La fête du Travail a été célébrée pour la première fois à Maurice le 1er mai en 1938. Et depuis, les lois apportées et les conditions de travail se sont grandement améliorées. Aujourd’hui, le travailleur connaît ses droits et se sent protégé par un salaire minimum et contre toute injustice au travail. Quant aux entreprises, elles ne cessent d’investir dans un environnement propice afin de retenir leurs employés. Cependant, avec la mondialisation et surtout avec l’apparition de la COVID-19, le monde du travail connaît des changements constants. Une situation qui oblige les employeurs ainsi que les employés à se préparer pour affronter les nouveaux défis.
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L’appui des autorités
Au niveau du ministère du Travail, les constantes mutations et les tendances dans le monde du travail sont suivies de près. « Il faut se rappeler que suivant les périodes de confinement liées à la COVID-19, nous sommes venus de l’avant avec les règlements du Work-from-Home », dit-on. Par ailleurs, pour contrer les abus rapportés concernant le travail à temps partiel, le ministère a introduit le WRA (Atypical Work) Regulations. « Il était important de donner les mêmes droits et statut à ces travailleurs », affirme notre intervenant. Le ministère accompagne aussi ceux et celles qui souhaitent travailler à l’étranger, en leur apportant conseil en vue de leur éviter d’être victimes d’arnaque. En outre, des améliorations sur les conditions de travail pour certains métiers ont été apportées. Concernant le secteur de la sécurité, par exemple, le temps de travail est passé de 72 heures à 48 heures par semaine. Aussi, des allocations ont été introduites.
Les défis des employeurs
- Investir dans l’innovation
Selon Priscilla Mutty, Head of Human Resources chez Bank One, les entreprises doivent se tenir au courant des nouvelles technologies et de rapidement prendre les devants afin d’investir dans l’innovation continue et s’adapter afin de rester compétitives. « Le profil des employés évoluant rapidement avec une dimension multigénérationnelle, les employeurs se doivent de s’engager à créer un environnement de travail qui soutient la diversité et l’inclusion afin de continuer à être attractifs », dit-elle.
- L’automatisation et la digitalisation
Les défis sont nombreux. C’est qu’affirme Areff Salauroo, président de l’Association des directeurs des Ressources humaines (MAHRP). Selon lui, les défis changent avec les différents facteurs internes et externes des entreprises. « Pendant un bon bout de temps, nous avons pu trouver des solutions à la mondialisation et à la financiarisation. Maintenant viennent l’automatisation et la digitalisation », déplore-t-il.
- Offrir une rémunération plus élevée aux employés
Dominique Rene soutient qu’après la sortie de deux années de pandémie et l’augmentation du coût de la vie, la gestion des salaires est un autre grand défi des entreprises. « Aujourd’hui, la mobilité dans une entreprise se joue surtout en termes de salaire. Le coût de la vie qui augmente pèse lourd dans la balance », dit-il. Compte tenu du taux d’inflation plus élevé, Imrith Ramtohul avance qu’il n’est pas facile pour les employeurs de proposer des salaires plus élevés. « Cependant, les employeurs qui n’ajustent pas les salaires pour au moins correspondre à l’inflation pourraient voir les employés très performants démissionner », prévient-il. Du coup, l’intervenant affirme que les employeurs doivent répondre de manière proactive aux préoccupations des employés concernant la rémunération dans la mesure du possible.
- La considération écologique
Areff Salauroo soutient que la considération écologique a également retenu l’attention des employeurs. « L’Environmental, social, and governance (ESG) et les défis de ‘Sustainability’ interpellent de plus en plus les employeurs. Dans ce ‘New Normal’, les entreprises ont la responsabilité de la gestion de la diversité, de l’inclusion, et de l’équité », dit-il. Un avis que partage Priscilla Mutty. « Il est important de mettre en place des produits et des bonnes pratiques qui sont visibles et durables sur le long terme et qui sont conformes et qui répondent à une demande croissante d’actions tangibles en matière de changement climatique et de responsabilité environnementale », soutient-elle. En effet, elle fait comprendre que les jeunes sont de plus en plus exigeants dans leur choix d’association à des employeurs pour lesquels ils ressentent un sentiment de fierté et une adhésion à leurs valeurs.
