Dans les zones les plus vulnérables de Maurice, Rodrigues et Agaléga, les écoles peinent à offrir une éducation de qualité. Les ZEP accueillent majoritairement des enfants défavorisés, et les résultats restent préoccupants. Un plan de redressement est proposé pour transformer ces établissements en véritables leviers d’émancipation sociale.
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Actuellement, on compte 27 écoles de la Zone d’Éducation prioritaire (ZEP) à Maurice, un à Rodrigues et deux à Agaléga, regroupant environ 6 700 enfants.
Mis en œuvre dans le cycle primaire depuis juillet 2003, le projet vise à répondre aux défis de l’échec scolaire dans les zones les plus vulnérables. Sa mission est double : briser le cycle de la pauvreté par l’éducation et s’inscrire dans la vision du ministère de l’Éducation, qui prône une éducation inclusive et de qualité pour tous les élèves.
L’objectif central du projet est d’améliorer le taux de réussite des élèves en difficulté dans ces écoles. Pour y parvenir, des actions socio- pédagogiques sont menées au sein même des établissements. Le projet entend également renforcer l’estime de soi des élèves en valorisant leurs réussites tout au long de leur parcours éducatif.
Notons que ces établissements sont définis comme des écoles primaires à faible performance. Leur classification repose sur un critère précis : moins de 40 % de réussite au CPE pendant cinq années consécutives avant 2003. Cette semaine, soit du 28 au 31 octobre, les écoliers de Grade 6 et quelques-uns de la Grade 5 passeront le Primary School Achievement Certificate (PSAC). Au niveau des écoles ZEP, les résultats des trois dernières années confirment certaines difficultés : 51,5 % en 2022, 50,12 % en 2023, et 46 % en 2024. Cette baisse progressive souligne l’urgence d’une réforme en profondeur.
PLAN D’AMÉLIORATION
Les autorités soutiennent qu’il y a un plan proposé visant à améliorer la qualité et la performance des écoles ZEP à travers plusieurs axes. Au niveau de l’établissement, il s’agira d’instaurer un leadership efficace, tant dans la gestion que dans les salles de classe. Un climat scolaire amélioré, fondé sur une communication active au sein de la communauté éducative, est essentiel.
Soutien aux écoles en difficulté scolaire
Lors d’une visite à l’école primaire de Barkly, le mois dernier, le ministre de l’Éducation, le Dr Mahend Gungapersad a annoncé la création d’un comité pédagogique pour accompagner les écoles ZEP et celles en difficulté. Il nous revient que ce comité sera piloté par des préposés du Quality Assurance. Il aura pour mission de soutenir les parents, les enseignants et les chefs d’établissement. Il s’agira d’identifier les lacunes pédagogiques et d’apporter un accompagnement ciblé aux enfants.
Les stratégies administratives devront être simplifiées et accessibles, tandis que les approches pédagogiques devront être centrées sur l’élève. Un système intégré de suivi, d’évaluation et de remédiation sera mis en place, avec une attention particulière portée aux résultats et aux processus. La participation active aux activités extrascolaires et la mobilisation des parents seront encouragées. L’esprit d’équipe et le sentiment d’appartenance seront cultivés pour renforcer la cohésion.
LES RESSOURCES HUMAINES
Un volet crucial concerne les ressources humaines. Les classes ZEP comptent actuellement entre 35 et 40 élèves. Il est proposé de recruter des enseignants supplémentaires afin de réduire ce ratio à un maximum de 25 élèves par classe. Seuls les éducateurs les plus appropriés seront sélectionnés pour travailler sur ce projet, pour une durée minimale de trois ans, après avoir suivi une formation obligatoire. Ceux qui démontrent professionnalisme et engagement pourront être reconduits pour plusieurs cycles.
Les formations seront régulières et obligatoires, avec une évaluation des compétences à la clé. L’accent sera mis sur les expériences pratiques pour mieux préparer les enseignants à la réalité du terrain. En équipe autour du chef d’établissement, les éducateurs contribueront à améliorer le climat scolaire, à mettre en œuvre une pédagogie centrée sur l’élève, à fournir des données pour le suivi, à participer aux réunions pédagogiques et à assurer la progression constante des élèves.
En cas de congés prolongés, des remplaçants seront affectés rapidement. Concernant la gestion, il est proposé de nommer au minimum deux chefs adjoints dans chaque école ZEP, même si la population scolaire est faible. Cela permettra de renforcer la direction, de visiter les classes, de soutenir les enseignants et de faciliter les remplacements. Un chef de projet est également nécessaire pour superviser le programme ZEP. Depuis 2021, ce poste est vacant malgré deux appels à candidatures. Les exigences en matière de qualifications et d’expérience étaient jugées trop élevées.
