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Élu à Rose-Hill - Patrick Belcourt : l’ascension politique d’un outsider déterminé

Patrick Belcourt célébrant sa victoire, dimanche, avec les partisans d’En Avant Moris.

Après des années de travail acharné sur le terrain, le leader d’En Avant Moris réalise l’exploit de briser le monopole des partis traditionnels à Rose-Hill.

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Àpetits pas, mais avec constance, Patrick Belcourt trace son chemin en politique. Ancien cadre bancaire, il a troqué les bureaux pour le terrain, cofondant En Avant Moris (EAM) en 2019. Son baptême du feu aux élections générales de novembre 2019 s’est soldé par une 10e place avec 2 966 voix, représentant 10,529 % des suffrages. Homme de terrain dans la circonscription n˚19, il réalise, cinq ans plus tard, un petit exploit : aux élections générales de novembre 2024, Patrick Belcourt se hisse à la cinquième place avec 6 373 voix (19,879 % des suffrages), devançant même des figures politiques établies comme Rama Valayden et Ivan Collendavelloo. Ce résultat marque le premier signe de la montée en puissance d’EAM.

La méthode du parti est claire : labourer le terrain centimètre par centimètre et grignoter la part de l’électorat laissée par d’autres formations politiques. Patrick Belcourt n’hésite pas à critiquer particulièrement le Mouvement militant mauricien (MMM), qu’il reproche d’avoir trop longtemps considéré la circonscription n˚19 comme son bastion, et les mandants comme des « depo fix », une remarque sur laquelle il revient régulièrement.

C’est grâce à son ancrage de « zanfan landrwa » qu’EAM a su gagner le cœur des électeurs. Présent régulièrement sur le terrain, que ce soit pour des réunions, des rencontres avec les habitants ou lors des célébrations religieuses, le parti n’a eu de cesse d’organiser des activités sportives ou récréatives, de participer à des campagnes de nettoyage ou de dénoncer les manquements tant du gouvernement que de la mairie. Avec son programme intitulé « De l’abandon à l’abondance », le ton était donné pour galvaniser davantage les habitants.

Cette stratégie de proximité culmine avec la victoire de Patrick Belcourt aux élections municipales du 4 mai 2025. En prenant la première place dans le Ward 2, il crée une brèche dans ce qui était autrefois considéré comme le bastion du MMM, puis occupé par le Mouvement socialiste militant (MSM) de 2014 à 2024. À l’issue de sa victoire, Patrick Belcourt déclare que c’est « le résultat du travail de toute une équipe », même si les autres candidats de son parti n’ont pas connu le même succès.

Un besoin de renouveau 

Pour l’observateur politique Jocelyn Chan Low, la victoire de Patrick Belcourt s’explique par plusieurs facteurs : « Il y a eu, parmi l’électorat, une envie de renouveau face aux partis politiques traditionnels, mais aussi aux personnes politiques traditionnelles. » Selon lui, le leader d’EAM incarne ce renouveau que recherche l’électorat, une tendance qui avait commencé à se dessiner lors des sondages « sérieux » effectués avant les élections. « Il fait un très bon marketing et est constamment sur le terrain pour rencontrer les gens avec qui il a une grande proximité. Et il n’est pas un candidat ‘fade’ », souligne-t-il.

Faizal Jeerooburkhan, observateur politique et membre de Think Mauritius, ajoute que l’« exploit » de Patrick Belcourt brise le plafond de verre qui présupposait que les partis extraparlementaires, avec des moyens financiers et logistiques restreints, ne sont pas capables de rivaliser avec les grands partis traditionnels. 

« Cela démontre que même avec peu de moyens, un petit parti politique peut gagner une élection avec la volonté, le militantisme engagé, la proximité, la persévérance, le travail assidu sur le terrain et des réponses concrètes aux interrogations des citadins », analyse-t-il.

Un succès personnel plutôt que partisan

Cependant, si Patrick Belcourt estime que ce succès est le résultat d’un vote d’adhésion à EAM, les deux observateurs politiques nuancent cette interprétation. Jocelyn Chan Low considère que cette victoire découle également d’une certaine déception de l’électorat eu égard au traitement réservé à Franco Quirin. Membre du MMM depuis de nombreuses années, ce dernier n’a pas obtenu de portefeuille ministériel en dépit de ses engagements, ce qui l’a contraint à quitter le parti. « Cela a dû créer quelques ressentiments chez certains militants du fait qu’il a été évincé », selon l’observateur politique.

Par ailleurs, note Jocelyn Chan Low, ce n’est pas la victoire d’EAM ,mais de Patrick Belcourt personnellement, car les autres candidats du parti n’ont pas été plébiscités comme lui dans les autres wards. Faizal Jeerooburkhan confirme cette analyse : « Patrick Belcourt a travaillé avec détermination et conviction avec les citadins pendant les dernières années. Il est connu et apprécié dans la ville. C’est surtout sa personnalité qui a joué en sa faveur. »

Les deux s’accordent sur les qualités qui ont permis à Patrick Belcourt de s’imposer. Faizal Jeerooburkhan souligne sa capacité « à convaincre, à fédérer, à dénoncer, à critiquer et à proposer des alternatives crédibles. Il a aussi capitalisé sur le mécontentement prédominant des citadins envers les partis traditionnels ainsi que sur les renvois successifs des élections municipales depuis 2015 ».

Jocelyn Chan Low reconnaît, quant à lui, le très bon ancrage de Patrick Belcourt dans la région de Rose-Hill. Il estime qu’il a pu se faire élire grâce aux « votes de sympathie » mais aussi parce qu’il est considéré comme quelqu’un qui peut véritablement représenter le ward. « C’est un exploit qu’il a accompli d’avoir pu ébranler la citadelle mauve, mais c’est loin d’être une surprise car il a travaillé pour cela. Ajouté à cela, il n’y a plus de ‘depo fix’ et tout dépend de la conjonction des élections », explique-t-il.

Un message de l’électorat

Pour Jocelyn Chan Low, l’électorat a voulu passer un message, tant à travers les votes en faveur de Patrick Belcourt qu’à travers le fort taux d’abstention aux municipales. « Son élection ainsi que celle d’Ashwin Dookun du Reform Party à Vacoas-Phoenix et du candidat indépendant Ajay Teerbhoohan à Port-Louis montrent bien qu’il n’y a plus de bastion. Les gens votent en fonction des élections », 
souligne-t-il.

L’observateur politique revient ainsi sur les législatives de novembre 2024 qui découlent, selon lui, d’un vote contre l’ancien Premier ministre Pravind Jugnauth et non des votes des « hardcore » en faveur de l’Alliance du Changement.

Tania Diolle : « Nous sommes satisfaits de notre performance »

Tania Diolle, ancienne Parliamentary Private Secretary (PPS) sous l’ancien gouvernement et leader du parti Repiblik Sitwayen, se dit satisfaite malgré l’absence de victoire électorale. Sa formation, qui avait présenté plusieurs candidats, n’a décroché aucun siège. Pour elle, cela ne constitue en rien un échec. « Nous sommes très satisfaits des résultats et du travail fourni », explique-t-elle. Elle annonce qu’une rencontre d’évaluation sera bientôt organisée, afin de définir la suite des actions du parti.

Loin d’être découragée, Tania Diolle affirme que Repiblik Sitwayen poursuivra son engagement en tant que parti d’opposition : « Nous avons une vision différente de Maurice par rapport à ce qui se passe. » Elle conclut en rappelant que dans toute bataille électorale, il faut être prêt à accepter aussi bien la victoire que la défaite.

 

 

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