Nous sommes à trois semaines de coup d’envoi de la nouvelle saison de courses. Alors que les choses s’activent pour le premier ‘go’, depuis lundi, le giron est en ébullition. 20 chevaux sont positifs à une possible contamination alimentaire. Notre enquête nous a menés de plain pied dans le combat que mènent à l’unisson le MTC et la GRA contre le dopage. À ce jour, ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre n’ont jamais été pris dans les filets.
Dopeur qui es-tu ?
Le but du dopage est simple : augmenter les chances d’un cheval pour gagner ou diminuer ses chances pour perdre. Des cas de dopage sont répertoriés chaque année au Mauritius Turf Club. « Ce sont généralement des gens qui veulent se faire beaucoup d’argent facilement en misant de grosses sommes. Il y a eu des cas où des palefreniers ont avoué leur implication mais ils n’ont jamais dénoncé le commanditaire. Sans doute par peur de représailles. Mais c’est très rare qu’il y ait complicité à l’intérieur d’une écurie », précise Benoît Halbwachs du MTC.
Le Dr Vicky Ruhee, vétérinaire du MTC et fondateur de la Vetocare Clinic, souligne que des gens malintentionnés peuvent également « manipuler un coursier pour perdre en lui administrant un produit qui le fera ralentir ». Dans ce cas précis, le ou les commanditaires sont généralement proches du milieu du jeu. Si un gros favori tombe, ce sont généralement les bookmakers qui se frottent les mains.
Cas récents *Maxamore et Aspara : mai 2018
Maxamore, entraîné par Gilbert Rousset, s’impose facilement lors de la 7e journée, le 12 mai 2018. Les analyses d’après-course révèlent la présence de stanozolol dans le système du coursier. Aspara, autre élève de Gilbert Rousset, gagne deux semaines plus tard. Le même produit est décelé chez lui. L’enquête dure jusqu’à décembre 2018 et le verdict est sévère : disqualification de 12 mois et Rs 100 000 d’amende pour l’entraîneur champion. L’appel de Gilbert Rousset a été entendu le 22 février 2019. Le board d’appel a réservé son jugement, qui se fait toujours attendre.
Dans le cas d’Aspara, le palefrenier Lavish Lallbeeharry a avoué avoir manipulé le coursier. Il est banni par le MTC et n’a pas le droit de se retrouver au Champ-de-Mars ou de tout autre endroit sous le contrôle de l’organisateur des courses. Arrêté par la Police des jeux, il avait retrouvé la liberté contre une caution de Rs 10 000 et une reconnaissance de dette de Rs 200 000.
League Of Legends : juin 2018
Lors des tests inopinés menés par la GRA et le MTC, le coursier League Of Legends est testé positif à l’EPO humain en juin 2018. L’enquête tire en longueur et le verdict n’est tombé que la semaine dernière. L’entraîneur Preetam Daby est disqualifié pour une période de 12 mois. Il a fait appel de la sanction.
Artax : juillet 2018
Constatant une enflure au cou de son coursier, Artax, l’entraîneur Amar Sewdyal demande que des tests soient effectués. Résultat : il est positif au stanozolol. L’enquête est conclue le 26 février 2019. Amar Sewdyal écope d’une amende de Rs 150 000.
Ouzo : octobre 2018
De l’Acepromazine, une substance utilisée comme tranquillisant en médecine vétérinaire, est décelée dans les échantillons de sang d’urine et de sang d’Ouzo, qui devait participer à la 31e journée 2018. L’enquête bouclée un mois plus tard ne mène pas à grand-chose. L’entraîneur est condamné à payer une amende de Rs 30 000.
Selon les Rules Of Racing : L’entraîneur est le responsable
Les ‘Rules Of Racing’ du Mauritius Turf Club stipulent que tout entraîneur est le responsable de la sécurité à son écurie et qu’il doit prendre toutes les dispositions pour s’assurer qu’il n’y ait aucun cas de dopage au sein de son établissement. Ce qui explique les sanctions contre eux. Depuis quelque temps, certains entraîneurs apposent leurs propres scellés sur les portes des boxes dans leur écurie, tandis que d’autres y ont fait placer des caméras de surveillance à l’intérieur.
20 chevaux positifs : contamination alimentaire ou ‘foul play’ ?
En amont de la saison 2019, qui démarre le 23 mars, la GRA et le MTC ont testé 73 coursiers et 19 d’entre eux sont positifs à un stéroïde anabolisant, le zilpaterol. D’emblée, dans son communiqué en date du 25 février, la GRA précise qu’il pourrait s’agir d’un cas de contamination : « Ces contrôles se sont révélés concluants car ils nous ont permis de détecter une substance illicite, soit la présence d’un stéroïde anabolisant, chez 19 d’entre eux. Une contamination de nourriture pourrait être à l’origine de cet incident. Néanmoins, une enquête a été initiée afin de déterminer si cette substance illicite s’est introduite de manière accidentelle ou délibérée dans l’organisme des chevaux. »
Un cas similaire avait été répertorié à Hong-Kong en 2013. Deux coursiers de l’entraîneurs P.F. Yiu, victorieux à Sha Tin, avaient gagné sous l’influence de zilpaterol. L’enquête devait plus tard révéler que cette substance se trouvait dans la nourriture contaminée et l’entraîneur avait été blanchi.
À Maurice, les nourritures utilisées par les entraîneurs proviennent en général de 4-5 différents fournisseurs. Le MTC précise que chaque entraîneur est libre de s’approvisionner où il le souhaite. Les types de nourriture utilisés durant l’intersaison et pendant la compétition ne sont pas nécessairement les mêmes.
L’enquête que mène la GRA devra déterminer si la présence de zilpaterol dans l’aliment des chevaux est un cas de ‘genuine contamination’ ou un acte délibéré.
Les coursiers positifs
Écurie Nagadoo (2) : Ice Emperor et Toa Nui
Écurie Ramapatee Gujadhur (7) : Square The Circle, Captain Falcon, Sky High Flyer, Enaad, Disco Al, The Great One et Chap Trap
Écurie Maingard (6) : Dark Force, Argo Solo, Pop The Question, Indian Tractor, Why Wouldn’t Yew et Redwood Valley
Écurie Perdrau (1) : Sandy Sport
Écurie Daby (1) : Street Byte
Écurie Allet (3) : Rob Roy, Amritsar et Ernesto
MTC/GRA : Unis contre le dopage
Le Mauritius Turf Club dépense plus de Rs 20 millions par année pour tester les chevaux. Depuis 2018, la Gambling Regulatory Authority lui donne un coup de main dans le combat et la prévention contre le dopage avec des résultats probants, dont le dernier cas révélé lundi : 20 coursiers positifs à une possible contamination alimentaire.
L’année dernière, cinq cas de chevaux contrôlés positifs à des produits prohibés et illicites ont été répertoriés à Maurice. Les coursiers Maxamore et Aspara ont couru et gagné sous l’influence du stanozolol. Artax était positif au même produit lors d’un test hors-compétition, tandis que de l’EPO a été décelé dans le système de League Of Legends. Quant à Ouzo, un tranquillisant, à savoir de l’Acepromazine, lui a été administré alors qu’il était grand favori d’une course. Il avait été retiré à temps. Et alors même que la nouvelle saison n’a pas démarré, 20 coursiers (voir la liste plus loin) ont été testés positifs au zilpaterol en début de semaine. Le Mauritius Turf Club (MTC) le conçoit : la collaboration accrue de la Gambling Regulatory Authority dans la lutte anti-dopage porte ses fruits.
« La GRA est présente depuis novembre 2017 pour tous les ‘pre-race’ et ‘post-race tests’. Tous les échantillons sont scellés et codés en leur présence avant l’acheminement au laboratoire. Ce dernier envoie les résultats qui sont codés aussi et qui sont ouverts encore une fois en présence de la GRA. L’instance régulatrice nous donne un bon coup de main depuis l’année dernière dans le combat contre le dopage et prend certains tests hors-compétition à sa charge et c’est d’une grande aide pour nous financièrement », souligne Benoît Halbwachs, secrétaire du MTC.
Outre les Rs 22 millions dépensées par l’organisateur des courses pour les différents tests, la GRA a déboursé quelque Rs 800 000 pour les frais de laboratoire en 2018. « Nous accorderons un plus gros budget pour les tests cette année car nous sommes conscients de l’inquiétude des turfistes et des amoureux des courses. Nous souhaitons redonner à l’industrie ses lettres de noblesse », affirme une source à l’instance régulatrice.
Relations au beau fixe
Si en début de semaine, les deux institutions se sont livrées à une petite guerre de communiqués, elles affirment unanimement que la relation MTC-GRA est au beau fixe en ce qui concerne les efforts fournis pour contrer le dopage. « Il n’y a aucune compétition avec le MTC. Nous agissons selon les paramètres de la GRA Act. Étant donné la gravité de la situation, il nous fallait intervenir », fait ressortir l’interlocuteur à la GRA.
La collaboration a débouché le lundi 25 février sur la découverte d’un possible cas de contamination alimentaire de 19 chevaux par du zilpaterol, un produit interdit. Un autre coursier a été testé positif vendredi, ce qui porte le total à 20 dans cette affaire. Depuis le début de la semaine, la GRA a convoqué les six entraîneurs concernés par ces cas. Son Integrity Department tente de remonter à la source du problème.
