Cela fait cinq ans que Darvin Pooven Parryanen a quitté son île natale. Il a parcouru 15 000 km pour poser ses valises à Toronto, au Canada. Parcours.
« Dès que vous y étudiez plus de deux ans, vous avez un permis de travail de trois ans, ce qui est suffisant pour entamer les procédures de résidence permanente »
Si Darvin Pooven Parryanen, 30 ans, est maintenant bien installé dans son pays d’adoption, tout n’a pas toujours été rose pour lui. Enfant unique, il a perdu son père alors qu’il n’avait que 11 ans. « Ma mère, Mala, a travaillé nuit et jour pour que je ne manque de rien », confie l’ex-habitant de route Bois-Chéri, à Moka.
Le soutien maternel lui a été d’une aide précieuse, surtout dans ses études secondaires, qu’il a commencées à la Shrimati Indira-Gandhi State Secondary School, à Quartier-Militaire, et complétées au Royal College de Curepipe.
Après le Higher School Certificate, il s’inscrit à l’université de Maurice pour des cours en ingénierie mécanique. « Je travaillais à temps partiel comme Data entry operator pour assurer mes études et mes dépenses personnelles et je suis sorti grandi de cette expérience. »
Son diplôme en poche, il cherche du travail, mais se heurte à beaucoup de refus et à des salaires dérisoires.
Choix stratégique
En 2013, las de cette situation, il tente l’aventure de poursuivre des études à l’étranger. Direction : le Canada, au collège Seneca d’arts appliqués et de technologie. Son choix est stratégique, car le système d’immigration canadien est, selon lui, meilleur comparé aux autres pays.
« Dès que vous y étudiez plus de deux ans, vous avez un permis de travail de trois ans, ce qui est suffisant pour entamer les procédures de résidence permanente. C’est un pays où il y a beaucoup de possibilités, à condition d’être un bosseur », estime-t-il. Et lui, le dur labeur ne le rebute pas.
« C’était sans conteste l’une des décisions les plus difficiles à prendre, car je m’engageais à utiliser toute une vie d’épargne de mes parents », confie Darvin. De plus, quitter sa famille, surtout sa mère, lui fendait le cœur. « Néanmoins, grâce aux réseaux sociaux et à Skype, on peut communiquer. Mais des fois, j’ai des moments difficiles et j’aimerais être auprès d’eux », souligne ce fils unique.
Au commencement, Darvin évitait de sortir par peur de se perdre en route, d’autant que l’anglais n’était pas sa première langue. « Je ne me sentais pas à l’aise pour communiquer, mais après, on s’y fait. Il m’arrivait aussi d’avoir des réflexes typiquement mauriciens en convertissant les prix en roupies et donc, tout me semblait cher. J’étais étonné de constater que le coût de la vie à Maurice est presque le même qu’au Canada, voire plus cher. C’est la taxe qui est un problème, car elle équivaut à presque 20 % de votre fiche de paie. »
Débrouillard, il explique qu’il cuisinait en grande quantité pour deux ou trois jours, afin d’éviter des dépenses inutiles aux restos ou dans les fast-foods. Pour subvenir à ses dépenses, il a cumulé plusieurs petits boulots durant son temps libre. Tantôt peintre, tantôt déménageur, il a aussi exercé dans la rénovation de maisons, entre autres.
L’autre défi
L’autre défi qui l’attendait au Canada, c’est le grand froid. « Au commencement, je portais tous mes vêtements d’hiver pendant l’automne et mes amis se moquaient de moi, dit-il. Je portais plusieurs couches de vêtements dont souvent deux pantalons, un t-shirt, un sweatshirt et une veste d’hiver. » La température la plus basse qu’il a connue est de -40 °C. « Ce n’était pas si mal », dit-il en souriant. C’était dur avec le froid et les études, mais il fallait s’accrocher, ajoute-t-il.
De toutes les difficultés rencontrées, partager le loyer a été sa plus mauvaise expérience, car il devait vivre avec des personnes qu’il ne connaissait pas et venant de cultures différentes. « J’ai subi des critiques discriminatoires, voire racistes, mais je ne me suis pas laissé faire, car je savais que c’était temporaire. J’ai préféré éviter toute altercation, car cela risquait de jouer contre les démarches d’immigration. »
Nominé pour un prix
Au lieu de se laisser déstabiliser, il a utilisé son expérience comme motivation pour donner le meilleur de lui-même dans ses études en ingénierie des systèmes de construction au collège Seneca. C’est ainsi qu’il a été récompensé pour ses efforts. Il a été nominé pour le prix du meilleur Co-op Student of the Year 2014. « C’était une grande fierté pour moi, car avec une population de 10 000 étudiants au collège Seneca, c’est un petit Mauricien qui est sorti du lot », lance-t-il.
Malgré toutes les difficultés rencontrées en chemin, il ne peut oublier les belles rencontres qu’il a faites. Comme celle de Bob Ragoonaden, un Mauricien établi au Canada depuis vingt ans, qui l’a beaucoup aidé dans les moments difficiles.
Parcours professionnel
Aujourd’hui, il poursuit son petit bonhomme de chemin. Il est employé comme Superintendent of Operations and Maintenance pour la compagnie FirstGulf. Il souhaite se faire un nom dans le domaine du Property Management.
Compte-t-il revenir à Maurice ? Pas pour le moment, répond-il. Il préfère se concentrer sur sa carrière professionnelle. Il se dit contre le système « ti copain ou ti copine ». « S’il faut retourner au pays, ce sera pour aider les enfants qui n’ont pas accès à l’éducation à cause de la pauvreté », précise-t-il.
« C’est mon plus grand souhait et j’estime que c’est incompréhensible qu’en 2018, certains parents ne puissent pas envoyer leurs enfants à l’école, faute de moyens », fait-il observer.
Si sa carrière est en plein essor, sa situation familiale l’est aussi. En effet, au début de cette année, il a épousé Neelam, celle qui partage sa vie depuis dix ans. Il l’a rencontrée à Maurice. Le couple attend un heureux événement...
Darvin a une pensée spéciale pour toutes les personnes qui lui sont chères, notamment ceux qui ne sont plus de ce monde : son père Vishwa, son grand-père Kitna, sa grand-mère Rookoo, ses oncles et ses tantes.
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