Meilleure protection des internautes mauriciens et des entreprises ou portes ouvertes aux arrestations arbitraires ? Les débats parlementaires sur le Cybersecurity and Cybercrime Bill ont débuté ce mardi 9 novembre 2021 avec les interventions de Deepak Balgobin, Reza Uteem et Fazila Jeewa-Daureeawoo.
Deepak Balgobin, ministre de la Technologie, de la Communication et de l’Innovation, a été particulièrement virulent à l’encontre des politiciens de l’Opposition qui ont critiqué le Cybersecurity and Cybercrime Bill, notamment dans la presse. « Les détracteurs font de la démagogie. Ils sont à côté de la plaque et ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. La loi donnera les outils pour protéger les citoyens et les entreprises. Les cybercrimes sont plus sophistiqués et le nombre de cas augmente. Ils sont cinq fois plus nombreux en 2021 qu’en 2018. Et la tendance ne va pas en s’améliorant. On a eu comme exemple l’affaire de ‘revenge porn’ sur Telegram, la vidéo sur Facebook qui dénigre les personnes handicapées et l’affaire de pédopornographie à Rodrigues », déclare Deepak Balgobin.
Il souligne que la coopération internationale dans le cadre de la cybersécurité sera renforcée. « Ce projet de loi fera de Maurice l’un des pays les mieux protégés contre la cybercriminalité. Il est inspiré de ce qui se fait dans d’autres pays et en consultation avec les parties prenantes. Le projet de loi respecte les droits de l’Homme. […] En aucun cas le National Cybersecurity Committee aura le pouvoir d’enquêter. Les enquêtes policières se feront en toute indépendance », rassure le ministre.
« Je n’ai pas de problème contre les critiques envers la clause sur les faux profils, mais il ne faut pas induire la population en erreur. Nous voulons protéger la population contre les gens qui se cachent derrière de faux profils pour faire des actes malveillants. […] Des commentaires infondés disent que la clause sur la modération sur les réseaux sociaux va à l’encontre de la liberté d’expression. La loi explique bien quels sont les commentaires problématiques. Dans quel sens la liberté de la presse sera-t-elle inquiétée ? Si un commentaire incitant à la haine raciale est posté sur une page avec de nombreux abonnés, on peut imaginer les conséquences. Cette clause s’appliquera uniquement après une plainte et une enquête policière. Ce n’est que si l’administrateur refuse de retirer le commentaire que la clause s’applique. […] La lecture et la collecte des données s’appliqueront uniquement en cas d’enquête de la police. En aucun cas les réseaux sociaux seront surveillés. Ces clauses existent déjà dans l’ancienne loi et personne n’est contre », ajoute Deepak Balgobin.
Ce dernier précise que le Cybersecurity and Cybercrime Bill a trois piliers : mieux combattre la cybercriminalité, renforcer la cyber résilience et renforcer la coopération internationale. « L’objectif est de défendre tous les Mauriciens et les entreprises. Les pirates s’en prennent aux plus faibles. Le développement des Tic n’ont pas que des avantages, ils ont fait exploser les cybercrimes. De nouveaux délits sont apparus. Chaque citoyen vit dans la crainte perpétuelle d’être une victime de la cybercriminalité. Les conséquences sont souvent désastreuses, d’où le besoin d’une nouvelle loi plus moderne. L’ancienne loi a fait son temps. La nouvelle rendra le cyberespace plus sûr », soutient le ministre.
Fazila Jeewa-Daureeawoo : « L’obtention de l’ordre d’un juge en chambre est un garde-fou »
L’intention du ministre Balgobin et du gouvernement n’est pas de museler le droit d’expression et la liberté d’expression, a affirmé Fazila Jeewa-Daureeawoo, ministre de la Sécurité sociale et de la Solidarité nationale. « La loi doit évoluer avec son temps. Je tiens à rassurer l’opposition que nous traitons la cybercriminalité de la meilleure des façons. Le secteur des Tic est un secteur clé dans la Vision 2030 où ils feront partie du quotidien des Mauriciens. Les statistiques sur les cybercrimes nous donnent une indication sur l’urgence de cette loi. Le projet de loi contient de très intéressantes clauses pour protéger la population. La Mauritius Computer Misuse and Cybercrime Act est obsolète. Les faux profils sont des problèmes. Des cybercrimes les utilisent pour des actes malveillants. L’obtention de l’ordre d’un juge en chambre est un garde-fou », déclare Fazila Jeewa-Daureeawoo.
Les débats sur le Cybersecurity and Cybercrime Bill ont été ajournés au 16 novembre 2021.
Reza Uteem : « Attention aux arrestations arbitraires »
Le député du MMM, Reza Uteem, affirme qu’il est d’accord sur l’importance de protéger les Mauriciens contre les cybercrimes. Cependant, il craint des abus de la part des autorités à travers « des arrestations arbitraires » sous le Cybersecurity and Cybercrime Bill. « La clause sur les faux profils crée un délit contre les personnes qui font de faux profils pour des délits. Mais n’importe quoi peut être considéré comme un ‘harm’. Prenons l’exemple d’un supporter d’une équipe de football qui, avec un faux profil, se moque d’un fan d’une autre équipe. Il n’y a rien de mal à ça. La clause manque de précision. Cette clause est anticonstitutionnelle. On sait comment la police arrête des gens sous la Mauritius Computer Misuse and Cybercrime Act alors que les affaires sont ensuite rayées en cour. Vous espérez qu’on vote pour une loi qui donnera plus de pouvoir à la police pour arrêter des gens arbitrairement ? », fustige Reza Uteem.
« Nous n’avons rien contre les nouvelles infractions, mais elles sont déjà couvertes par l’Information and Communication Technologies Act. La différence est l’augmentation des peines. Un même crime sera puni plus sévèrement s’il est pratiqué avec un ordinateur. C’est par exemple le cas de l’extorsion qui passe de deux ans de prison sous le code criminel à 20 ans sous le Cybersecurity and Cybercrime Bill. Cette disproportion va à l’encontre de la convention de Budapest. Je n’ai vu aucun article dans la presse qui félicite le gouvernement pour ce projet de loi, au contraire ils soulignent tous ses dangers », lance le député. Il estime que la clause sur la modération des commentaires sur les réseaux sociaux est aussi dangereuse. « Des publications ont de nombreux commentaires, comment tous les modérer, notamment dans les interviews et débats en direct sur les réseaux sociaux ? Il est dangereux qu’uniquement une autorité enquêtrice décide seule ce qui est un commentaire déplacé », lance Reza Uteem.
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