Là encore, le MTC n’y voit aucun mal à ce que la GRA mène l’enquête en solo. « C’est le rôle de son Integrity Department et nous collaborons entièrement avec eux à cet effet. À ce stade, il y a eu trois sacs de nourriture qui ont été testés positifs et il y a d’autres tests qui sont en cours », avise le secrétaire du Club. Et de conclure : « Nous devons combattre le dopage et maintenir l’intégrité des courses. C’est un combat permanent et sans relâche. »
Contrôle des chevaux : 4000 échantillons prélevés par an
Des cinq chevaux contrôlés positifs en 2018, deux sont passés dans les mailles du filet : Maxamore et Aspara se sont imposés sous l’influence d’une substance dopante. Cela, même si des échantillons de tous les coursiers qui figurent au programme d’une journée de courses sont envoyés au laboratoire QuantiLab. « Tous les gagnants sont testés pour le sang et l’urine après chaque réunion. Il en est de même pour un ou deux autres coursiers qui ont mal couru, comme les favoris. Nous effectuons aussi des tests ‘pre-race’ pour le sang le vendredi matin sur tous les coursiers qui figurent au programme. S’il y a un doute, on prend alors un échantillon d’urine pour une analyse plus approfondie afin d’avoir le résultat avant le début de la journée », explique Benoît Halbwachs, secrétaire du MTC.
Environ 4 000 échantillons de sang et d’urine sont prélevés chaque année. « Cela comprend des ‘out of competition tests’, où nous essayons de prendre chaque cheval au moins une fois l’an, ce qui concerne une population de 350-400 chevaux. Ces tests sont faits à n’importe quel moment et n’importe quand, même à Floréal ou dans les centres privés », rassure notre interlocuteur.
Un coursier peut être sous l’influence d’un produit prohibé lors d’un contrôle hors-compétition, mais il ne peut avoir le produit dans son système lorsqu’il figure au programme. En revanche, aucun cheval ne doit être positif à un produit illicite, tels les anabolisants, EPO etc. C’est interdit à tout moment…
Ces tests coûtent au MTC plus de Rs 20 M par an.
Produits prohibés et illicites : le Dr Ruhee explique la différence
C’est quoi le dopage ?
C’est se servir d’un moyen illégal pour avantager un coursier et le faire gagner ou alors de le désavantager en l’empêchant d’avancer normalement.
Les termes prohibés et illicites sont souvent utilisés dans le giron. Quelle est la différence ?
Un produit prohibé n’est pas interdit. Il peut être utilisé pour des traitements mais dans un délai autorisé. Mais le cheval ne doit pas avoir ce produit dans son système au moment où son entraîneur le nomme pour une course. Il faut savoir que différents produits sont éliminés par le cheval de différente manière. Cela dépend de son âge et de son métabolisme, entre autres. Il existe des cas où l’élimination du produit ne se passe dans les temps prévus, tout comme il peut y avoir des erreurs qui surviennent dû à une mauvaise communication. Si la faute incombe au vétérinaire, il est généralement mis à l’amende, sinon c’est de la responsabilité de l’entraîneur du cheval de s’assurer que son élève n’est sous l’influence d’aucun produit prohibé. Normalement, il calcule le temps d’élimination avant d’approuver toute injection ou avant d’entrer le cheval dans une course.
Mais lorsqu’un parle d’une substance illicite, c’est qu’elle ne doit pas être utilisée du tout. C’est un produit interdit. Les exemples sont les anabolisants, les hormones type EPO, etc. Un vétérinaire équin ne doit en aucun cas se retrouver en possession de tels produits. Ces derniers ne doivent pas être présents dans l’enceinte d’une écurie.
Comment expliquer que des chevaux puissent courir et gagner sous l’influence de tels produits malgré que tous les partants sont testés avant une course ?
Différents produits ont différents modes d’action. Je ne citerai pas d’exemples pour des raisons évidentes. Ce sont les reins qui les éliminent, ce qui explique que la substance est détectable dans l’urine aussi. Les tests d’avant-course impliquent le prélèvement d’échantillon de sang uniquement, alors que ceux après une course sur les gagnants concernent à la fois le sang et l’urine. Il est difficile de faire uriner 80 chevaux une veille de course, mais c’est plus facile de le faire pour 8 à 10 coursiers en un jour. Mais qu’on se rassure, le screening se fait de manière professionnelle et précis par le laboratoire. Il existe aussi une possibilité qu’un cheval ait été administré d’une substance quelconque après le test de vendredi. S’il gagne, c’est logique que le laboratoire détectera le produit dans les échantillons ‘post-race’.
Dr Vicky Ruhee est vétérinaire au Mauritius Turf Club. Il est également le fondateur de Vetocare Clinic, qui se trouve à Curepipe.
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