
- Navin Ramgoolam : « Quelqu’un a volé l’argent et nous saurons qui »
Face au Parlement, Navin Ramgoolam révèle des pertes massives pour Air Mauritius. Il pointe du doigt des ventes d’avions à perte et une structure financière opaque via Airport Holdings Ltd (AHL), promettant de découvrir où est passé l’argent.
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Interpellé par le deuxième député de Vieux-Grand-Port et Rose-Belle, Manoj Seeburn, le chef du gouvernement s’est exprimé longuement sur la situation financière de la compagnie aérienne nationale, de décembre 2014 à décembre 2024, notamment en ce qui concerne les pertes enregistrées lors de ventes d’aéronefs et les injections de capitaux. Dans sa réponse, Navin Ramgoolam a d’abord établi un contraste entre la situation financière de la compagnie avant et après 2014. « Pour l’exercice financier 2013-2014, Air Mauritius Ltd a réalisé un bénéfice de Rs 359 219 000. En revanche, de 2015 à 2024, la compagnie a enregistré une perte totale de Rs 17 721 683 000 », a-t-il déclaré.
Ces pertes s’expliquent en partie par plusieurs ventes d’avions à perte. En 2017-2018, un Airbus A340-300 a été vendu selon un schéma de Sale and Lease Back, générant une perte de Rs 107 800 000. Durant la période 2021-2022, alors qu’Air Mauritius était placée sous administration volontaire, deux A319-100 ont été vendus en juin 2021, entraînant une perte de Rs 338 100 000. En novembre de la même année, la vente d’un A330-200 s’est soldée par une perte supplémentaire de Rs 637 000 000.
Une autre opération interroge : en juin 2021, la compagnie a conclu un accord de consignation avec une entreprise privée pour le démontage de deux A340-300 en pièces détachées, évaluées à Rs 220 500 000. Air Mauritius n’a récupéré que Rs 83 300 000 de cette opération, subissant ainsi une perte de Rs 137 200 000. Au total, les pertes liées aux ventes d’avions atteignent Rs 1,22 milliard.
Mais c’est la structure de financement via AHL qui a suscité les déclarations les plus virulentes du Premier ministre. Si l’État n’a pas injecté directement de capital dans Air Mauritius, il l’a fait de manière indirecte par le biais d’une avance de Rs 12 milliards à AHL en septembre 2021. Ce montant, destiné à soutenir les besoins financiers urgents d’Air Mauritius, a été ventilé dans différentes opérations (voir hors-texte), selon des modalités qui font aujourd’hui l’objet de vives critiques.
Navin Ramgoolam a affirmé : « Le ministère des Finances avait besoin de Rs 25 milliards pour tromper la population en affichant un ratio dette/PIB artificiellement bas. AHL a été constituée avec 23 entités, dont Air Mauritius. » Et d’ajouter : « Les actifs nets réels étaient évalués à Rs 10 milliards. Pourtant, un goodwill de 41 milliards a été ajouté pour gonfler la valorisation à Rs 51 milliards. »
Rs 25 milliards pour quelque chose qui vaut Rs 5 milliards
C’est à cette valeur surévaluée que la Mauritius Investment Corporation (MIC), filiale à 100 % de la Banque de Maurice, a racheté 49 % des actions d’AHL. « La MIC a payé Rs 25 milliards pour 49 % des parts d’une entreprise dont les actifs réels étaient de Rs 5 milliards. Autrement dit, quelqu’un a volé de l’argent. Et nous saurons qui », a martelé le Premier ministre.
Ce qu’il qualifie de « surévaluation excessive » aurait été confirmée par la Banque mondiale, qui aurait estimé à seulement Rs 5 milliards la valeur réelle des parts acquises. « Cela implique que la MIC devra inscrire une dépréciation, avec des conséquences évidentes », a averti Navin Ramgoolam.
En parallèle, l’avance initiale de Rs 12 milliards consentie par l’État à AHL a été remboursée le jour même de la transaction, le 9 décembre 2021, grâce à l’argent injecté par la MIC. Air Mauritius, de son côté, a remboursé Rs 830 millions à AHL, tandis qu’un montant additionnel de Rs 622 millions a été compensé via la cession de filiales.
Enfin, lors d’un conseil d’administration tenu en mars 2025, AHL a décidé de convertir les Rs 8,04 milliards restantes en actions préférentielles sans droit de vote, convertibles et remboursables.
Le Premier ministre a conclu en annonçant qu’un audit a été confié au cabinet KPMG pour faire la lumière sur l’utilisation de Rs 2,5 milliards, initialement prévues pour les besoins en fonds de roulement d’Air Mauritius, mais affectées à d’autres fins non précisées. « Nous ne savons pas encore où est passé cet argent ni si une autorisation adéquate avait été obtenue. Une enquête est en cours pour comprendre ces calculs pour le moins… approximatifs », a-t-il déclaré.
Une structure de financement complexe
Le gouvernement n’a pas injecté de capital directement dans Air Mauritius Ltd, mais l’a fait indirectement par le biais d’Airport Holdings Ltd (AHL), à travers une avance de Rs 12 milliards en septembre 2021, dans le cadre du Watershed meeting. Cette somme a été utilisée de la manière suivante :
- Rs 9,5 milliards sous forme de prêt à Air Mauritius ;
- Rs 812 millions pour l’acquisition d’actions d’Air Mauritius Ltd ;
- Rs 42 millions pour des actions de Pointe Coton Resort Hotel Company Ltd ;
- Rs 135 millions pour des parts de Jet Prime Ltd ;
- Rs 14 millions injectées dans des filiales d’AHL ;
- Rs 1,007 milliard en prêts à ces filiales ;
- Rs 324 millions pour l’acquisition d’espaces dans le bâtiment MEDCOR ;
- Rs 166 millions pour les dépenses administratives entre août 2021 et juin 2024.

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