Deux échouages de dauphins ont eu lieu en juin dernier. À Le Dimanche/L’Hebdo, Emilie Edouard, secrétaire de l’ONG Whale Up et membre du mouvement Save the Blu, explique quelques actions clés pour secourir un mammifère marin en détresse dans nos lagons ou sur nos plages.
Que pensez-vous des récents échouages de mammifères marins et quelles sont les causes probables ?
Bien que cela puisse arriver chez les cétacés, les échouages de mammifères marins ne sont pas normaux. Cela peut être lié à la pollution de l’eau, aux perturbations causées par l’activité de Dolphin & Whale Watching, ou encore à des maladies spécifiques, etc.
Est-il important que la population soit informée sur la façon d’aider en urgence les mammifères marins lors d’échouages ?
Oui. ll n’est pas normal qu’un dauphin se retrouve dans le lagon, et encore moins sur la plage. Un mammifère marin échoué risque de mourir s’il n’est pas rapidement remis à l’eau. De plus, le stress qu’il subit peut le rendre incapable de se libérer seul, le conduisant à s’échouer de nouveau s’il est remis à flot sans assistance. Il est donc vital que chaque citoyen connaisse les gestes appropriés et la procédure à suivre en cas d’échouage de mammifères marins dans le lagon ou sur nos plages pour les aider à survivre.
Comment faire pour les aider ?
Tout d’abord, il est crucial de signaler le lieu de découverte de l’animal en transmettant le point GPS via un téléphone mobile. C’est important de fournir également des informations sur l’espèce, la taille approximative et l’état de l’animal, notamment s’il est vivant, blessé ou mort, à la garde-côte et aux services des pêches de la région. Il faut aussi envoyer des photos et des vidéos.
Que faire si l’animal est mort ?
Il est impératif de ne pas toucher l’animal en raison des risques de transmission de maladies. Les garde-côtes se chargeront de son enlèvement par les services compétents.
Et si l’animal est vivant ?
Il faut agir avec calme et éviter les attroupements, ainsi que le bruit. Puis, il faut établir un cordon de sécurité autour de l’animal si possible, en utilisant les personnes présentes. Il ne faut pas manipuler l’animal, mais maintenir son corps humide en l’arrosant d’eau ou en couvrant son dos et ses flancs avec des linges humides.
Si un mammifère marin en détresse est retrouvé dans le lagon, il doit être reconduit par les garde-côtes en dehors du lagon et de la passe pour qu’il ait une chance de retrouver sa famille (Pod) et de survivre.
Des précautions spécifiques à prendre ?
Il faut faire attention à ne pas couvrir ou verser de l’eau dans son évent, notamment l’orifice respiratoire. Il ne faut pas le maintenir de force sous l’eau, car cela pourrait le noyer. Si possible, il faut maintenir l’animal à la surface de l’eau en utilisant un linge comme un T-shirt ou une serviette que vous avez sous les mains. Puis, il faut éviter de manipuler l’animal inutilement pour ne pas le stresser ou le blesser. Surtout, il ne faut jamais tirer sur ses nageoires.
Quid des risques sanitaires ?
Idéalement, le port d’un masque et de gants est recommandé pour éviter la transmission de maladies. Après avoir eu un contact avec l’animal, il faut se désinfecter les mains.
Quelles sont les chances de survie de l’animal après le sauvetage ?
Les chances de survie dépendent de l’âge, de l’état de santé de l’animal et de la présence éventuelle de ses congénères dans les environs. Par exemple, un delphineau a moins de chances de survie qu’un dauphin adulte. Plus fragile, il risque de mourir en quelques jours sans le lait et les soins de sa mère, ainsi que sans la protection de son groupe.
Dispose-t-on de suffisam-ment d’informations sur l’espèce de l’animal pour savoir quels soins spécifiques sont nécessaires ?
Bien qu’un protocole existe, nous ne sommes pas certains que les autorités disposent du matériel nécessaire pour intervenir, comme des civières de sauvetage adaptées, des arrosoirs et des bateaux prêts à intervenir. Cependant, le Mauritius Oceanography Institute, Odysseo et des ONG telles que Whale Up, la Marine Megafauna Conservation Organisation et l’Indian Ocean Marine Life Foundation sont habilités à identifier l’espèce et à apporter leur aide.
Les chances de survie d’un dauphin sont meilleures en mer parmi les siens, car ce sont des animaux sociaux vivant en famille. À ma connaissance, il n’existe pas de centre de soins pour ces animaux sauvages au pays.
Pourquoi avez-vous rejoint le mouvement Save the Blu ?
Mon époux Frédéric et moi sommes des opérateurs de Dolphin & Whale Watching. Nos préoccupations quant aux menaces pesant sur les cétacés, les tortues et, plus largement, les lagons ouest de Maurice, nous poussent à participer au défi d’un tourisme durable et résilient. Nous avons à cœur de préserver la biodiversité. En ce sens, nous avons rejoint l’ONG Whale Up et le mouvement Save the Blu.
L’initiative citoyenne Save The Blu, lancée par Murali Krishna Appandi, vise à mettre en lumière le travail réalisé par les personnes engagées à travers l’île, à les réunir et à créer des ponts pour servir une même cause. Cette initiative nous a vraiment séduits. Donc, pour nous, il est crucial de l’encourager et de la soutenir.
À l’heure des changements climatiques, pourquoi ces initiatives sont-elles importantes ?
Les conséquences des changements climatiques et des pressions humaines sur les écosystèmes marins peuvent déjà être observées : mort des coraux, perte d’habitat des poissons et tortues marines, pollution des eaux, pollution plastique, bétonisation entraînant la perte d’habitats d’espèces, accentuation de l’érosion, pêches abusives, dérangement des mammifères marins, fuite des baleines à bosse et déstructuration des groupes sociaux des cachalots. Ces impacts affectent gravement la biodiversité et la survie des espèces marines.
Quelle est l’importance de préserver la biodiversité de notre île ?
Maurice est l’un des rares endroits au monde avec une biodiversité aussi riche : 21 espèces de mammifères marins, plusieurs espèces de requins, des tortues vertes et imbriquées, des raies en voie de disparition et des milliers de poissons. Cette biodiversité joue un rôle crucial dans le maintien d’une vie marine abondante et équilibrée.
Quels seraient les impacts si les cétacés, les coraux ou les poissons venaient à disparaître ?
Les touristes viennent pour découvrir ces merveilles, mais que feront-ils lorsqu’il n’y aura plus rien à voir ? Les plages dévorées par l’érosion, la pauvreté des lagons et la traque des cétacés sont déjà discutées sur les réseaux sociaux. Dans quel monde voulons-nous vivre ? Un monde sans nature, sans vie sauvage ? Ce sont des questions que chacun d’entre nous doit se poser.
Y a-t-il encore de l’espoir pour changer la donne, selon vous ?
Tant que nous agissons rapidement, il reste de l’espoir. La nature est résiliente. Les aires marines protégées, les sanctuaires et les Hope Spots à travers le monde montrent que la vie revient lorsqu’on laisse la nature en paix. Les fonds comme ceux de l’United Nations Development Programme existent et des pays choisissent déjà un tourisme éco-responsable. Donc, il faut se mobiliser tous ensemble pour dessiner un avenir plus désirable à Maurice.
Deux échouages de dauphins en juin 2024
En juin 2024, il y a eu deux échouages de dauphins à Maurice. Le premier s’est produit le mercredi 12 juin à Roches-Noires. Des habitants ont retrouvé un delphineau à long bec sur la zone rocheuse de la région vers 19 h 30.
Roxanne et David, deux résidents, ont alerté les autorités et ont demandé de l’aide via les réseaux sociaux. L’ONG Whale Up leur a alors communiqué des instructions via des entremetteurs.
Ils se sont relayés pendant près de deux heures pour maintenir le delphineau vivant, puis ils l’ont eux-mêmes hissé sur leur kayak pour l’amener le plus loin possible et l’aider à rejoindre le large. Dans le noir, dans un lagon houleux, ils ont failli chavirer plusieurs fois pour lui sauver la vie. La garde-côte nationale est arrivée à 21 h 15, d’après les témoins.
16 juin : un autre delphineau échoué à La Prairie
Le second échouage d’un delphineau a eu lieu dans le Sud, sur la plage de La Prairie, en milieu de matinée, le dimanche 16 juin, soit quatre jours après le premier échouage. Un delphineau de la même espèce, et à peu près du même gabarit, avait été blessé par un Cookie cutter Shark. Cette blessure est commune chez les dauphins et n’entraîne généralement pas leur mort.
Un kayakiste et un pêcheur ont donné l’alerte et ont tenté d’aider le dauphin qui s’échouait sans cesse. La garde-côte, les officiers des Fisheries, le Mauritius Oceanography Institute (MOI), Odysseo et Whale UP sont intervenus.
Enveloppé dans des serviettes humidifiées, le delphineau a été hissé sur une planche de Body Surf et embarqué sur un bateau de la compagnie Vitamin Sea qui a participé au sauvetage afin de le conduire au large, dans sa famille pour une meilleure chance de survie.
Malheureusement, sur le trajet le ramenant auprès des siens, son cœur s’est arrêté de battre. Conformément au protocole, le corps du delphineau a été reconduit à terre et embarqué par le MOI à de fins d’analyses.
Save the Blu : une mission Colibri pour protéger nos flore et faune marines
Les coraux qui meurent, l’érosion des côtes qui s’accélère, l’envahissement des déchets sur les plages, les lagons dépeuplés, les poissons moins nombreux, les tortues marines blessées, les cétacés harcelés… Murali Krishna Appandi habite Chamouny. Devant la dégradation de nos écosystèmes marins, il a initié le mouvement Save the Blu, dont la mission est de regrouper tous les acteurs de la communauté sensibles à la cause environnementale : pêcheurs, surfeurs, plaisanciers, opérateurs de Dolphin & Whale Watching, scientifiques, habitants de la côte Sud-Ouest, citoyens mauriciens et expatriés, ONG, institutions scolaires, collectivités, acteurs du secteur privé et la presse.
À Le Dimanche/L’Hebdo, le fondateur de Save the Blu, explique que son initiative est une véritable mission Colibri où chacun s’engage à protéger la flore et la faune marines, gravement menacées par les activités humaines. Les objectifs de Save the Blu sont multiples : faire pression pour une meilleure conservation marine, sensibiliser le public et les touristes, et former les acteurs locaux.
Pour atteindre ces objectifs, Save the Blu organise des Think Tank Sessions à travers l’île, réunissant des experts, des ONG et des acteurs locaux. La première session s’est tenue au domaine de Grand-Baie, suivie d’une deuxième au Veranda Resort Tamarin. « L’objectif de ces rendez-vous est de réunir et de mettre en lumière tous les acteurs qui œuvrent pour la protection de l’environnement et des mammifères marins », indique-t-il.
Il cite notamment l’Indian Ocean Marine Life Foundation (IOMLF), engagée dans l’étude et la protection des mammifères marins de l’océan Indien, dont le président est René Heuzey : « Il a présenté son travail d’étude des familles de cachalots de Maurice et a rappelé les menaces qui pèsent sur ces grands animaux. »
De son côté, Alain Dubois, président de l’ONG Whale Up, a rappelé l’existence de la réglementation en vigueur concernant l’observation des baleines et dauphins. Il a également mis en lumière les conséquences néfastes d’un Dolphin & Whale Watching irrespectueux, et les moyens d’améliorer les pratiques en mer par de nouvelles études d’impact, la formation des opérateurs et skippers, le renforcement des moyens nationaux et la science participative pour collecter des données d’observations.
« Il nous paraît important de rappeler l’existence de cette loi qui permettrait, si elle était mise en application, de conduire à un Dolphin & Whale Watching plus respectueux des animaux, plus intéressant pour les touristes et donc, plus durable » soutient Murali Krishna Appandi.
Autre participant : l’ONG EcoSud, représentée par Vinayagen Munusami. Murali Krishna Appandi rappelle que cette ONG vise à protéger et à restaurer la biodiversité ainsi que l’environnement de Maurice par la sensibilisation, l’éducation, le plaidoyer et l’action. « Il a rappelé les menaces qui pèsent sur la biodiversité marine et les communautés côtières. Des projets de restauration de récifs coralliens et d’aires marines protégées, d’accompagnement à une agriculture locale bio ne dégradant pas les sols, et ses actions en justice pour faire reconnaître les Droits de la nature, souvent négligés et entraînant la destruction d’habitats et l’extinction d’espèces etc., ont aussi été présentés », souligne-t-il.
Christopher Corneille a également répondu présent aux rendez-vous de Save the Blu. Il a présenté Tiregatte Moris, qui promeut auprès des jeunes des cours de voile, de kitesurf et de navigation sur pirogue, tout en évoquant son projet Mau Reu, une expédition audacieuse entre Maurice et la Réunion, visant à promouvoir le kitesurf, tout en mettant en lumière les défis environnementaux auxquels sont confrontées les îles de l’océan Indien.
Ces premières Think Tank Sessions, qui sont ouvertes à tous, ne sont qu’un début. « J’encourage tous ceux qui veulent agir à nous rejoindre pour échanger et mettre en place des actions concrètes sur le terrain », dit Murali Krishna Appandi. « Vous pouvez nous retrouver et partager vos constats, idées et projets dans notre groupe Facebook Save the Blu, Save the South West », ajoute-t-il.
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