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Début de la COP28 sur fond d’élimination des énergies fossiles : plus de Rs 34 Md dépensées en charbon de 2015 à 2022

Malgré la volonté de réduire le charbon, force est de constater qu’il reste une source d’énergie incontournable à Maurice.

Malgré les engagements formels en faveur des énergies renouvelables, la tendance à la hausse des dépenses du Central Electricity Board pour l’achat de charbon souligne la nécessité d’une réévaluation stratégique. Si la COP28, prévue cette année à Dubaï et visant l’élimination des sources d’énergies fossiles, débutera ce jeudi 30 novembre, Maurice semble être à la traîne en matière de transition énergétique.

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Selon divers spécialistes du secteur, les autorités devraient explorer des politiques plus rigoureuses pour atteindre les objectifs de transition énergétique, garantissant ainsi la durabilité à long terme de la politique énergétique de Maurice. La question demeure : comment le gouvernement envisage-t-il d’harmoniser ses engagements environnementaux avec les réalités économiques de la production d’énergie à Maurice ? 

Les données ci-dessous qui illustrent les dépenses effectuées par le Central Electricity Board (CEB) en termes de charbon de 2015 à 2022, révèlent que le prix pratiqué à l’international est régulièrement volatile, ce qui démontre une fois de plus l’incertitude du charbon qui reste constamment sous l’influence des événements susceptibles d’affecter le marché international. Le charbon peut, par moment, connaître des prix très favorables dans certaines périodes, mais peut également atteindre des flambées record. 

2014-2015: Début d’une ère charbonneuse (Rs 3 396 703 039)

L’année fiscale 2014-2015 a marqué le début de cette période de suivi, avec des dépenses initiales s’élevant à Rs 3 396 703 039. Ces chiffres ont jeté les bases d’une tendance qui allait évoluer au fil des ans.

2016-2017: Une envolée des coûts (Rs 6 578 339 415)

La période 2016-2017 a été témoin d’une augmentation spectaculaire, les dépenses passant à Rs 6 578 339 415. Cette augmentation notable pourrait être attribuée à des facteurs comme la demande énergétique croissante ou les fluctuations des prix mondiaux du charbon.

2017-2018: Stabilité relative (Rs 4 151 761 240)

L’année suivante a présenté une relative stabilité avec des dépenses de Rs 4 151 761 240, indiquant peut-être une certaine maîtrise des coûts, mais soulignant également la constance de la dépendance au charbon.

2018-2019: Rs 4 554 459 910 pour l’achat de charbon 

Au cours de l’année fiscale 2018-2019, le CEB a alloué une somme de Rs 4 554 459 910 pour l’achat de charbon. Bien que ces dépenses demeurent dans la fourchette des Rs 4 milliards, elles représentent néanmoins une augmentation notable de Rs 400 millions par rapport aux exercices précédents. Cette variation souligne la dynamique changeante des prix de cette commodité essentielle et pose des questions cruciales sur les facteurs sous-jacents à cette évolution financière

2019-2020 : Une baisse heureuse avec la chute des prix du charbon (Rs 3 698 748 910) 

Au cours de l’année fiscale 2019-2020, le CEB a enregistré des dépenses réduites pour l’achat de charbon, s’élevant à Rs 3 698 748 910. Cette diminution significative peut être attribuée à une baisse des prix du charbon sur le marché mondial. En d’autres termes, le CEB a bénéficié de circonstances favorables, profitant d’un coût moyen inférieur des Independent Power Producers (IPP), principalement en raison de tarifs de charbon plus bas au cours de l’année sous revue. Cette conjoncture plus favorable a permis au CEB de réaliser des économies substantielles,

2020-2021 : La volatilité de la roupie fait monter le prix du charbon (Rs 4 738 791 749)  

Les principaux moteurs de coûts du CEB, notamment les prix du fioul, du charbon et d’autres matériaux importés, ainsi que la valeur de la roupie mauricienne par rapport aux principales devises dans lesquelles le CEB  mène ses activités, sont extrêmement volatils et échappent au contrôle de la direction.

2021-2022 : Dépenses record pour le CEB avec le lockdown et la guerre (Rs 7 351 047 556)

L’année fiscale 2021-2022 a marqué un tournant financier pour le CEB, avec des dépenses records pour l’achat de charbon, atteignant la somme remarquable de Rs 7 351 047 556. Les conséquences financières de cette hausse sont significatives et découlent de divers facteurs externes.

2018-2021: Fluctuations modérées (Rs 4,5 Md à Rs 4,7 Md à Rs 3,7 Md)

Au cours des années suivantes, les dépenses ont oscillé entre Rs 3 698 748 910 et Rs 4 738 791 749, montrant une certaine modération dans les variations annuelles. Cependant, la tendance globale reste centrée sur l’utilisation continue du charbon.

2021-2022: Un pic alarmant (Rs 7 351 047 556)

L’année fiscale 2021-2022 a été marquée par une augmentation alarmante des dépenses, atteignant Rs 7 351 047 556. Cette augmentation substantielle soulève des questions cruciales sur l’alignement des dépenses avec les objectifs gouvernementaux de réduction du charbon.

Transition énergétique à Maurice : Les inquiétudes des experts et responsables politiques

Selon Khalil Elahee, chargé de cours à l’université de Maurice (UoM), « le charbon reste malheureusement incontournable dans le contexte énergétique actuel ». Il souligne deux points majeurs qui justifient cette dépendance persistante. Il met en avant l’importance de l’Independent Power Producer (IPP) Terra qui utilise massivement le charbon pour la production de l’électricité, soulignant que « son apport est crucial pour éviter le redoutable déficit entre la demande et l’offre d’électricité pendant les heures de pointe ». Cette dépendance à Terra, semble-t-il, est « une réalité inévitable pour maintenir la stabilité du réseau électrique mauricien ». 

Khalil Elahee fait ressortir que malgré les engagements envers des sources d’énergies plus durables, « le charbon demeure une option attractive pour assurer une électricité abordable ». Cette réalité économique est cruciale, notamment pour le secteur hôtelier qui dépend fortement de l’électricité pour la climatisation, évitant ainsi tout déficit en période de pointe. Actuellement, selon lui, « il est impératif de substituer le ‘Gross Metering’ par le ‘Net Metering’ pour les petits producteurs, particulièrement dans le secteur domestique, afin de les encourager à adopter les énergies renouvelables. Sous le ‘Gross Metering’, un foyer de classe moyenne vend l’électricité qu’il produit grâce à des panneaux photovoltaïques au CEB à un tarif plus de deux fois inférieur à ce qu’il paie lorsqu’il achète de l’électricité au CEB. Le ‘Net Metering’ est une option plus équitable, car le tarif est basé sur la différence entre la consommation et la production », dit-il. 

Ce dernier explique aussi que dans des pays - comme l’Inde - et partout où les petits producteurs indépendants (« prosumers ») sont impliqués, le « Net Metering » s’applique aux installations de moins de 10 kW. « Il est essentiel de faire des subventions pour le ‘Net Metering’ une priorité, en particulier pour la classe moyenne. Cela est crucial pour réduire notre dépendance au charbon et au fioul lourd », ajoute l’expert. 

Khalil Elahee déplore, par ailleurs, que le COP28 ne mette pas en œuvre les mesures nécessaires pour accélérer l’accès aux fonds verts. Les 100 milliards de dollars nécessaires annuellement à l’échelle mondiale semblent loin d’être atteints. « L’agenda de la COP28, par exemple, prévoit une journée dédiée à l’énergie, le 5 décembre, mais met trop l’accent sur le nucléaire, le gaz issu des énergies fossiles, et même sur l’hydrogène propre qui diffère de l’hydrogène vert. L’efficacité énergétique et la situation des petits États insulaires en développement (PEID) ne sont malheureusement pas prioritaires dans cet agenda », déplore-t-il. 

Doutes

Patrick Assirvaden, responsable du dossier énergétique pour le Parti travailliste (PTr), s’est attardé sur les engagements pris lors de la COP26 qui, selon lui, ne semblent pas être à la hauteur des attentes. Il exprime une inquiétude quant à la trajectoire ascendante des factures liées au charbon, prévoyant une tendance persistante. « L’utilisation des énergies renouvelables ne se concrétisent pas comme prévu, soulignant un écart entre les discours politiques et les résultats obtenus. » Il ne manque pas non plus de pointer du doigt le démantèlement de Maurice Ile Durable (MID), institué sous les régime PTr. Et d’ajouter que le gouvernement ne sera pas en mesure d’assurer la transition énergétique promise.  

Si la députée du MMM Joanna Bérenger se dit favorable à toutes les initiatives visant à regrouper et à dialoguer en faveur du climat, elle souligne que ces idées et dialogues doivent se concrétiser sur le terrain à travers les actions de différents gouvernements. « Maurice éprouve des difficultés considérables à faire respecter les engagements pris précédemment. Chaque année, des représentants du gouvernement se rendent à la COP pour demander des fonds afin d’accroître la résilience du pays face aux changements climatiques, mais il y a  divergence entre les paroles prononcées à l’étranger et les actions réelles sur le terrain », observe-t-elle. 

Joanna Bérenger exprime des doutes quant au sérieux du gouvernement dans la transition énergétique. Elle souligne « les retards dans les projets d’énergies renouvelables, les controverses liées à la recherche de pétrole en mer, la corruption présumée et les nominations politiques sans justification ». Elle conclut en affirmant que « le gouvernement semble plus enclin à regarder à court terme qu’à prendre des mesures significatives pour faire face aux risques climatiques et à la nécessité d’abandonner les énergies fossiles ».

 

 

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