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Données effacées après les élections : Le CCID traque les destructeurs de preuves

La landing Station de Baie-du-Jacotet.
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Le CCID accélère son enquête sur la destruction de preuves liées à la surveillance de masse sous l’ancien régime. En parallèle, l’implication de la société indienne Pertsol et le financement du système d’écoutes téléphoniques suscitent de nouvelles interrogations.

« Permettez-moi de lancer un avertissement… Nous identifierons ceux qui ont détruit des preuves. Cela constitue une infraction criminelle. Je peux assurer qu’ils devront en assumer les conséquences. Ils sentiront toute la rigueur de la loi. » Cette mise en garde lancée par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, mardi à l’Assemblée nationale, par rapport aux données de la surveillance de masse détruites dès l’annonce des résultats des élections générales de 2024. 

Ce volet de l’affaire est d’ailleurs au cœur de l’enquête du Central Criminal Investigation Department (CCID) qui s’intéresse de près à ceux impliqués dans la destruction de ces données, qui constituent des preuves. L’attention se tourne tout naturellement vers certains protagonistes ayant eu accès à ce système. Ils sont dans le collimateur du CCID, notamment l’ancien Chief Technical Officer Girish Guddoy. 

Dans la déposition qu’il avait faite au CCID pour dénoncer ce système d’écoutes téléphoniques mis en place par l’ancien gouvernement, Sherry Singh, ex-patron de Mauritius Telecom, avait mentionné plusieurs protagonistes qu’il considère comme des pions-clés dans l’implantation du système de surveillance téléphonique. 

C’est après les élections de novembre 2024 que les experts ont pu établir que des données ont été détruites. Le CCID, avec l’appui de l’IT Unit de la police et de son homologue à l’étranger, a entamé des démarches pour récupérer les données effacées. Bien que certaines informations aient été perdues, les spécialistes travaillent activement à leur reconstruction.  « Elles sont en passe d’être reconstruites par des experts informatiques qui fournissent leur soutien aux enquêteurs », assure-t-on. 

Les données sont ordinairement stockées sur un système de stockage virtuel en ligne. Des démarches sont aussi en cours pour obtenir des détails sur les activités réalisées sur les appareils utilisés dans le cadre de ce système de surveillance de masse. Le CCID, avec le soutien des autorités étrangères, a confirmé qu’un système de « mass surveillance » avait bel et bien eu lieu durant une période déterminée. 

Les écoutes téléphoniques avaient été confirmées fin 2024, avec les révélations des appels téléphoniques de « Missie Moustass », ainsi que des conversations impliquant des personnalités publiques du pays, incluant l’ex-Premier ministre, l’ancien Commissaire de police et d’autres figures VIP.

Le CCID s’intéresse aussi à la société indienne Pertsol, qui avait fourni la logistique nécessaire à la mise en place du système d’écoute, incluant les échanges sur les services de messagerie et diverses plateformes en ligne. Elle avait été rémunérée Rs 355 millions. Les enquêteurs ont entamé des démarches en vue d’obtenir des détails sur les transactions financières et les négociations menées par des protagonistes avec cette firme indienne dont une des branches est basée à Dubaï. 

Girish Guddoy, Chief Technical Officer à la Landing Station de Baie-du-Jacotet

Il était responsable de ce lieu hautement sécurisé, dont l’accès était réservé uniquement aux personnes autorisées. En tant que Chief Technical Officer (CTO) de la Landing Station de Baie-du-Jacotet, Girish Guddoy avait accompagné une délégation de techniciens indiens sur ce site-clé du réseau de télécommunications. 

L’enquête du CCID s’intéresse aux divergences entre ses différentes déclarations. Alors qu’un premier rapport faisait état d’une « Data Capture », un second affirmait le contraire. Les enquêteurs cherchent à établir si le CTO aurait modifié des éléments clés de sa déposition. Ses « further statements », ajoutés au dossier après une première déclaration, seront scrutés pour identifier d’éventuelles contradictions. Il pourrait être à nouveau convoqué par la police pour clarifications.

Navin Ramgoolam soulève le voile au Parlement : Les allégations de surveillance de masse sous l’ancien gouvernement mises au jour 

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Navin Ramgoolam a fait des révélations portant sur les dispositifs d'écoutes téléphoniques mardi à l'Assemblée nationale.



À l’Assemblée nationale mauricienne, les révélations du Premier ministre sur la surveillance des communications téléphoniques et numériques sous le gouvernement précédent ont provoqué un tollé mardi. En réponse à une question parlementaire du député PMSD Adrien Duval, le chef du gouvernement a dévoilé les conclusions préliminaires d’une enquête menée par des experts internationaux et des membres de la police.

Un système de surveillance sophistiqué

Le Premier ministre a décrit un dispositif de surveillance de masse, qualifié de « hautement sophistiqué », mis en place par l’ancien gouvernement du Mouvement Socialiste Militant (MSM). « La nation entière a été choquée lorsque, en octobre dernier, les ‘Moustass Leaks’ ont révélé que des conversations privées d’individus, de hauts responsables gouvernementaux, d’opposants politiques et même de membres du pouvoir judiciaire et de missions diplomatiques étaient écoutées par le gouvernement de l’époque », a-t-il affirmé devant les parlementaires.

Le chef du gouvernement a insisté sur l’ampleur de ce système d’espionnage. « Chaque appel téléphonique mobile, chaque communication via ligne fixe, chaque message sur WhatsApp, Facebook, Signal et TikTok ainsi que chaque e-mail de chaque citoyen étaient interceptés et stockés », a-t-il martelé. Selon lui, cette surveillance de masse constituait une « violation flagrante » des droits fondamentaux garantis par la Constitution, notamment la liberté d’expression et le droit à la vie privée.

Un coût financier exorbitant

Le Premier ministre a également dénoncé le coût faramineux de ce programme s’élevant à plus de 110 millions de dollars américains, soit Rs 5,13 milliards, a-t-il déclaré, ajoutant qu’une entreprise basée à Dubaï, Pertsol, aurait été rémunérée 7,5 millions de dollars par an pour l’entretien des équipements. « Comment justifier de telles dépenses alors que la population souffrait du coût de la vie ? », s’est-il interrogé.

Des preuves effacées dans l’urgence

L’enquête a révélé que les infrastructures de surveillance avaient été « nettoyées » à la hâte à l’annonce des résultats des élections générales », a affirmé le Premier ministre. Toutefois, il a tenu à prévenir ceux qui auraient tenté d’effacer des preuves : « Les experts sont capables de récupérer les données supprimées, et nous identifierons ceux qui ont détruit des éléments de preuve. Ils devront répondre de leurs actes devant la justice ».

Navin Ramgoolam a aussi précisé que « ce gouvernement ne se laissera pas détourner de la quête de vérité et de la traduction en justice, et rendra responsables devant la loi, ceux qui sont responsables de tels actes ignobles. Je peux le dire à l'Assemblée ; je tiendrai l'Assemblée informée dès que je recevrai de nouveaux rapports. Je suis même prêt à déposer le rapport sur la table de cette Assemblée afin que vous puissiez voir de vos propres yeux ce qui se passait dans notre pays ».

Navin Ramgoolam a souligné que « le système est maintenant désactivé. Personne ne va écouter ce que vous dites. Je vous l'assure. Sous ce gouvernement, il n'y aura jamais, jamais de rétablissement de l'interception de masse ou de la surveillance de masse. Jamais ! »

Face à ces révélations, le gouvernement actuel envisage de renforcer le cadre législatif pour éviter toute récidive.

 

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