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Élections municipales : un rendez-vous démocratique après dix ans d’attente

Transfert des urnes vers des postes de police des cinq villes concernées, vendredi.

Les élections municipales de ce 4 mai 2025 marquent un retour attendu après dix ans, posant un enjeu démocratique majeur entre abstention, centralisation du pouvoir et émergence de nouvelles forces politiques.

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Ce dimanche 4 mai 2025, les citadins votent. Après dix ans d’attente, 400 887 citadins élisent leurs maires et conseillers dans un scrutin marqué par une nouveauté : le same-day counting (voir plus loin), qui livrera ses résultats dès ce soir. Cependant, ces municipales ne sont pas qu’un vote : elles sont un test pour la démocratie locale et un pari sur l’avenir de Port-Louis, Curepipe, Quatre-Bornes, Vacoas-Phoenix, et Beau-Bassin/Rose-Hill.

Ce scrutin revêt un caractère particulier, puisque les citadins retourneront aux urnes après une décennie d’attente. La dernière élection municipale remonte au 15 juin 2015, où l’Alliance Lepep (MSM-PMSD-ML) avait remporté la totalité des 120 sièges, après avoir remporté les élections générales en 2014. 

Dix ans sans municipales : un simple retard ? Non, une décennie d’évitement démocratique. Les reports successifs, justifiés officiellement par la pandémie de COVID-19 dans un premier temps, puis par une réforme annoncée, mais jamais concrétisée des administrations régionales, avaient suscité l’indignation de l’opposition d’alors et de nombreux citadins, qui dénonçaient une démarche « antidémocratique ».

En reportant constamment ces scrutins de proximité, le régime gouvernemental sortant semble avoir délibérément affaibli le lien entre les villes et les urnes, tout en centralisant davantage les décisions. Cette centralisation excessive a réduit les élus locaux au rang de simples exécutants. « Les élus municipaux n’ont presque plus de marge de manœuvre, et leurs budgets sont faméliques. Pire encore, l’allégeance politique devient une condition de survie municipale. Quand on n’est pas du côté du pouvoir, les robinets se ferment. Et en cas de résistance, c’est la ville qui trinque », déplore l’observateur et ancien journaliste Yvan Martial.

Pourtant, cette longue attente électorale soulève une question fondamentale : ce scrutin constitue-t-il réellement un tournant dans la vie politique mauricienne ? Yvan Martial est catégorique : ces élections n’ont « aucun caractère historique ». Selon lui, depuis 1960, les principaux partis politiques – le Parti Travailliste, le MMM, et plus récemment le MSM – se sont systématiquement employés à vider les municipalités de leur substance. « L’Hôtel du gouvernement et les cabinets ministériels successifs ont méthodiquement dessaisi les maires et les élus municipaux de leurs pouvoirs », affirme-t-il.

L’observateur constate avec amertume une dégradation significative de la fonction d’élu municipal : « Autrefois, être maire ou conseiller municipal, c’était quelque chose. Une responsabilité ancrée, un prestige réel. Aujourd’hui, c’est devenu inférieur à une jouissance ministérielle. »

Dans ce vide démocratique s’est engouffré le scandale des Moustass Leaks. Ces fuites numériques massives ont mis au jour un système où pressions, favoritisme et dérives autoritaires prospéraient en coulisses. Survenues en pleine campagne pour les législatives de 2024, ces révélations ont précipité la chute de l’Alliance Lepep, renversée par une opinion publique profondément indignée.

Pourtant, à l’approche des municipales, l’impact de ce scandale semble s’être estompé. « Aucun effet sur le scrutin local. Les partis visés sont hors circuit. Donc, aucune incidence directe », estime l’observateur Olivier Précieux.

Les véritables enjeux du scrutin

Au-delà des polémiques, le malaise démocratique se manifeste clairement dans l’abstention, annoncée élevée, qui traduit un désenchantement civique persistant parmi les citoyens. Pourtant, l’enjeu reste fondamental : contrôler les villes permet d’assurer un ancrage territorial essentiel, entre réseaux de clientélisme, relais sociaux et dynamiques de proximité. Ces municipales, qui n’ont plus eu lieu depuis 2015, représentent donc un enjeu stratégique majeur pour l’Alliance du Changement.

Olivier Précieux identifie précisément deux enjeux majeurs. D’abord, l’abstention : « Au-delà d’un certain seuil, elle signalerait non seulement le désengagement des militants de base, mais aussi l’émergence de nouveaux partis extraparlementaires. » Il ajoute que « si certains candidats extraparlementaires percent, cela pourrait bouleverser l’équilibre politique dans les zones urbaines ». 

