
Le Domestic Abuse Bill vise à remplacer l’actuelle loi sur la violence domestique, renforcer le Protection Order, mieux protéger les victimes, responsabiliser les auteurs et améliorer la coordination des services.
Le Protection from Domestic Violence Act devrait prochainement être remplacé par un nouveau texte législatif : le Domestic Abuse Bill. Ce projet, actuellement en cours d’élaboration au sein du ministère de l’Égalité du genre et de la protection de la famille, vise à offrir une réponse plus robuste et adaptée aux réalités de la violence domestique.
Publicité
« Nous avons pris des mesures concrètes pour soutenir les victimes dans notre plan d’action qui se décline en trois phases. À court terme, remettre en marche la mécanique, revoir les incohérences, amender les lois et présenter de nouveaux règlements dans certains cas », a déclaré la ministre Arianne Navarre-Marie, lundi 14 avril, lors d’un atelier de travail consacré à la validation du National Policy Paper on the Family, à l’hôtel Hennessy Park, à Ébène.
Au cœur de cette réforme, le Protection Order (voir encadré) fait l’objet d’une révision majeure pour pallier ses faiblesses actuelles et renforcer son efficacité. Cet outil juridique, censé offrir une barrière de sécurité immédiate aux victimes de violence domestique, est souvent perçu comme un simple « morceau de papier », inefficace face à un agresseur déterminé. Anushka Virahsawmy, directrice de Gender Links, analyse ce paradoxe : « Le problème n’est pas la loi en elle-même. Le Protection Order est mal compris, mal utilisé, et surtout, mal expliqué. »
Selon elle, ni les victimes ni les agresseurs ne comprennent pleinement ce que ce dispositif implique : « Une femme obtient un Protection Order, mais continue de recevoir des appels, des messages, voire des visites de son agresseur. Parfois, elle reprend contact par peur, par dépendance émotionnelle ou dans l’espoir d’une réconciliation. Elle ignore souvent qu’en agissant ainsi, elle peut compromettre la validité de l’ordre. » Elle estime que la responsabilité ne devrait pas reposer uniquement sur les victimes : « Il faut les accompagner, leur expliquer leurs droits, les limites de l’ordre, et les démarches à suivre en cas de violation. »
Elle met également en lumière l’existence d’autres outils complémentaires, souvent méconnus : l’Occupation Order, qui garantit à la victime le droit exclusif de rester dans le domicile familial ; le Tenancy Order, applicable aux logements en location ; et l’Auxiliary Order, qui permet d’éloigner l’agresseur tout en permettant à la victime de rester chez elle. Ces options sont rarement mises en avant, faute de sensibilisation suffisante. Les Interim Orders, qui offrent une protection d’urgence dès les premières heures d’une situation à risque, sont également sous-utilisés.
Le Domestic Abuse Bill ambitionne de remédier à ces lacunes en plaçant le Protection Order au cœur d’un cadre légal plus complet couvrant toutes les formes de violence dans le cadre familial ou conjugal. Selon une source au ministère, le projet de loi introduira plusieurs mesures absentes de la législation actuelle, notamment une révision du Protection Order, une meilleure prise en charge des victimes, et l’introduction de programmes de réhabilitation pour les auteurs de violences.
Le Domestic Abuse Bill met ainsi l’accent sur une approche globale : amélioration des dispositifs de soutien, responsabilisation des auteurs, renforcement du rôle des institutions concernées et clarification des procédures judiciaires. « Il entend également s’attaquer aux causes structurelles de la violence domestique », souligne-t-on. Et d’ajouter que le projet de loi prévoit une meilleure coordination entre les services d’aide et les institutions judiciaires, ainsi qu’un accompagnement systématique des victimes tout au long du processus.
Cependant, pour Anushka Virahsawmy, la réforme législative ne suffira pas si elle n’est pas accompagnée d’un effort massif d’éducation et de sensibilisation. « Il ne suffit pas de promulguer des lois : encore faut-il les rendre accessibles, compréhensibles et applicables. Les victimes doivent savoir à quoi elles ont droit et comment s’en prévaloir », insiste-t-elle.
Elle plaide pour une approche proactive, où chaque personne impliquée – victimes, agresseurs, mais aussi autorités et communauté – comprend le rôle et la portée d’un Protection Order. « On ne pourra jamais mettre un policier dans chaque maison. Mais ce qu’on peut faire, c’est éduquer, informer, accompagner », ajoute-t-elle. Car, dit-elle, « il ne suffit pas d’en avoir un ; il faut savoir comment s’en servir et comment éviter de le banaliser ».
Le Domestic Abuse Bill représente une opportunité majeure pour renforcer la lutte contre la violence domestique à Maurice. Cependant, aucune date n’a encore été annoncée pour le dépôt du texte à l’Assemblée nationale.
Qu’est-ce qu’un Protection Order ?
Un Protection Order est une mesure judiciaire temporaire. Il interdit à l’agresseur de harceler physiquement, moralement ou émotionnellement la victime, même s’ils vivent ensemble. Le ministère de l’Égalité des genres précise que dès qu’un cas est signalé à un Family Support Bureau ou à la brigade pour la protection de la famille, une évaluation est faite. La victime est informée de ses droits, aidée dans la rédaction d’un affidavit, puis accompagnée à la cour. Un Interim Protection Order, valable 14 jours, peut être émis en attendant l’audience, durant laquelle l’agresseur présente sa version. Si les faits sont reconnus, un ordre jusqu’à deux ans peut être délivré. L’affaire peut aussi être mise de côté si l’agresseur promet de changer. Le ministère collabore avec des ONG pour offrir un hébergement temporaire aux victimes et à leurs enfants.
Plus de 7 000 cas enregistrés en 2023
Selon les données publiées par Statistics Mauritius (Gender-2023), les femmes restent les principales victimes de violence domestique. En 2023, le nombre de cas signalés au ministère de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille a connu une hausse significative, passant de 5 381 cas en 2022 à 7 177 en 2023.
Les violences visant spécifiquement les femmes ont augmenté, passant de 4 420 à 5 729 cas, tandis que celles concernant les hommes sont également en hausse, passant de 961 à 1 448 cas.

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !