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Drogue en milieu scolaire : un rajeunissement alarmant

  • La priorité : remonter aux fournisseurs 

Les récents cas de drogue en milieu scolaire interpellent fortement. Il s’avère que le rajeunissement des consommateurs de drogue est aussi lié au rajeunissement des trafiquants et de leurs acolytes.

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Quatre élèves ont été épinglés pour délits de drogue en ce mois de mars 2023. Le premier cas remonte au mercredi 8 mars, quand un jeune de 13 ans a tenté de mettre fin à ses jours après avoir été surpris avec de la drogue en sa possession. Il a expliqué aux policiers qu’il voulait en revendre à ses camarades de collège, tout en avouant qu’il en avait déjà vendu à des élèves de deux établissements scolaires situés l’un dans la capitale et l’autre dans les Plaines-Wilhems. 

Plus récemment, le lundi 20 mars, trois jeunes ont été pris avec du cannabis et du papier à rouler. Le premier cas concerne un élève de 14 ans fréquentant un collège des hautes Plaines-Wilhems. Il a été pris avec 1,33 gramme de cannabis, un carnet de papier à rouler et deux cigarettes artisanales, contenant du tabac et des feuilles soupçonnées d’être du cannabis. 

Le même jour, au stade Maryse Justin, Réduit, un élève de 17 ans a été interpellé avec une cigarette contenant du cannabis, alors que dans un collège de l’Est, un jeune de 18 ans a été pris avec six sachets de gandia dissimulés dans une boîte de cigarettes. La brigade antidrogue (Adsu) et les parents des élèves ont été alertés. 

Ces cas n’ont pas manqué d’interpeller les travailleurs sociaux, le public et les autorités. Ils sont traités avec tout le sérieux voulu par la police et les institutions concernées. Mais la priorité de l’Adsu, qui se penche sur ces dossiers, demeure la provenance de la drogue. 

Après une première version récupérée par la police, en présence des officiers de la Brigade pour la protection de la famille, l’Adsu n’a pu obtenir plus de précisions. « Bizin kone kot ladrog-la sorti ek kisanla ki pe sible lekol ar zot ladrog », dit un responsable d’équipe de l’Adsu. 

Le rajeunissement des consommateurs de drogue est aussi lié au rajeunissement des trafiquants et de leurs acolytes (communément appelés 
« jockeys » dans le circuit), entre autres. Dans les années 1990, des consommateurs épinglés par l’Adsu étaient dans la tranche d’âge de 45-50 ans.

« Martin, zocke, trafikan, tou inn razeni », dit-on. 

Dans des centres de traitement des toxicomanes, ce rajeunissement est flagrant. « On a noté ce phénomène ces cinq dernières années. Dans certaines familles, ils sont toxicomanes sur deux, voire trois générations. Leker fermal kan ou trouv enn fami trwa zenerasion afekte ar sa pwazon-la », dit un travailleur social. 


Tour d’horizon

Nous avons posé plusieurs questions à des travailleurs sociaux concernant le rajeunissement des toxico-manes. Leur constat de la situation sur le terrain est alarmant. Ils nous parlent de ce fléau qui gangrène la société.

Le nombre de filles en hausse

Même si ce rajeunissement concerne davantage les garçons, il a été noté que le nombre de jeunes filles qui sont tombées dans cette spirale infernale est en hausse. Il revient que certaines sont contraintes de se prostituer pour que leurs proches et elles-mêmes puissent se procurer leurs doses de drogue. 

À Les Salines, par exemple, un ado de 13 ans « vendait » sa sœur de 16 ans à des hommes d’âge mûr, nous explique un travailleur social. « Lors d’une visite, nous avions rencontré le frère et la sœur. Garson-la ti pe trase pou ramen kas lakaz pou droge. Zot prop paran fer sa garson 13 an vann lekor so ser. Bann-la droge », raconte ce travailleur social de la capitale. 

Selon lui, vu l’ampleur que ce phénomène a pris, le nombre de jeunes filles interpellées a connu une hausse et se rapproche de celui des jeunes garçons. « C’est inquiétant. »

Les drogues les plus prisées par les élèves

Les drogues synthétiques et le cannabis sont plus prisés par les élèves en raison de leur accessibilité sur le marché. Ce sont des « produits locaux » qui sont à la portée des toxicomanes. Dans le milieu estudiantin, on laisse entendre que ce n’est pas compliqué pour deux camarades de classe de « met koste » pour s’acheter une dose de drogue synthétique qui coûte Rs 100. 

Le mode opératoire

Des dealers identifient souvent un jeune qui n’attire pas l’attention. Ils lui exposent leur « projet » de vendre de la drogue au collège, tout en lui promettant monts et merveilles. « Kan zot dir li tou seki li pou kapav aste ar kas ki li pou gagne, adolesan 13-14 an fini tante. Zot donn li enn bann doz kado pou fer lezot seye. Li fini vinn enn adik ek enn dealer san ki li rann li kont. Ler lezot seye, inn vinn adik, lerla li koumans vande. Li gagn so bann doz kado », explique un des bénévoles qui essaient tant bien que mal d’aider ces jeunes. 

Où consomment-ils cette drogue ?