Pour lui, les véritables défis se situent donc dans le taux de participation, dans l’émergence potentielle de nouvelles forces politiques, et dans la capacité du pouvoir actuel à consolider une dynamique de confiance avec les citoyens.

En revanche, Yvan Martial ne voit aucun enjeu aux municipales : « Il n’y a pas d’enjeu, parce que ce sont les politiciens eux-mêmes qui l’ont voulu. » Il plaide pour l’organisation des municipales à mi-mandat du gouvernement central. « Un gouvernement intelligent ferait des élections régionales obligatoires tous les cinq ans, comme un baromètre démocratique à mi-parcours. » Il estime d’ailleurs que si le MSM l’avait fait, « il aurait pu se ressaisir à temps pour remporter les législatives de novembre dernier ».

Pour lui, « si l’Alliance du Changement est réellement démocrate, qu’elle amende la Constitution pour l’imposer. Et qu’elle convoque de nouvelles municipales en 2027 ».

Toujours est-il qu’au-delà des enjeux et clivages politiques, ce scrutin est une opportunité de repenser en profondeur le fonctionnement et l’autonomie des institutions municipales mauriciennes, pour restaurer leur prestige d’antan et redonner sens à la démocratie locale.

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Plus de 6 000 policiers déployés

Lors de son intervention face à la presse, hier, le DCP Bhojoo a indiqué que plus de 6 000 policiers seront mobilisés pour garantir le bon déroulement du scrutin. « À partir de 4 h 30 du matin, un important dispositif sera déployé autour et à l’intérieur des centres de vote. La police agit sous les instructions claires du commissaire électoral. » 

À partir de 17 heures, une fois le dépouillement engagé et les résultats proclamés dans la soirée, la sécurité des urnes sera assurée par la SMF ou la SSU, a-t-il précisé. Par ailleurs, si un agent de nuit décide de quitter l’école, il ne sera pas autorisé à y retourner.

La question des commissions administratives 

Le Dimanche/L’Hebdo avait rapporté que le gouvernement du Changement envisageait initialement de nommer des commissaires à travers des commissions administratives pour gérer les mairies, le temps de revisiter le Local Government Act. Le gouvernement a finalement renoncé à cette option à l’issue de la réunion du Conseil des ministres du vendredi 20 décembre dernier.

Deux facteurs principaux ont motivé ce revirement : les coûts financiers et la volonté d’éviter toute politisation excessive des postes. L’organisation des élections municipales a ainsi été privilégiée.

Des commissions administratives avaient déjà été mises en place entre 1979 et 1982, après la démission collective des élus municipaux du MMM le 20 décembre 1979. Ces derniers avaient refusé de siéger au-delà de leur mandat, protestant contre le refus du gouvernement de l’époque (coalition PTr-PMSD) d’organiser de nouvelles municipales. 

Le gouvernement avait alors nommé des commissaires pour les remplacer, et ils sont restés en fonction jusqu’à l’arrivée au pouvoir de l’alliance MMM-PSM après les élections générales de 1982. De nouvelles élections municipales avaient été organisées en décembre de cette même année, avec une victoire majoritaire du MMM.

Irfan Rahman, commissaire électoral : « Allez voter ! »

Le commissaire électoral Irfan Rahman était en conférence de presse à Port-Louis, samedi après-midi. Lors de son intervention, il a exhorté les citadins à accomplir leur devoir civique ce dimanche.

« Le taux d’abstention sera le plus grand adversaire, ce dimanche. J’en appelle au sens civique des citadins : la démocratie est un grand concept, il faut voter », a-t-il insisté. 

Il a rappelé que la participation avait atteint un sommet en 1991 avec 77,1 %, avant de chuter à un plancher historique de 55,09 % en 2012, pour remonter modestement à 64,5 % en 2015. Irfan Rahman est ensuite revenu sur le taux abstention. Selon lui, le taux d’abstention la plus faible remonte à 1991, avec seulement 22,9 %. Il a ensuite grimpé pour atteindre un record de 44,91 % en 2012, avant de redescendre à 35,5 % lors des municipales de 2015.

Il précise aussi que des dispositions ont été prises pour assurer le bon déroulement du scrutin. Entre 6 135 et 6 150 officiers ont été mobilisés le jour du scrutin et pour l’exercice de dépouillement. « Le chiffre peut varier en fonction du taux d’abstention. Certains officiers peuvent également tomber malade le jour de l’exercice. Il y a toujours un back up », a fait comprendre le commissaire électoral. 

L’exercice de dépouillement se déroulera dans la salle de vote. Il n’y aura aucun transfert des urnes. « Nous ne brûlerons aucune étape. La transparence sera le maître mot de la journée de dimanche », a assuré le commissaire électoral.

 

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