coalition actuellement au gouvernement depuis le 7 novembre 2024, qui présente cent vingt candidats.
De nouvelles énergies
Face à elle, il n’y a pas de concurrent traditionnel. De nouvelles figures et des formations récentes s’engagent : le Reform Party, Linion Moris, En Avant Moris (à Beau-Bassin/Rose Hill), ou encore Idéal démocrate (à Curepipe). Ces entités, parfois émergentes, parfois structurées, tenteront de s’imposer dans un environnement urbain marqué par l’habitude et le scepticisme. Une des grandes questions sera la capacité de ces partis à tirer parti du contexte, à obtenir des sièges, peut-être même à remporter certains quartiers, voire des villes.
Un autre élément clé est le taux de participation. Le 15 juin 2015, seulement 35 % des électeurs ont voté, en diminution par rapport aux 44 % des municipales de 2012. Cette désaffection constituera, cette année encore, un indicateur. Une baisse supplémentaire pourrait indiquer un désintérêt accru pour la démocratie locale ou une désillusion à l’égard de l’Alliance du Changement. Au contraire, une participation dynamique, notamment en faveur de partis alternatifs, signalerait un électorat en quête de renouveau.
Pour la majorité gouvernementale, cette élection sera un test. Six mois après son installation, elle devra analyser avec attention les résultats. Un succès net renforcerait sa légitimité et sa capacité à réformer. Un résultat mitigé et des surprises locales issues des nouveaux partis indiqueraient la nécessité de revoir ses priorités. Ce scrutin pourrait ainsi marquer une étape de réflexion, après six mois de gouvernance.
Les engagements sont importants. L’Alliance du Changement annonce une réforme des administrations régionales. Elle prévoit que la Constitution fasse mention de l’obligation de tenir les municipales à une date fixe. Elle proposera la création de nouveaux conseils municipaux dans de grands villages comme Triolet, Mahébourg et Flacq. Ces projets pourraient transformer la gouvernance locale. Il reste à voir si les citoyens seront convaincus et si la participation sera au rendez-vous.
Un choix pour l’avenir
Le dimanche 4 mai 2025, les électeurs décideront s’ils souhaitent reconduire les équipes de l’Alliance du Changement ou ouvrir la voie à de nouvelles expériences politiques. Ce scrutin permettra aussi d’évaluer si les partis traditionnels, en choisissant de ne pas participer, ont fait un choix pertinent ou évité une déconvenue dans des villes dans lesquelles leur influence est en déclin.
Comme souvent en politique à Maurice, des évolutions majeures peuvent naître de ces rendez-vous locaux que l’on croit secondaires. À travers le calme d’une campagne municipale, à travers les votes déposés dans les urnes, se dessine peut-être un peu l’avenir politique du pays.

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