La plupart de ces jeunes consomment la drogue dans les toilettes de l’école. Sinon, ils cherchent un lieu proche de l’établissement. En fait, ce sont les élèves qui sont devenus accros qui incitent les autres à « goûter ». « Seye, ena nisa ladan. Pe donn kado sa. C’est ce qui s’est produit en 1980 quand le trafic et la consommation d’héroïne ont pris de l’ampleur », explique Ally Lazer. 

Il explique que certains responsables d’établissements scolaires font des checks réguliers dans les toilettes. « Sinon ena bann zen ki al kot zot bann kamarad lekol kan pena personn », poursuit-il.

Les établissements dans le viseur ? 

Il n’y a pas de région ou de type d’établissements en particulier qui sont dans le viseurs de l’Adsu ou de la police de manière générale. De concert avec la Crime Prevention Unit, des séances de travail ou des interventions sont faites sur un case-to-case basis. La Crime Prevention Unit, qui a fait de la prévention criminelle son cheval de bataille, incluant les problèmes de drogue dans les écoles et universités, travaille sur des renseignements et plaintes émanant du public et d’unités spécialisées. Il y a aussi une collaboration entre la police, les travailleurs sociaux, les religieux et le personnel des établissements scolaires. 

Police et Brigade pour la protection de la famille

Dès qu’il y a une saisie de drogue sur un élève mineur, les parents ou responsible party sont alertés. Les versions sont enregistrées en présence des adultes. Selon les dispositions du Children’s Act, les mineurs sont relâchés sur parole. Un représentant du Probation Office enclenche une enquête sociale et rédige un rapport (Social Enquiry Report), qui est ensuite envoyé au bureau du Directeur des poursuites publiques. 

Ce que dit la loi

C’est le Children’s Act qui est pris en considération quand il s’agit de délits commis par des mineurs. Cependant, les autorités s’assurent qu’aucune des dispositions du Dangerous Drugs Act et du Children’s Act n’est mise de côté. 

Sensibilisation 

Les Casernes centrales, avec l’Education Cell de l’Adsu, abattent un travail sur le terrain pour sensibiliser le public. « Nou fer prevansion avek bann zelev. Li ‘on-going’. Toulezour ena kampagn ki kontigne a traver lil », dit un responsable de l’Adsu. 

Le rajeunissement des consommateurs de drogue est un « phénomène mondial », dit-on. « Les études et les chiffres le confirment, mais notre rôle est de faire de notre mieux pour combattre ce fléau », souligne, pour sa part, un responsable de la Brigade pour la protection de la famille. De concert avec l’Adsu, cette unité mène aussi un travail de sensibilisation.

Ally Lazer : « Donn zanfan kado pou apre zot aste ! » 

Le travailleur social Ally Lazer a, à plusieurs reprises, tiré la sonnette d’alarme sur le rajeunissement des toxicomanes. À Le Dimanche/L’Hebdo, il explique que le mode opératoire est simple. « Li parey kouma lontan. Zot donn premie doz kado, apre fer vinn aste. Zordi zot donn zanfan kado dan lekol, fer vinn adik pou ki zot aste apre. »

Selon Ally Lazer, l’addiction fera que ces jeunes se tourneront automatiquement vers les trafiquants de drogue. Les jeunes élèves représentent, pour les trafiquants, « la pérennité du business  ». « Trafikan sible zanfan ki pou ena pli long ‘career time’ dan ladiksion », dit-il. 

Dans certains cas, des jeunes n’ayant pas atteint 14 ans sont devenus accros. Il n’y a aucune compilation officielle de ces chiffres, déplore Ally Lazer. Il réclame une étude approfondie pour pouvoir compiler ces données. Les autorités ne doivent pas se voiler la face. Il dit avoir vu deux enfants de 10 ans se droguer dans les toilettes d’une école de la capitale. « Nou finn travay ar bann zanfan-la, nou pa anvi briz zot lavenir. »

Un réseau au sein des collèges des Plaines-Wilhems dénoncé en 2016

Lors de son audition devant la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen, le 27 octobre 2016, Munsoo Kurrimbaccus, alors vice-président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), avait dénoncé un trafic de drogue dans des collèges des Plaines-Wilhems. « Des collégiens de différents collèges des Plaines-Wilhems opèrent en réseau », avait-il déclaré.

Le syndicaliste avait remis à Paul Lam Shang Leen une lettre contenant les détails de ce trafic mené par des collégiens. Selon Munsoo Kurrimbaccus, ce réseau « est bien organisé, mais les collégiens ne connaissent pas le boss, car le trafic se fait dans l’enceinte des collèges ».

Il avait également indiqué que « la drogue est plus présente dans les collèges d’État » que dans les collèges privés. Et d’ajouter que les collégiens impliqués dans les délits de drogue sont admis par la suite dans les collèges privés. 

De son côté, lors de son audition devant la commission d’enquête sur la drogue, l’Acting Senior Chief Executive du ministère de l’Éducation, Ram Prakash Ramlugun, avait déclaré que 46 cas de saisies de drogue avaient été recensés dans 25 collèges depuis 2014. De plus, de janvier à juin 2016, il y avait eu 17 cas.

 

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