- Recrutement et rétention des talents
Priscilla Mutty affirme que le recrutement et la rétention des talents constituent les défis majeurs auxquels font face les employeurs dans ce monde en constante évolution. « Avec un accroissement de la concurrence pour les talents qualifiés et expérimentés (war for talent), les employeurs doivent redoubler d’effort pour attirer et retenir leurs employés », dit-elle. Pour cela, poursuit-elle, les employeurs sont nombreux à se démarquer par un renforcement de leur marque employeur et leur proposition de valeur pour les employés mettant en avant leurs points forts en tant qu’employeur.
L’observateur économique, Imrith Ramtohul, abonde dans le même sens. « Il devient de plus en plus difficile de retenir les employés talentueux. Beaucoup émigrent à l’étranger et d’autres sont attirés par des offres plus attrayantes venant d’autres entreprises locales », dit-il.
Dominique Rene, Head of HR & Communication chez Jubilee Allianz General Insurance (Mauritius) Limited, partage le même avis. « Nous faisons face à un manque d’intérêt et de main-d’œuvre pour le secteur financier, surtout de la part des jeunes. Il faut aussi prendre en considération qu’aujourd’hui, nous faisons face à une migration de talents vers l’étranger », dit-il. Ce phénomène, poursuit-il, n’aide pas vraiment les entreprises mauriciennes dans l’attractivité de talents.
Soodesh Callichurn : « Il y a une disparité dans le taux de chômage »
Le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, pense qu’il y a une disparité dans le taux de chômage qui est à 6,8%. Dans une déclaration à la presse jeudi dernier dans le cadre du National Tripartite Committee, il a soutenu qu’il y a plusieurs emplois qui sont disponibles, mais les Mauriciens ne sont pas intéressés à prendre ces emplois. « Nous allons discuter de ce sujet. La commission va faire des recommandations au gouvernement », a-t-il soutenu.
Concernant le salaire minimum et les conditions du travail, le ministre a fait comprendre que l’année prochaine, le National Wage Consultative Council (NWCC) sera appelé à revoir le seuil à la hausse. Il est bon de noter que depuis janvier 2022, le salaire minimum est de Rs 11 075.
En chiffres
- 531 500. C’est le nombre d’emploi des Mauriciens au quatrième trimestre 2022 contre 524 800 au troisième trimestre de 2022 et 509 900 au quatrième trimestre de 2021.
- 6,8 %. C’est le taux de chômage pour le quatrième trimestre 2022 contre un taux de 7,5 % au troisième trimestre de 2022 et un taux de 8,1% au quatrième trimestre de 2021.
- 38 800 chômeurs, avec 18 300 hommes (47 %) et 20 500 femmes (53 %).
- 5 700, soit 15 % des chômeurs étaient chefs de famille
- 16 400 (42 %) des chômeurs n’avaient pas le Cambridge School Certificate (SC) ou l’équivalent.
Les défis des employés
- Le développement personnel et la valorisation
Priscilla Mutty estime que les employés doivent continuer à investir dans leur développement personnel et élargir leurs compétences afin de rester compétitifs et “relevant”. « Par exemple, il y a l’adaptation aux nouvelles technologies, aux nouvelles règles ainsi que les changements d’habitudes et les nouvelles attentes des clients », soutient-elle.
Pour sa part, Dominique Rene soutient que l’employé de 2023 s’attend toujours à une valorisation de son poste. « Par ailleurs, il cherche de la flexibilité. Par exemple, le travail à domicile est de plus en plus à la mode et l’’employé se retrouve plus à l’aise dans une société qui offre ce genre d’avantages », dit-il.
- Maintenir un équilibre sain entre travail et vie privée
Nos intervenants sont d’avis que gérer leur santé mentale et maintenir un équilibre sain entre travail et vie privée sont aussi des nouveaux défis pour les employés. « Ils sont victimes de l’évolution constante et rapide du monde du travail. Et l’adaptation à ce nouvel environnement est primordiale pour leur survie », soutient Priscilla Mutty.