IMPLICATION PARENTALE
Le soutien aux familles sera renforcé par le recrutement de médiateurs parentaux à temps plein, à raison d’un pour cinq écoles. Leur rôle sera d’accompagner les parents dans le développement de leur confiance, de leurs compétences en communication et en réflexion, par l’écoute active et l’apprentissage médiatisé. Ils organiseront des ateliers, favoriseront les réseaux de soutien avec les acteurs nationaux, effectueront des visites à domicile et collaboreront avec le ministère de l’Éducation et les ONG pour le bien- être des élèves et de leurs familles.
Des travailleurs sociaux supplémentaires seront affectés par zone ZEP, et des psychologues éducatifs interviendront dans trois écoles chacune, de façon régulière et hebdomadaire.
L’implication parentale sera soutenue par les PTA et les Clubs des Parents. Les médiateurs et travailleurs sociaux favoriseront des réseaux de collaboration avec d’autres ministères et agences pour apporter une aide adaptée aux familles. Les parents seront invités à participer activement à la vie de l’école à travers des assemblées générales, des réunions par classe, des visites à domicile, la promotion des Clubs des Parents, la formation de leurs membres et leur mobilisation pour atteindre d’autres familles. Tous les parents auront la possibilité de siéger au sein des PTA, avec une formation dédiée.
SUIVI ET PARTENARIATS AU SERVICE DES ÉCOLES
Le partenariat avec le secteur privé, les ONG et les organisations communautaires sera encouragé. Les projets seront définis en fonction des besoins des écoles, discutés localement et validés par le ministère avant leur mise en œuvre. Chaque projet devra comporter des objectifs clairs, un calendrier, un mécanisme de suivi et une évaluation.
Un programme de repas quotidien sera mis en place pour les élèves. Un comité de suivi alimentaire se réunira chaque mois pour évaluer et ajuster les mesures. Des vérifications régulières seront effectuées par les agents de santé, et les rapports négatifs sur les fournisseurs seront pris en compte lors des appels d’offres.
Enfin, un mécanisme de suivi par indicateurs clés sera instauré. Ces indicateurs, définis école par école, permettront de mesurer l’efficacité du projet. Ils incluront la présence des élèves et du personnel, les performances scolaires par trimestre et par année, le taux de réussite au PSAC, ainsi que l’efficacité du chef d’établissement.
VISHAL BAUJEET, PRÉSIDENT DE LA GOVERNMENT TEACHERS’ UNION : « Il faut donner des chances égales à tous »
Vishal Baujeet, président de la Government Teachers’ Union soutient que le programme ZEP a été créé pour réduire l’échec scolaire dans les écoles primaires dont les résultats étaient faibles, soit moins de la moyenne. Il ajoute que l’idée est de donner des chances égales à tous les enfants, quelle que soit leur origine sociale. L’école n’est plus isolée, mais travaille avec les parents, les ONG, les entreprises locales, les forces vives de la localité. « En valorisant l’élève comme acteur de son apprentissage, il ne s’agit pas seulement d’un enseignement classique, mais d’inscrire l’enfant dans un processus où il est motivé, reconnu, impliqué », fait-il ressortir.Vishal Baujeet insiste sur le fait que les écoles ZEP ont pour ambition de développer des méthodologies incluant la formation des enseignants selon des besoins spécifiques des élèves. Ces derniers bénéficient de formations adaptées à la réalité de leurs élèves, afin de mieux les encadrer et de les préparer pour les évaluations.
COMBAT CONTRE L’EXCLUSION SCOLAIRE
Toutefois, ces écoles incarnent un engagement national pour offrir une chance équitable à tous les enfants, malgré les inégalités sociales. Ce programme s’attaque à des problématiques qui vont bien au-delà de l’enseignement.
Dans ces établissements, les enfants sont confrontés à des réalités difficiles : absentéisme chronique, négligence familiale, pauvreté extrême, manque d’hygiène personnelle et accès limité aux soins de santé. Ces facteurs, souvent invisibles, freinent leur apprentissage et leur développement.
Pour y répondre, les écoles ZEP ont mis en place un dispositif d’accompagnement. Les élèves absents de manière répétée sont orientés vers les travailleurs sociaux scolaires pour des visites à domicile et un suivi personnalisé. Les cas de négligence sont signalés à l’unité de protection de la famille. Grâce au soutien d’ONG et d’entreprises privées, les écoles peuvent fournir du matériel scolaire, des uniformes et d’autres besoins essentiels. Les élèves bénéficient aussi d’une carte de santé, leur permettant d’être suivis par une équipe médicale du ministère de la Santé, dédiée aux écoles ZEP.