Pour sa part, Areff Salauroo explique que les employés cherchent l’entreprise qui arrive à adapter l’organisation du travail au plus proche de leurs attentes et leur offre une organisation flexible, résiliente et durable. « Ils privilégient l’amélioration de leurs conditions de travail et l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle », dit-il.
- Manque d’opportunités de développement
Imrith Ramtohul est d’avis que les employés constatent souvent un manque d’opportunités de développement au sein de l’entreprise. « Si les opportunités de développement sont limitées et que leurs opinions ne comptent pas au travail, les employés se sentent moins motivés et productifs », dit-il.
- Choisir entre le salaire et l‘environnement de travail
Dominique Rene fait ressortir que, dans le contexte économique, les employés sont nombreux à se retrouver dans un dilemme. « Ils sont à la recherche d’un emploi qui peut leur permettre de toucher un salaire décent pour joindre des deux bouts face à la flambée de l’inflation. Mais en même temps, ils cherchent un environnement de travail favorable. Faire le bon choix est certainement un défi à relever », appuie-t-il.
- Conséquence de ‘work from home‘
Avec le phénomène de ‘work from home’ qui prend de l’ampleur depuis la pandémie, il y a moins de communication parmi les employés. Selon nos intervenants, un manque de communication sur le lieu de travail peut réduire l’efficacité de l’équipe et avoir un impact négatif sur le niveau de productivité. Du coup, l’esprit d’équipe au travail peut être menacé.
Dev Luchmun, consultant en relations industrielles : « Les travailleurs doivent renouer avec leur glorieux passé »
Le consultant en relations industrielles regrette que les travailleurs se désintéressent de plus en plus des activités organisées par la classe syndicale pour marquer la fête du Travail au profit des partis politiques. Pour Dev Luchmun, cette fête perd son importance dans la classe laborieuse.
La fête du Travail perd de son importance dans la vie des travailleurs, selon certains. Partagez-vous ce sentiment ?
On ne peut occulter que la fête du Travail perd de plus en plus de son importance dans la classe laborieuse. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. Les travailleurs préfèrent se rendre en masse aux meetings politiques au lieu d’assister aux activités organisées par les syndicats. Aussi, subissant l’influence de la société de consommation, ils se désintéressent davantage du combat syndical, coupant ainsi le lien avec un glorieux passé. Ce faisant, ils ne réalisent pas que tous les acquis dont ils jouissent sont le fruit de plusieurs années de combat menés par les dirigeants syndicaux et bien souvent au prix d’énormes sacrifices. Il faut que les travailleurs renouent avec ce glorieux passé.
Les dirigeants n’ont-ils pas aussi leur part de responsabilité dans le déclin du syndicalisme à Maurice ?
À ce jour, certains sont restés sincères dans leurs convictions syndicales malgré les dérives de la société de consommation. Je peux citer Jack Bizlall. Mais ce n’est pas le cas pour d’autres. Cela dit, c’est triste de constater que certains dirigeants considèrent leurs syndicats comme étant leur propriété privée et ne se soucient guère de préparer la relève. D’autres préfèrent rester dans les bons papiers du pouvoir afin de pouvoir siéger sur les Boards et de bénéficier ainsi d’avantages pécuniaires et de voyages. Face à cette situation, comment voulez-vous que les travailleurs ne perdent pas confiance dans le combat syndical ?
Est-il possible de redonner à la fête du Travail son prestige d’antan ?
Quand on pense qu’en 1938, près de 30 000 travailleurs s’étaient rendus par leurs propres moyens à un meeting syndical au Champ de Mars, pour la fête du Travail. À cette époque, le 1er mai n’était pas férié. Aujourd’hui, malgré une amélioration de la qualité de la vie des travailleurs, les syndicats peinent grandement à les mobiliser pour leurs rassemblements. On ne peut que constater, tristement certes, le net déclin du monde syndical dans notre société moderne.
Je pense que pour redonner à la fête du travail sa gloire d’antan, il est primordial que les syndicats puissent s’unir sur une seule estrade pour leurs activités. Il faut qu’ils travaillent ensemble en amont pour s’assurer qu’ils puissent mobiliser le maximum de travailleurs autour d’une vision commune qui est la défense des droits des travailleurs. Parallèlement, les partis politiques doivent faire un effort pour restituer la fête du Travail aux travailleurs.
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