Le projet ZEP repose sur plusieurs axes d’intervention. L’un des plus visibles est l’amélioration des infrastructures scolaires. Ce qui comprend la rénovation des bâtiments, la construction de toilettes, l’entretien des installations sanitaires, la modernisation du mobilier scolaire, la création de laboratoires informatiques, la mise à disposition de salles pour le personnel, d’espaces sportifs et de jeux, ainsi que le goudronnage et la clôture des établissements.
Sur le plan organisationnel, le projet est piloté par l’unité ZEP, composée de quatre coordinateurs de cluster. Ces derniers soutiennent les directions et les enseignants dans la gestion des élèves vulnérables et facilitent la collaboration avec les ONG, les ministères et la communauté. Ils jouent un rôle clé dans la mobilisation sociale et la résolution des problèmes liés à la pauvreté. Ils rencontrent régulièrement les chefs d’établissement et les enseignants, en groupe ou lors de visites scolaires, pour accompagner la mise en œuvre des programmes, notamment pédagogiques, en Grade 5 et 6. Leur travail s’effectue en étroite collaboration avec les inspecteurs scolaires et les directions régionales.
Le gouvernement apporte également un soutien financier au personnel des écoles ZEP, en leur versant des allocations spécifiques. Les établissements reçoivent aussi des subventions annuelles supplémentaires, calculées en fonction du nombre de classes, pour couvrir les dépenses courantes. Un programme alimentaire scolaire, financé par l’État, permet aux élèves de recevoir un repas chaud ou enrichi chaque jour.
RÔLE DU MIE
L’implication des parties prenantes est essentielle. Depuis deux ans, le Mauritius Institute of Education mène un programme pédagogique ciblant la lecture et le calcul en Grade 5 et 6. Ce programme comprend des ateliers pour les enseignants, l’explication de méthodes pédagogiques et le partage de bonnes pratiques. Le secteur privé et plusieurs ONG interviennent également. L’ONG TIPA, par exemple, enseigne les valeurs à travers les arts créatifs dans quatre écoles. D’autres financent des cours de rattrapage pour les élèves en grande difficulté. Les enfants bénéficient aussi d’un petit-déjeuner quotidien financé par des fonds CSR.
Les écoles ZEP profitent de tous les programmes déployés par le ministère dans les écoles primaires, notamment la distribution gratuite de manuels scolaires pour toutes les matières, ainsi que la mise en œuvre du programme EDLP.
Malgré ces efforts, les défis restent nombreux. La pauvreté infantile demeure une réalité tenace, et ses effets constituent de véritables barrières à l’apprentissage. Les enfants vivant dans la précarité sont souvent exposés à des traumatismes qui entravent leur développement. Les évaluations montrent que beaucoup d’élèves terminent le cycle primaire sans maîtriser les compétences fondamentales nécessaires pour le secondaire. Les difficultés scolaires sont souvent accompagnées de comportements perturbateurs en classe.
L’absentéisme est particulièrement élevé les lundis, mardis et après les fêtes, et l’implication des parents reste limitée. Les enseignants estiment que l’attitude des parents envers l’école, leur situation sociale et leur environnement familial influencent fortement la réussite scolaire. Beaucoup d’enseignants perçoivent négativement leur environnement de travail, et peu aspirent à enseigner en ZEP, faute de perspectives valorisantes.
FORMATIONS
Pour renforcer les compétences du personnel éducatif, plusieurs formations ont été organisées. De 2009 à 2014, un programme de lutte contre l’échec scolaire a été mis en place, avec des ateliers sur les méthodes pédagogiques en lecture, suivis de visites en classe par les facilitateurs du MIE. Des formations sur le fonctionnement du cerveau et la discipline positive ont été proposées de 2015 à 2019. En 2020, un atelier a été organisé pour soutenir les élèves après la pandémie de covid-19. En 2022, des formations ont été proposées sur le leadership scolaire et sur le renforcement des compétences en lecture, en calcul et en socioémotionnel.
Enfin, les écoles ZEP ont développé une ouverture vers la communauté. Des clubs des parents ont été créés, avec des rencontres régulières animées par des nutritionnistes, des psychologues et des travailleurs sociaux. Des ateliers et des activités de cohésion sont organisés tous les ans. Les travailleurs sociaux interviennent sur demande pour les cas d’absentéisme ou de comportement. Les écoles restent accessibles aux parents, et des projets communautaires impliquent les acteurs locaux.
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